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Du plaisir de lire plein les poches

La sobriété camPoche... détail de la couverture du livre de Jacques Chessex. Campiche

Asa Lanova, Jacques Chessex, Jean-Pierre Monnier, Ania Carmel: quatre auteurs romands se retrouvent ces jours en version poche aux Editions Campiche.

L’écrivain et ancien éditeur Rolf Kesselring nous propose un tour d’horizon de ces quatre nouveautés ‘camPoche’!

Le métier d’éditeur est étrange et passionnant. Je suis bien placé pour le savoir. Durant presque trente ans de ma vie, j’en ai fait le tour et découvert pas mal de ses détours. En fait, il ne s’agit pas d’un métier, d’une profession, c’est une passion.

Par une curieuse alchimie, lorsqu’on publie des livres, surviennent des émotions subtiles qui se succèdent en cascade: joie de découvrir un texte excitant, de rencontrer un auteur surprenant, plaisir de multiplier des écrits pour les partager avec d’autres… En fait, il s’agit toujours d’histoires d’amours indicibles.

C’est la raison pour laquelle, lorsque j’ai reçu les derniers ouvrages publiés par Bernard Campiche, j’ai eu envie de vous faire partager un peu de cette manne récente et de vous en raconter les arcanes (lire l’interview de Bernard Campiche).

Tir groupé

Un titre de collection étrange, presque incongru: campoche! Entendez Campiche en poche. Extraordinaire contraction! Et là, sur ma table quatre camPoche aux jaquettes à peine colorées, strictes comme leur concepteur.

Une impression de sérieux, de rigueur, de nudité presque, m’est immédiatement venue à l’esprit. Pourtant, quatre auteurs, et pas des moindres, en un seul envoi comme un bouquet composé, le paquet ne pouvait que me séduire.

La vie comme un roman

Asa Lanova n’est plus à présenter aux lecteurs attentifs et aux amateurs de danse. Cette lausannoise fut partenaire de Maurice Béjart aux Ballets de l’Étoile, puis celle de Raimondo de Larrain qui n’était autre que le successeur du célèbre Marquis de Cuevas.

Et puis, mystères d’un destin qui semblait promis aux plus grandes scènes dédiées à cet art, elle quitte tout, se réfugie dans une ferme vaudoise. Santé? Chagrin? Dépression ?Elle ne lèvera pas le voile…

C’est l’écriture qui la ressuscitera. Des Éditions Mazarine à Régine Desforges en passant par L’Acropole ou L’Aire, on ne la reverra sur scène que pour interpréter le rôle principal de «Tancrède et Clorinde», l’opéra-ballet mal connu de Monteverdi. Après, la mythique Alexandrie où elle séjournera un temps, Asa Lanova reviendra en Europe; d’abord en Savoie voisine, puis à Pully.

Avec le roman autobiographique que propose Bernard Campiche en format de poche, il semble qu’elle nous livre un peu des secrets de sa géographie intime.

Le Jurassien…

Dans ce roman («Ces vols qui n’ont pas fui») où le monde se décrit et se forme, se met à exister et vivre, à partir d’un regard sur les paysages environnants, Jean-Pierre Monnier dessine un personnage de pasteur protestant (qu’il fut lui-même) avançant dans la vie au gré des circonstances.

Longue marche où le hasard des chemins et des rencontres lui permet de faire le bilan d’une existence et d’en imaginer les conséquences à venir. L’écriture de Jean-Paul Monnier est comme une liqueur subtile d’abord douce, innocente, pour irradier au final.

Le Vaudois…

Le Vaudois, je veux dire Jacques Chessex, nous donne, lui, une autre peinture de cet espace romand. Dans cet ouvrage, l’ami Jacques nous donne à lire une pièce autobiographique («L’Imparfait») qui en dit long sur l’auteur.

Enfance absente, inexistante, terrible mort du père avec, en point d’orgue, le sentiment atroce de n’avoir pas su déceler ce chagrin immense, ce désespoir violent.

Alors, ce sera l’alcool à outrance comme pour se mutiler, se punir, de cet aveuglement funeste. Ce sera le Chessex de tous ses poèmes, de tous ses romans: provocant, rageur à force d’impuissance, éternel fuyard de sa propre condition.

Il sera l’écrivain que j’ai aimé comme un ami et qui ne le sait pas. Celui qui me promettait toujours ce livre qui… Celui qui me parlait si bien des renardeaux joueurs de Ropraz.

Le cri des agneaux

Quant au dernier titre de cette livraison roborative, il s’agit d’un petit diamant: «Les Agneaux» d’Ania Carmel. Minuscule roman tranchant comme un scalpel, brillant une gemme, j’ai déjà écrit tout le bien que j’en pensais dans «L’Imbécile de Paris», en 1992.

Et je persiste, et je signe des deux mains! À la relecture de ce petit livre peu bavard et terriblement efficace, je voudrais en rajouter encore et encore et dire tout ce que suscite, en moi, cet ouvrage…

Est-ce vraiment utile? En tout cas, je vous conseille de vous précipiter cet ouvrage. Il en va de la joie de lire, de ce plaisir que ne connaissent que les amoureux des livres

swissinfo, Rolf Kesselring

«Crève-l’amour» par Asa Lanova, roman, camPoche.
«Ces vols qui n’ont pas fui» par Jean-Pierre Monnier, roman, camPoche.
«L’Imparfait» par Jacques Chessex, chronique, camPoche
«Les Agneaux» par Ania Carmel, roman, camPoche

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