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Le fiasco de la publicité Swatch avec les yeux bridés était «une erreur commise par une équipe jeune»

un mannequin d'origine asiatique tire sur ses yeux
Keystone / Christian Beutler

Après une campagne publicitaire ratée en Chine, Swatch Group semble avoir retrouvé le cap. Cette affaire soulève toutefois des questions fondamentales.

Un mannequin d’origine asiatique tirant ses yeux vers le haut avec ses doigts: c’est l’image utilisée par Swatch pour sa campagne publicitaire en Chine en ce mois d’août. Et l’idée n’était visiblement pas bonne, au vu du retentissement mondial qu’elle a eu.

La célèbre marque horlogère suisse s’est retrouvée au cœur d’une tempête médiatique. Swatch s’est vu reprocher d’avoir eu recours à des stéréotypes racistes.

L’entreprise a rapidement retiré toutes les images et présenté ses excuses «pour toute contrariété ou tout malentendu que cela aurait pu causer».

Alors que la polémique s’apaisait déjà en Chine et dans d’autres pays d’Asie, on spéculait en Suisse sur les dégâts causés et toutes sortes de mesures de réparation étaient proposées.

Un expert en marketing a déclaré haut et fort que le PDG de Swatch, Nick Hayek, devait s’excuser personnellement pour cette campagne publicitaire ratée.

Nick Hayek, CEO Swatch Group
Sous pression: Nick Hayek, PDG du Swatch Group, dont le père a fondé l’entreprise, doit faire face aux critiques des investisseurs. Keystone / Peter Klaunzer

Ces réactions témoignent du scepticisme qui entoure la direction de l’entreprise en Suisse. Les actions du groupe ont perdu énormément de valeur depuis leur pic il y a dix ans.

Dans le cercle vicieux de la discrimination

Quelques jours seulement se sont écoulés et l’indignation sur les réseaux sociaux s’est dissipée. Swatch Group constate que la situation s’est calmée, ce que les succursales locales confirment. Alors, que reste-t-il de cette affaire?

Deux questions principales. Dans un premier temps, Swatch n’a pas répondu à la première, qui est: comment cette publicité a-t-elle bien pu passer les contrôles internes?

Interrogée par Swissinfo, Swatch répond qu’il ne s’agissait pas d’une campagne publicitaire à proprement parler, mais d’un projet interne comprenant des images isolées.

L’entreprise ajoute: «Le mot d’ordre était apparemment de capturer des gestes inhabituels. Il faut admettre que les sujets ne sont pas très réussis. Il s’agit d’un faux pas commis par une équipe jeune et motivée qui n’avait apparemment pas conscience de la portée de ces gestes.»

Le siège de Swatch Group à Bienne.
Le siège de Swatch Group à Bienne. Keystone / Jean-Christophe Bott

D’autres marques se sont également brûlé les doigts

La deuxième question, plus complexe, est la suivante: comment évaluer les réactions en Chine? Pour y répondre, il faut remonter un peu plus loin.

Il est tout d’abord intéressant de noter que Swatch Group n’est pas la première entreprise européenne à tomber dans le piège des yeux bridés. Au contraire. La liste des cas est longue, dont trois rien qu’en 2021.

Ainsi, après des protestations massives, Mercedes-Benz a retiré une vidéo publicitaire dans laquelle un mannequin d’origine asiatique portait un maquillage qui accentuait la forme de ses yeux.

Pour la même raison, la marque française de luxe Dior a également supprimé une photo. La photographe de mode chinoise Chen Man, qui avait pris la photo, a présenté ses excuses en déclarant: «Je me condamne moi-même pour mon immaturité et mon ignorance.»

Même les marques chinoises ne sont pas à l’abri des accusations de stéréotypes racistes. La même année, le fabricant de friandises Three Squirrels a été contraint de présenter ses excuses pour avoir engagé un mannequin aux yeux particulièrement bridés pour une campagne publicitaire.

La mannequin s’est exprimée à son tour sur les réseaux sociaux: «Am I disqualified to be Chinese just because I have small eyes?» (en français: Suis-je inapte à être chinoise simplement parce que j’ai de petits yeux?). Sa réponse a déclenché une nouvelle vague de débats.

Dans le journal chinois Global TimesLien externe, proche du gouvernement, Zhu Wei, directeur adjoint du centre de recherche sur le droit de la communication à l’Université chinoise de sciences politiques et de droit, a déclaré à propos du cas du fabricant de friandises que le problème ne venait pas du mannequin, mais de la narration orientale, c’est-à-dire de l’adoption d’une perspective occidentale dans la mise en scène d’une personne chinoise.

Il s’agit là d’une distinction difficile à établir, d’autant plus que le style choisi, et plus encore la mode, sont le propre des codes de la publicité. Certaines marques ont donc décidé de ne plus engager que des mannequins aux «yeux caucasiens».

Cette pratique est également critiquée, car elle favorise les normes de beauté européennes. En bref, la publicité en Chine est prise dans un cercle vicieux de discrimination bilatérale.

Des sensibilités sous-estimées

L’exemple de Swatch Group montre que la sensibilité persistante à ces stéréotypes dans les pays asiatiques est sous-estimée en Europe.

Cela peut s’expliquer par le fait que l’attitude classique de supériorité européenne reposait sur des idées issues de la doctrine raciale, qui sont aujourd’hui contraires aux conventions.

Mais les relations entre l’Europe et l’Asie ne sont pas seulement marquées par l’histoire: les ressentiments, en particulier à l’égard du peuple chinois, se sont accrus lorsque la pandémie de Covid-19 a éclaté. Il en est résulté des effets de transfert, une projection du rejet qui s’applique en réalité à la politique chinoiseLien externe

Après cet intermède, Swatch Group s’est recentré sur ses activités quotidiennes. Les problèmes ne manquent pas. Le marché grand public, avec la marque bon marché Swatch, est en déclin.

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Les marques phares Omega, Longines ou Breguet, qui appartiennent au groupe, sont également en perte de vitesse, tandis que d’autres marques horlogères suisses de luxe telles que Rolex et Patek Philippe prospèrent, bien qu’elles ne soient pas cotées en bourse. La stagnation de Swatch Group est particulièrement évidente lorsqu’on la compare à celle du groupe de luxe Richemont, qui détient notamment la marque horlogère IWC.

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Le service de presse de Swatch Group écrit avec une clarté inhabituelle que la situation en Chine a été malheureuse, mais qu’il ne s’agit pas d’une crise. «Une crise, c’est ce qui attend la Suisse avec les droits de douane de 39% imposés par Donald Trump aux États-Unis».

Relu et vérifié par Balz Rigendinger. Traduit de l’allemand par Émilie Ridard/ptur à l’aide d’un outil de traduction.

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