Les voix du Sud ensorcellent le Paléo

Alléché par l’odeur, on se presse devant les suya (brochettes) nigériannes dans le village du monde. swissinfo.ch

Depuis toujours présentes à Paléo, les musiques du monde y ont désormais leur scène et leur village. La coopération suisse (DDC) a apporté un soutien conséquent à ce projet.

En faisant parler la voix du Sud, la DDC souhaite renforcer la solidarité avec ses peuples.

Le Dôme, perché sur la colline de l’Asse, était déjà plus ou moins dédié aux musiques du monde lors des précédentes éditions du Paléo Festival de Nyon. Mais cette année, la scène est sise au milieu d’un village africain, avec cuisine et artisanat.

Dénommé Village du monde, cet espace est consacré pour sa première édition au continent africain. Et l’effet est assez saisissant lorsqu’on franchit son portique.

Entre la couscoussière géante, le brazéro nigérian où sont plantées des brochettes de poulet (suya) et le stand de cuisine camérounaise où dansent et rient à gorge déployée les six Africaines qui le tiennent, les festivaliers déambulent entre les masques africains plantés dans le sol, le sourire aux lèvres.

Et cette douceur de vivre, cet esprit bon enfant se ressent partout dans le village. D’autres se reposent ou dégustent du riz avec des boulettes de viandes, sous une grande tente traditionnelle. Sans parler du bon millier de spectateurs massés sous le Dôme où Bembeya Jazz fait un retour sur scène après 15 ans d’absence, bouillant…

On a l’impression de quitter quelques instants l’industrie de la merguez-frite inhérente à ce type de grand-messe populaire pour un espace dont la touche plus clairement culturelle n’est pas que prétexte à vendre de la barbaque.

Les sens flattés et aguichés, le public, un poil plus métissé ici que dans le reste de l’enceinte du festival, ne peut qu’entamer en douceur un voyage à travers le continent africain et ses multiples facettes, musicales bien sûr, mais aussi culturelles. Ce qui, selon Philippe Duvanel a motivé son choix.

«Nous offrons d’ailleurs un itinéraire musical du Nord au Sud», complète le responsable de la communication du festival. Qui va du Magreb à Madagascar, en passant par l’Afrique de l’Ouest et centrale.

Entrer dans la transe

Mardi soir, les Algériens de Gnawa Diffusion, menés par Amazigh Kateb, le fils du célèbre poète Kateb Yacine, ont ouvert les feux. En transe en moins de deux, le public n’avait aucune peine à coller à ces consonances franco-algériennes.

Autre communion transcontinentale, mercredi, le Français Fred Galliano et ses divas africaines. Là encore, un spectacle à l’image du continent, hyptonique et puissant. Le public ne s’y est pas trompé et n’a eu de cesse de danser.

Et une semaine entière consacrée à l’Afrique n’est pas de trop pour nouer des liens avec ce continent. Ou comme l’indique Benedikt Güntert, chargé de la culture à la DDC, «convoyer des émotions positives à son égard».Et ainsi améliorer l’image des pays du Sud.

Partenaire de Paléo depuis 4 ans, l’agence nationale de la coopération suisse n’en est donc pas à son coup d’essai. En 2000, son slogan était déjà: «Qui ne voit l’Afrique qu’en noir, ne découvrira jamais toutes ses couleurs».

Car, sans cet appel émotionnel, la solidarité ne peut se développer, et par une logique indirecte, la coopération non plus. «C’est donc aussi une manière d’amener la population suisse à soutenir notre action politique», précise Benedikt Güntert.

La DDC est d’ailleurs très visible cette année, avec sa rotonde où elle présente ses activités. Elle abrite aussi une «radio» où des dj’s africians «tchatchent» et jouent entre les concerts du Dôme voisin.

Fresque de la vie quotidienne de Goma

Et tout compte fait, le meilleur moyen d’ouvrir les sensibilités, est bien de plonger dans la réalité quotidienne de l’Afrique. C’est ce qu’à fait la DDC en commandant une fresque magistrale au photographe Frank Baumann.

Longue de 137 mètres, elle fait le tour du village en passant par le Dôme. Le photographe avait déjà créé une fresque au Népal, une autre sur Berne. Celle-ci a été faite à Goma au Congo, sur la Kinsasha Avenue.

Durant 30 jours (!), le photographe a pris des clichés dans la rue principale, tout en discutant avec les commerçants ou les passants. Résultat: un gigantesque roman photo, qui dresse un portrait aussi coloré que contrasté de la vie quotidienne africaine.

Et clin d’œil inverse imaginé par la DDC, des volontaires offrent des loups en carton, en forme de lunettes posées sur un front clairement africain. Ou comment voir les Suisses à travers un regard africain… «Les gens adorent ces masques, ça les amuse beaucoup», confient deux étudiantes nigérianes qui les distribuent.

En inscrivant les musiques africaines dans un espace culturel plus large, elles qui ont souvent tant de peine à sortir de l’ombre si elles ne sont pas signées par une maison de disque internationale, Paléo leur offre une visibilité trop rare ailleurs.

swissinfo, Anne Rubin, Nyon

En bref

– Le Village du monde de Paléo rassemble autours du Dôme (2000 spectateurs), un village de stands faisant un tour d’horizon de l’Afrique.

– La DDC est le partenaire principal de ce projet. Sans articuler de chiffres précis, la DDC dit avoir investi «un peu moins de 200’000 francs» cette année.

– Mais c’est la 4e année que la DDC participe à des projets autours des musiques du monde à Paléo.

– La DDC est active dans près d’un millier de projets menés, pour la plupart, dans 21 pays du Sud (dont 9 en Afrique) et 11 pays de l’Est.

– Elle soutient par ailleurs les activités déployées par les organisations de l’ONU et le CICR.

– Sur scène, un voyage du Nord au Sud propose des artistes d’Algérie, de Tunisie, Guinée, Mali, Sénégal, Burkina Faso, Nigéria, Bénin, Mozambique, Congo, Madagascar et La Réunion.

– Quelques noms: Gnawa Diffusion, Frédéric Galliano and the African Divas, Oumou Sangare, Salif Keta, Ba Cissoko, Salem Tradition.

– L’an prochain, un autre continent sera choisi par Paléo pour animer son village du monde.