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Portraits de Suisses en fous vénérables

Jacques Chessex est certainement l'écrivain romand le plus connu actuellement. Keystone

Personnages illustres et grands écrivains de ce pays se profilent dans le dernier livre de Jacques Chessex ‹‹Le simple préserve l'énigme››, paru chez Gallimard. Une réflexion juste et truculente sur l'âge qui avance et l'ardeur qui fleurit.

La Suisse a ses vapeurs, elle est ménopausée. Et son âge avancé n’arrange pas les choses; au contraire, il bétonne les défauts et exalte l’excentricité. Car si la Suisse use de plus en plus de ‹‹l’hypocrisie, du non-dit, du conformisme qui caoutchoute le jugement››, elle n’en demeure pas moins intrigante. Singulière, elle offre à qui veut y mettre le nez, ‹‹un inépuisable réservoir d’images (…) expressionnistes, abruptes, féroces››.

C’est dans ce réservoir que Jacques Chessex est allé puiser sa matière pour écrire ‹‹Le simple préserve l’énigme››. S’y profilent plusieurs truculents portraits, y compris le sien, réservés aux ‹‹hauts témoins de ce pays violent et fou de ses icônes››.

Jacques Chessex n’est pas une icône, pas encore. Il le deviendra peut-être un jour. Mais en attendant, il écoute la leçon de ses illustres ancêtres, frères en art et en littérature. «Les rejoindre? Les embrasser? En tout cas ne pas les fuir», écrit-il.

Alors va pour un compagnonnage avec ces «hauts témoins», le temps d’un livre lui aussi farouche et étonnant. Où l’on voit apparaître, comme chez les peintres helvètes Ferdinand Hodler ou Maurice Barraud, les figures guerrières ou extatiques d’une Suisse éternelle.

Le Corbusier? «Squelette à tête de scaphandrier»

Guillaume Tell? Vu par Chessex, c’est un «oracle hanté de gravité, longue barbe, parole sentencieuse et pesée». Nicolas de Flue? «Il n’absorbe aucune nourriture, ne boit à d’autre source qu’à Dieu: l’âge est son aliment». Le Corbusier? «Squelette à tête de scaphandrier». Ernest Ansermet? «Chef d’orchestre à la barbe de givre vespéral».

Quant à Charles-Albert Cingria, il «a des allures de courge solaire» et Ramuz «ressemble à un vieux pasteur protestant posant en vigneron de théâtre».

Quelque chose de tragi-comique se dégage de ces portraits, reflets d’un pays où «couve la folie» et miroir d’une Suisse qui «aime l’âge».

A en croire Chessex, nos illustres personnages se bonifient avec le temps. Leur «part dandy» s’épanouit sur le tard. Précision de l’auteur: «En France, Jeanne d’Arc est jeune et vierge», alors que chez nous la reine Berthe est «vieille et sainte».

Suisse, «pays tendu sur ses secrets»

Bien. Et Chessex alors? L’écrivian de Ropraz ne s’extrait pas du lot. Il est logé à la même enseigne que ses célèbres prédécesseurs. Vieux, il porte beau. Sa beauté lui vient de l’écriture qu’il pratique, il faut l’avouer, avec un art consommé. Ecoutez-le encore une fois: «Ecrire aujourd’hui me donne, je suis certain de ne pas me tromper, le pouvoir joueur de reverdir».

Non, Chessex ne se trompe pas. D’ailleurs ses livres en disent long sur son appétit de vie. Ses amis l’attestent aussi, dont François Nourrissier, grand romancier français, qui préface «Le simple préserve l’énigme» et rend hommage à Jacques, son ami de longue date, et à la Suisse «pays tendu sur ses secrets» où, longtemps, il posséda un chalet.

swissinfo, Ghania Adamo

«Le simple préserve l’énigme», Gallimard, 88 pages

Naissance à Payerne (canton de Vaud) en 1934, il est l’un des plus grands écrivains suisses.

Depuis de nombreuses années, ses romans, récits, critiques et essais exercent une très importante influence sur la littérature romande.

En France, où il est publié chez Grasset et Gallimard, ses livres rencontrent également un large public.

Son succès n’est pas dû seulement à sa magnificence stylistique, mais aussi aux thèmes qu’il traite avec passion et intelligence: la métaphysique, la sexualité, l’amour, les liens filiaux…

A son actif, des recueils de poésie et de très nombreux romans dont on citera «L’Ogre» prix Goncourt 1973, «Monsieur», «Le vampire de Ropraz»…

A signaler que Jacques Chessex a obtenu, en France, le Grand Prix Jean Giono, 2007 pour l’ensemble de son œuvre.

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