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Rolf Kesselring: IIIème millénaire

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«Cartes postales» de créateurs suisses expatriés... Rolf Kesselring, écrivain, ancien éditeur, nous adresse son courrier de la région de Nîmes.

Le cap inquiétant et tellement attendu du troisième millénaire est passé depuis une poignée de mois. On est engagé jusqu’au cou dans cette nouvelle ère que d’aucuns, prophètes naïfs, promettaient plus paisible, plus heureuse. Ils parlaient du légendaire «Âge d’or»… À vue de nez, la chose paraît plutôt ratée.

Lorsque j’étais môme, j’imaginais ce troisième millénaire comme une époque fantastique. Devaient arriver des engins, des machines, des bidules épatants, sauce Spielberg ou Georges Lucas.

Comme l’autre humoriste, je croyais qu’enfin les villes seraient à la campagne et que l’homme, cette bête de somme ancestrale, se les roulerait façon paresseux à trois doigts. J’espérais que la médecine nous bricolerait jeunes, beaux et sveltes, presque immortels. Je pensais que le bonheur serait pour tout un chacun, gratuit et à perpète.

La faute à Jules Verne

Quelle candeur!… À cause de Jules Verne et ses acolytes, j’avais idéalisé. Par la faute de ce Nantais diabolique et de quelques auteurs de science-fiction, j’avais cru, optimiste indécrottable, que l’homme serait finalement bon et, peut-être même, intelligent.

Pas une seconde, je n’avais imaginé notre désastre ordinaire. Pas un seul instant, je n’avais songé qu’il y aurait des fanatiques meurtriers partout et que les enfants seraient esclaves de pervers pépères ou d’odieux fabricants de pantoufles. Pas une seule fois, je n’avais pensé qu’on crèverait encore de faim, de froid et de pauvreté. J’étais même certain qu’à ce moment précis de l’Histoire, la violence et la misère seraient désormais illégales.

La faute à Dylan

Durant les sixties, Bob Dylan chantait «The Times They Are A-Changin’»… Quelle déception à peine quelques décennies plus tard. D’un côté, ceux qui trafiquent tout ce qui passe à portée de cynisme, de l’autre, des masses de pauvres ères grelottant de misère. C’est le combat qui continuait! À ma droite, les suppôts d’un système sans pitié, cannibale pour tout dire. À ma gauche, tout un peuple de réprouvés qui crève au fur et à mesure que passe le temps et que rien ne change. La lutte devenait interminable.

La faute à personne

Quand j’étais môme, c’est-à-dire au milieu du siècle passé, j’ai réellement cru que tout pouvait changer, que demain serait plus fraternel, plus équitable, plus…Désillusion et colère. Il est vrai que je n’étais qu’un enfant plein d’imagination. Aujourd’hui, que me voici devenu un homme raisonnable, je sais que rien ne changera désormais. Même si ce n’est de la faute à personne, et que cela dure depuis des millénaires je ne parviens plus à faire de vœux pour l’année qui pointe.

Rolf Kesselring

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