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Stephan Eicher le passe-murailles

Stefan Eicher en interview à Rock oz'Arènes. dominique.saudan / rsr.couleur3

Avenches s'est vu offrir, samedi soir, une superbe relecture du répertoire du chanteur bernois. Stephan Eicher y chantait à l'occasion de la dernière soirée de Rock oz'Arènes. Puis le Jamaïcain Jimmy Cliff a mis un point final à cette 16ème édition, qui a affiché un record d'affluence de 35'000 spectateurs.

«J’ai trouvé quelque chose, là… le röstigraben ! Il est exactement ici!» se marre Stephan Eicher, chemise blanche et gilet noir, en regardant la scène.

Le röstigraben ? Littéralement, le ‘fossé de rösti’, en référence à un célèbre plat à base de pommes de terre, le nom que les Suisses donnent à la frontière linguistique qui sépare Romandie et Suisse alémanique. Et Avenches, l’ancienne Aventicum des Romains, est à la limite des deux langues.

«J’ai demandé à la production de trouver 7000 fourchettes et 7000 couteaux, et maintenant, vous venez tous sur scène manger ce truc, parce que moi, je n’en peux plus avec ça», ajoute-t-il.

Stephan Eicher. L’homme qui, miracle, a su faire écouter des chansons en dialecte bernois aux Romands… et même aux Français.

Souvenir personnel. Paris, juin 1994. Repas dans une brasserie, place de la République. «Hemmige» traverse les baies vitrées, les mots du chansonnier Mani Matter, swingués par Eicher, en plein air et devant quelques dizaines de milliers de spectateurs, à l’occasion de la Fête de la musique. Moment surréaliste!

Le Suisse allemand aux origines yeniche (tzigane) et alsacienne n’aime guère les frontières… qu’elles soient linguistiques ou musicales.

Montagnes russes

Au cours de ses plus de 25 années de production musicale, Eicher est passé par toutes les étapes. Electro-industriel, variété, folk, rock, manouche, passant d’un genre à l’autre avec une fluidité déconcertante. Cela dans un monde – et sur un marché – où les cloisonnements se portent bien, merci pour eux.

En 2007, après des hauts, des bas, des triomphes et quelques errances, comment concilier tout cela au cours d’un même concert ? En offrant avec brio une relecture du tout, entouré par cinq musiciens qui ressemblent davantage à un vrai groupe, soudé, qu’à des accompagnateurs.

Alors, le natif de Münchenbuchsee peut démarrer tranquillement avec une nouveauté «Weiss Nid Was Es Isch», sur un texte de l’écrivain alémanique Martin Suter. Enchaîner avec un «Pas d’ami (comme toi)» légèrement latino, et faire dans le paroxysme sonore lors de «Manteau de gloire», trompette de Calexico à l’appui – Martin Wenk, membre du groupe texan, est de la partie.

Suivre son chemin

Le public est encore loin d’être au bout de ses surprises. Le joli tube variétoche «Combien de temps» se transformera en machine rock, et «Two People in A Room», autre souvenir aussi lointain que synthétique, se métamorphosera en balade acoustique, Stephan Eicher seul à la guitare.

Atteindre le public là où celui-ci n’y aurait pas pensé est un leitmotiv du spectacle… Ainsi avec ce magnifique et moelleux «Campari Soda» qui commute sur un hymne de Presley.

Ou lors de «Déjeuner en paix», LE tube que chacun attend. Avec LE break de batterie (dû à l’époque à Manu Katché) et le déclenchement rock n’roll que celui-ci devrait susciter… et qui ne viendra jamais. Car c’est sur les trompettes mariachi gentiment kitsch de «Rendez-vous» que bifurquera la chanson.

Frustration du public… qui néanmoins accroche immédiatement à ce «Rendez-vous» (signé Raphaël). De quoi réjouir Stephan Eicher: les chansons tirées du nouvel album, «Eldorado», fonctionnent aussi bien auprès du public que les anciennes.

«Et le vent sur le chemin, Ne me dis rien, ne me dis rien». Eicher suit son chemin, et reste maître du jeu. Aimable à l’égard de son public, sans être faussement copain. Une légère distance, toujours.

De chanson en chanson. De chemin en chemin. Des chemins qui permettent de franchir les röstigraben et autres frontières. «Many Rivers To Cross», chantera sans doute, tout à l’heure, Jimmy Cliff…

swissinfo, Bernard Léchot

Stephan Eicher est né en 1960 à Munchenbuchsee, près de Berne.

Son père, violoniste de jazz amateur, donne à Stephan et à ses frères le goût de la musique.

A 17 ans, il joue dans son premier groupe ‘The Noise Boys’, qui ne survivra que quelques mois. En 1980, en plein bouillonnement de la jeunesse zurichoise, il fonde ‘Grauzone’ avec son frère Martin. Premiers succès.

Sa carrière solo démarre trois ans plus tard avec la sortie de l’album ‘Les chansons bleus’. En France, le succès viendra avec ‘I tell this night’ (1985), puis ‘Silence’ (1987), et surtout ‘Engelberg’ (1991), album marqué par la collaboration avec l’écrivain Philippe Djian.

Suivront de nombreux autres disques, dont notamment ‘Carcassone’ et ‘1000 vies’.

En avril 2007, Stephan Eicher a publié son 12e album, ‘Eldorado’. Philippe Djian, mais aussi Mickael Furnon (Mickey3D) et le chanteur Raphaël y ont collaboré.

La 16ème édition du festival Rock oz’Arènes s’est tenue du 15 au 18 août, comme chaque année dans l’amphithéâtre romain de la ville d’Avenches. Quelque 35.000 spectateurs, un record d’affluence, y ont assisté.

Parmi les invités 2008: Nine Inch Nails, Joe Cocker, Indochine, Jimmy Cliff ou Sananda Maitreya (anciennement Terence Trent d’Arby).

Cette année, la tour surplombant les arènes et qui abrite le Musée romain a été équipée de capteurs et de micros pour vérifier que la déferlante de décibels n’a pas d’impact négatif sur les collections ni sur le bâtiment.

L’amphithéâtre a été érigé au début du 2e siècle après JC, agrandi et muni de gradins de pierre à la fin du même siècle. Désaffecté dès le 4ème siècle, il a ensuite été exploité comme source de matériaux. C’est au 11e siècle que l’évêque de Lausanne fait élever la tour forte qui abrite aujourd’hui le musée romain.

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