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Débâcle de Swissair: il y avait pourtant eu des avertissements

Swissair a définitivement coulé, écrasée par le poids d'une dette de près de 17 milliards de francs. Keystone Archive

La situation de Swissair ne serait peut-être pas aussi catastrophique si l'on avait écouté les avertissements lancés au mois de juillet 2000. A l'époque, Thomas Chandiramani travaillait comme analyste au Credit Suisse. Quelques jours après avoir tiré la sonnette d'alarme, il était remercié par la banque.

«Pour moi, les choses sont claires, explique Thomas Chandiramani. Crossair a été brisée pour être reprise par les banques. Elles ont recapitalisé la compagnie à hauteur de quatre ou cinq milliards de francs. C’est une somme énorme. Je dirais même que cela aurait suffi pour sortir Swissair de l’ornière».

L’ancien analyste du Credit Suisse avait lancé un premier avertissement le 2 juillet 2000, peu après le départ du patron de Swissair Jeffrey Katz. A l’époque, les chaînes suisses de télévision venaient de parler, pour la première fois, des difficultés du groupe.

La suite est désormais connue. la semaine dernière, la compagnie Swissair a définitivement coulé, écrasée sous le poids d’une dette de près de 17 milliards de francs.

«Je ne pensais pas qu’elle allait s’écrouler»

«Nous nous attendions à quelques pertes, de l’ordre du milliard de francs au maximum, se souvient Thomas Chandiramani. Mais je ne m’imaginais pas à cette époque que la compagnie s’écroule. Je pensais que les banques et l’Etat allaient faire quelque chose pour aider Swissair à survivre».

L’ancien analyste, qui va bientôt rejoindre l’équipe du magazine économique Cash, est persuadé que si des mesures avaient été prises à temps, le chaos de ces dernières semaines aurait pu être évité. A l’époque, il avait pourtant lancé ses avertissements, à la fois, par note interne et sur le site Internet du Credit Suisse.

«On aurait pu éviter tout cela en procédant à une augmentation de capital, en rationalisant, en prenant des mesures d’économies et en amortissant une partie de la dette», explique Thomas Chandiramani.

Au lieu de cela, la banque a demandé à son analyste de se rétracter. Et Thomas Chandiramani est persuadé que l’ordre est venu directement du grand patron du Credit Suisse, Lukas Mühlemann.

Le film des événements

«Dans l’après-midi du 6 juillet 2000, se souvient l’ancien employé du Credit Suisse, Oswald Grübel a téléphoné en nous demandant de publier un rectificatif dès le lendemain. Il nous a aussi demandé de conseiller aux gens d’acheter des actions Swissair.»

Et d’ajouter: «Oswald Grübel, qui était le patron de Credit Suisse Private Banking, m’a appelé parce qu’il venait de recevoir un coup de fil de Monsieur Mühlemann. Et il m’a donné l’ordre de corriger l’annonce que nous avions faite sur le site Internet de la banque».

Résultat: le 10 juillet, Thomas Chandiramani perd son job au Credit Suisse. L’ancien analyste affirme aujourd’hui que c’est uniquement parce qu’il a osé publier des commentaires négatifs sur Swissair.

«Monsieur Mühlemann, rappelle-t-il, était président du Credit Suisse et membre du Conseil d’administration de Swissair. Et son ami Philippe Bruggisser, patron de Swissair, était aussi au Conseil d’administration du Credit Suisse. C’était une forme de management croisé. Et Monsieur Mühlemann n’aimait pas trop cela, à cause des conflits d’intérêt.»

«Si j’ai été licencié, conclut Thomas Chandiramani, c’est parce que la presse s’est emparée de cette affaire. Les journaux ont tous fait leur enquête et ont pu dire que Swissair était déjà dans les ennuis financiers.»

Contacté par swissinfo, le Credit Suisse Group, ne tient pas à réagir. Il ne veut pas faire de commentaires sur les allégations de son ancien analyste.

Tom O’Brien

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