
Décès en Inde du chef de l’opposition kényane Raila Odinga

Le chef de l'opposition kényane, Raila Odinga, 80 ans, est décédé mercredi matin dans le sud de l'Inde après avoir perdu connaissance lors d'une promenade, a-t-on appris auprès de la police indienne.
(Keystone-ATS) «La mort est confirmée», a déclaré à l’AFP un responsable de la police du district d’Ernakumam, Krishnan M. «Il se promenait avec sa soeur, sa fille et son médecin lorsqu’il s’est écroulé (…) Il a été conduit dans un hôpital où il a été déclaré mort».
Raila Amolo Odinga a passé la majeure partie de sa vie en politique, y compris huit années en prison en tant que militant pro-démocratie, mais n’a jamais réussi à atteindre son objectif de devenir président du Kenya malgré cinq tentatives.
Membre de l’une des principales dynasties politiques du pays, Odinga, figure centrale de la politique kényane, s’est longtemps présenté comme un agitateur anti-élites.
Né le 7 janvier 1945, il s’est engagé dès le début des années 80 contre le régime de l’autocrate Daniel arap Moi, ce qui lui a valu d’être placé arbitrairement en détention de 1982 à 1991. Raila Amolo Odinga a ensuite connu un bref exil en Norvège, avant d’entrer au Parlement lors des premières élections multipartites de 1992.
C’est lors des scrutins présidentiels de 1997, 2007, 2013 et 2017 que ce leader de la communauté luo s’imposera comme un acteur politique incontournable, toujours candidat opposé au pouvoir.
En 2007, sa contestation de la victoire de Mwai Kibaki dégénère en sanglantes violences ethniques, faisant plus de 1100 morts et des centaines de milliers de déplacés.
La crise se résoudra par un accord de partage du pouvoir, avec M. Odinga Premier ministre (2008-2013). Durant cette période, il est un des artisans de la Constitution de 2010, considérée comme une des plus progressistes du continent.
«Poignée de main»
En 2013 et 2017, il a pour adversaire Uhuru Kenyatta, avec qui la rivalité est historique. Son père, Jaramogi Oginga Odinga, fut le grand perdant de la lutte pour le pouvoir après l’indépendance du Kenya en 1963, au profit du premier président Jomo Kenyatta… père d’Uhuru.
En 2017, Raila Odinga fait invalider le scrutin par la Cour suprême, une première en Afrique, à la fureur d’Uhuru Kenyatta, arrivé en tête. Ce dernier sera réélu quelques semaines plus tard lors d’un nouveau vote boycotté par M. Odinga.
Contestant la légitimité du chef de l’Etat, «RAO» se fait symboliquement investir «président du peuple».
Mais en 2018, les deux rivaux, après de nouvelles violences post-électorales, décident à la surprise générale, d’une trêve, symbolisée par une poignée de main restée célèbre.
Le statut d’éternel opposant de Raila Odinga s’en retrouve écorné. Et le sera davantage encore après la présentielle de 2022, pour laquelle il conteste âprement la victoire de William Ruto…
La popularité de M. Ruto s’est émoussée lorsque des projets de nouvelles taxes ont déclenché des manifestations de masse de la jeunesse en 2024, durement réprimées, avec des dizaines de morts.
Le mouvement de protestation a plongé le gouvernement de M. Ruto dans une crise, le forçant à s’allier à M. Odinga pour former un «gouvernement à large assise» l’année dernière.
En mars, William Ruto a signé un accord de coopération politique avec son ancien rival -ce qui a une fois de plus laissé le pays sans force politique d’opposition.
Foot et reggae
Surnommé «Agwambo» («le mystérieux» en langue luo), Raila Odinga est un homme de contradictions.
Ses plus fidèles partisans le considèrent toujours comme un combattant de la démocratie et un réformateur social indispensable dans un pays profondément inégalitaire. Ses détracteurs décrivent un agitateur populiste, prompt à jouer des rivalités ethniques pour assouvir son ambition.
Ces derniers l’ont également souvent épinglé comme «socialiste». S’il a certes suivi des études d’ingénieur à Leipzig, en Allemagne de l’Est communiste, et prénommé Fidel son fils aîné – décédé en 2015 – en hommage à Fidel Castro, ce riche homme d’affaires est à la tête d’un solide patrimoine économique, notamment dans le secteur de l’éthanol et du pétrole.
Réputé pour ses talents d’orateur, il a vu son charisme s’éteindre quelque peu avec l’âge. Lors de la campagne, ce grand-père de cinq petits-enfants est apparu vieillissant, bredouillant, l’élocution parfois confuse.
Mais il ne se départit pas de sa passion pour le club anglais d’Arsenal, et surtout pour le reggae.
Depuis plusieurs années, il a fait sienne la chanson de Lucky Dube, dont il martèle le titre comme une devise: «Nobody can stop reggae» («Personne ne peut arrêter le reggae»).
Marié à Ida pendant près d’un demi-siècle, Raila Odinga laisse derrière lui trois enfants et cinq petits-enfants.