L’école genevoise au cœur d’une polémique portugaise
Une campagne accuse les écoles du canton de Genève d'avoir une politique discriminatoire à l'égard des enfants portugais. A la grande stupeur du représentant portugais de la Commission fédérale des étrangers qui dénonce des propos démagogiques et contre-productifs.
Antonio Cunha qui préside également la Fédération des associations portugaises de Suisse romande ne cache pas sa surprise face à la campagne contre les écoles genevoises lancée depuis quelques semaines par son compatriote Manuel de Melo, l’un des représentants de la communauté portugaise de Genève.
Abondamment relayés par les médias portugais, les propos de Manuel de Melo ne font en effet pas dans la nuance. Dans une pétition qu’il s’apprête à remettre au Parlement genevois, ce fonctionnaire du consulat du Portugal à Genève dénonce le sort réservé à 1040 élèves portugais qui se trouvent dans des classes ou des institutions spécialisées.
«Dans la majorité des cas, il s’agit d’enfants possédant les capacités requises pour fréquenter des écoles normales mais qui sont en train d’être détruits par les Services médico-pédagogiques, lesquels prennent des décisions arbitraires et utilisent ces enfants en tant que cobaye pour des expériences de pédagogie compensatoire au caractère douteux», martèle le texte de la pétition.
Selon Manuel de Melo, cette politique aurait pour but de former une main-d’œuvre bon marché pour l’économie suisse, comme il vient de le déclarer à la Tribune de Genève.
Mais l’outrance et le simplisme de ces propos choquent particulièrement Antonio Cunha. Cette campagne risque en effet de jeter de l’huile sur le feu qui couve dans la communauté portugaise de Suisse. Car, selon Antonio Cunha, les enfants portugais sont bel et bien surreprésentés dans les écoles et les institutions spécialisées en Suisse.
«Ce phénomène mis en évidence par plusieurs études pose le problème de l’intégration des communautés étrangères», estime Antonio Cunha.
Nombre d’enfants portugais atterrissent dans des classes spécialisées dans le but de maîtriser la langue du pays d’accueil. Un certain nombre d’entre eux rejoignent donc la filière classique après quelque temps.
Antonio Cunha évoque également le sort de nombreuses familles portugaises ayant un faible niveau socioculturel, travaillant dur, cumulant les heures supplémentaires. «Ces familles n’ont ni le temps, ni parfois les capacités de s’occuper pleinement de leurs enfants qui se retrouvent dès lors souvent livrés à eux-mêmes après l’école».
Il souligne enfin le caractère sélectif et le rythme soutenu des différents systèmes scolaires helvétiques. «Pour un enfant déraciné et peu habitué à ce rythme, il est naturellement difficile d’intégrer un tel système», juge Antonio Cunha.
Ce dernier compte donc poursuivre ses efforts en vue d’une meilleure intégration de la communauté portugaise en Suisse. Il prévoit également une réaction des associations portugaises de Suisse à la campagne de Manuel de Melo.
De son coté, le Département genevois de l’instruction publique va lancer une enquête sur la situation des élèves portugais scolarisés dans le canton. Une démarche faite à la demande du secrétaire d’Etat portugais Rui de Almeida de passage en Suisse il y a 15 jours.
Frédéric Burnand
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