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Escale tibétaine controversée de Pascal Couchepin

Keystone Archive

Le ministre de l’Intérieur a entamé dimanche une visite d'une semaine en Chine. Il a débuté par une étape ‘surprise’ au Tibet.

Le séjour de Pascal Couchepin – le premier d’un ministre suisse dans la région autonome – a suscité une controverse liée à la question des droits humains.

Officiellement, le ministre suisse de l’Intérieur est à Lhassa pour soutenir un projet de l’UNESCO.

La Confédération entend contribuer à la restauration du temple de Ramoche pour un montant de 200’000 francs. Construit au VIIe siècle avant notre ère, l’édifice avait été détruit par le régime communiste durant la Révolution culturelle chinoise.

Les autorités chinoises ont déjà pris des mesures d’urgence pour permettre le retour de quelque 120 moines dans le temple. Même si le geste est bienvenu, les représentants du gouvernement tibétain en exil le considèrent comme un alibi alors que la liberté religieuse est toujours violée.

Liberté religieuse

«La plupart des moines tibétains et des nones sont en prison, précise Tenzin Sanbhen Kayda, représentant des droits humains au Bureau du Tibet à Genève. Ils ont été incarcérés parce qu’ils refusaient de témoigner contre le Dalaï-Lama.»

Il est difficile de savoir combien de moines et de nones sont encore au Tibet. Depuis que la Chine a pris le contrôle de la région en 1959, 6’000 monastères ont été détruits, selon le Bureau du Tibet.

Dans son rapport 2004, Amnesty International (AI) confirme que «la liberté d’expression et de religion est toujours soumise à de sévères restrictions au Tibet».

Droits humains

Amnesty International observe que «les autorités chinoises n’ont pas cherché à introduire les réformes juridiques et institutionnelles fondamentales qui permettraient de faire cesser les graves violations des droits humains commises dans le pays».

Le mouvement de défense des droits humains dénonce notamment l’usage de la torture et de la peine de mort, ainsi que les emprisonnements arbitraires.

Grâce au projet de rénovation du temple, la délégation suisse à Lhassa espère pouvoir parler concrètement de liberté de religion et d’expression culturelle, à travers un dossier sur lequel les Chinois sont prêts à discuter.

Berne mène depuis 1991 un «dialogue» bilatéral avec la Chine sur la question des droits humains. A travers ces discussions, la Suisse entend contribuer notamment au renforcement de l’état de droit et à l’émergence d’une société civile forte.

Un accent tout particulier est mis sur le domaine judiciaire et les droits des minorités, notamment au Tibet.

Un voyage controversé

Annoncée vendredi, deux jours seulement avant le départ du ministre, la visite de Pascal Couchepin au Tibet a suscité la controverse.

Ainsi, le président de la commission de politique extérieure du Conseil national (CPE) a estimé que l’escale de Pascal Couchepin au Tibet n’était pas judicieuse. Erwin Jutzet considère qu’elle légitime les actes commis par Pékin dans la région autonome.

«Je ne trouve pas cette escale très sage diplomatiquement. J’ai moi-même décliné la proposition d’une halte au Tibet lors d’un voyage en Chine en 2002 en tant que membre de la CPE», ajoute le socialiste fribourgeois.

Le Ministère des affaires étrangères avait manifesté en juin son intérêt pour une visite des sites chinois inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, y compris au Tibet, argumente le porte-parole du Ministère de l’Intérieur (DFI) Jean-Marc Crevoisier.

Au Tibet, la délégation suisse ne sera donc pas officiellement invitée par le gouvernement chinois, selon le porte-parole. Les frais de transport et d’hébergement sont pris en charge par le DFI, mais les repas sur place seront payés par les autorités chinoises, comme pays d’accueil.

Ces explications laissent Erwin Jutzet sceptique. «Il y aura des soupers avec des représentants chinois et les Tibétains ne seront qu’un alibi.»

Politique culturelle à Shanghai

Après son étape au Tibet, Pascal Couchepin s’envole vers la Chine. Il participera vendredi et samedi prochains à la réunion annuelle du Réseau international sur la politique culturelle (RIPC), à Shanghai.

Ce sommet se penchera notamment sur le rôle des cultures traditionnelles face à la modernité et la mondialisation.

Les 63 pays membres de ce réseau informel évoqueront également la promotion de la diversité culturelle, à une année de la fin des négociations sur une convention de l’UNESCO sur ce sujet.

La convention doit entre autres préciser si la culture peut être considérée comme une marchandise «comme une autre» ou si elle nécessite une certaine forme de protection.

Le RIPC est «l’initiateur» d’une telle convention. Et la Suisse, qui parvient à concilier tradition libérale et prise en compte de sa diversité culturelle, est «très écoutée» dans cette enceinte, selon le Ministère de l’intérieur.

swissinfo et les agences

Pascal Couchepin effectue son deuxième voyage en Chine en moins d’une année.
Lors de sa dernière visite en novembre 2003, il avait été critiqué pour ne pas avoir suffisamment évoqué les droits humains avec les autorités chinoises.
En 1999, l’ancienne ministre Ruth Dreifuss avait en revanche suscité la colère du président chinois Jiang Zemin, après la manifestation de militants tibétains devant le Palais fédéral.

– Les troupes chinoises ont envahi le Tibet en 1959.

– Selon le Bureau du Tibet, qui représente le gouvernement du Dalaï-Lama en exil, plus d’un million de Tibétains ont été tués depuis.

– Sur le papier, les autorités chinoises ont octroyé l’autonomie au Tibet. Mais, dans la réalité, les droits humains, la liberté de religion et la liberté culturelle ne sont toujours pas respectés.

– La Suisse abrite la troisième plus grande communauté tibétaine au monde. Elle compte 3’000 membres.

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