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Benedikt Weibel prêt à remettre les clés des CFF

Benedikt Weibel a passé treize ans à la tête des CFF. Keystone

Sur le départ après treize ans à la tête des CFF, Benedikt Weibel estime que le rail devra affronter d'importants défis, dont celui du transport de marchandises.

En interview à swissinfo, le Bernois ne mâche pas ses mots et évoque les objectifs qu’il s’est fixés jusqu’à son départ.

A 60 ans, Benedikt Weibel est, pour quelques semaines encore, le patron de compagnie ferroviaire dont la longévité bat tous les records européens. Lorsqu’il a été nommé à la tête de la régie fédérale en 1993, il y travaillait en fait depuis quinze ans déjà. Ainsi, lorsqu’il quittera son poste, il mettra un point final à vingt-huit ans de bons et loyaux services.

L’enthousiaste futur retraité ne restera pas inactif puisqu’il a été choisi comme délégué officiel du Championnat d’Europe de football 2008, que la Suisse organise conjointement avec l’Autriche.

Malgré un bilan qui compte de nombreux succès, Benedikt Weibel laisse plusieurs défis à son successeur Andreas Meyer. Les comptes ont viré au rouge l’an dernier, notamment parce que le problème de la caisse de pension n’est toujours pas réglé, pas plus que les négociations sur le contrat collectif de travail.

La récente annonce – faite par le patron lui-même – d’augmenter les tarifs prochainement a, en outre, été plutôt mal accueillie.

swissinfo: Quelle est la place du rail suisse en comparaison internationale?

Benedikt Weibel: La Suisse peut se targuer d’avoir le meilleur réseau ferroviaire du monde, et de loin. Je ne le dis pas au hasard puisque, présidant l’Union internationale des Chemins de fer depuis quatre ans, je connais la situation des autres pays.

Nous disposons par exemple de deux fois plus de trains par ligne-kilomètre que nos voisins. Dans le même temps, notre performance, en termes de ponctualité, est la meilleure: près de 95% des trains suisses arrivent à l’heure indiquée par l’horaire, à 5 minutes près.

swissinfo: Vous avez annoncé une hausse du prix des billets. Les passagers en auront-ils pour leur argent?

B. W.: Les trains italiens sont moins cher, mais notre performance est incomparablement meilleure. Comparés avec les tarifs en cours en France, en Allemagne et en Autriche, nos prix ne sont pas plus élevés.

Plus de 2 millions d’utilisateurs réguliers voyagent avec un abonnement demi-tarif. Si vous utilisez le rail fréquemment, le prix de votre billet sera vraiment bon marché, pour un très bon rapport performance-prix.

Durant toute ma carrière, j’ai vécu plus de 10 augmentations de tarifs et je peux vous dire que la réaction est toujours la même. Je comprends que personne n’aime payer davantage, mais j’ai quand même été surpris par l’ampleur des critiques.

swissinfo: La division cargo est en train d’être réduite et restructurée. Le trafic de marchandises retrouvera-t-il un jour la rentabilité?

B. W.: Le défi est vraiment de taille. Nous devons affronter la concurrence des camions. Les marges sont très faibles. La Suisse, avec des régions peu industrialisées, connaît des distances moyennes entre destinations de 90 kilomètres. C’est un avantage pour les camions et un désavantage pour le rail.

Le trafic nord-sud, d’Allemagne vers l’Italie, est d’une nature complètement différente. Il y règne une compétition acharnée entre trains et camions, ainsi qu’entre entreprises. Nous sommes très bien positionnés dans ce secteur. Mais, à l’échelle européenne, nous devons nous contenter d’un rôle accessoire.

swissinfo: La Suisse est en train d’installer le système de surveillance du trafic européen ERTMS/ETCS. Verrons-nous bientôt un système harmonisé à l’échelle du continent?

B. W.: On ne verra pas d’harmonisation complète avant trente ans, voir plus. Ce n’est qu’une grande illusion de l’Union européenne de croire que cela ira plus vite.

ETCS est le projet le moins évolué jamais mené dans le paysage ferroviaire européen. Ce qui est fou, c’est qu’il n’y a jamais eu d’évaluation économique en amont.

En fait, il est beaucoup plus facile de travailler avec différents systèmes en changeant les locomotives, et nous le prouvons. Vous ne pourrez jamais changer les systèmes électriques de tous les pays, ce serait beaucoup trop cher.

swissinfo: Quels défis votre successeur aura-t-il à affronter?

B. W.: Le défi technologique, d’abord. Notre plus vieux poste d’aiguillage date de 1904 et il doit fonctionner avec des appareils modernes. Et le fret sera toujours très important, car il est très difficile d’atteindre la rentabilité dans ce domaine.

Le combat pour la qualité et la ponctualité est en outre une bataille quotidienne. Chaque jour, nous enregistrons plus de 100 incidents tels que problèmes techniques ou de matériel roulant, suicides ou voitures sur les rails.

Enfin, le déficit de la caisse de pension ne pourra pas être complètement résolu. Mais nous prévoyons de débloquer 1,5 milliard de francs en les prélevant sur nos avoirs immobiliers.

Quant aux semaines qui me restent à la tête des CFF, je me suis fixé deux objectifs: obtenir une décision du gouvernement à propos de notre projet pour la caisse de pension et trouver une solution avec les syndicats pour le nouveau contrat collectif de travail. .

swissinfo: Quel sera votre rôle pendant l’Euro 2008?

B. W.: En tant que délégué du gouvernement, j’aurai à coordonner tout ce qui n’est pas football. C’est-à-dire la sécurité, le transport, le marketing, les événements spéciaux et l’accueil des invités.

Cela ressemble à ce que j’ai fait aux CFF. Je travaillerai avec les villes et les cantons et m’efforcerai de rassembler les gens. Une tâche toute simple en somme: organiser 15 matches de football autour d’une grande, magnifique et merveilleuse fête!

Interview swissinfo: Matthew Allen
(Traduction de l’anglais: Ariane Gigon Bormann)

Benedikt Weibel est entré aux Chemins de Fer Fédéraux (CFF) en 1978 et en est devenu le directeur général en 1993.

Comme directeur, il a transformé une régie contrôlée par l’Etat en société anonyme propriété de l’Etat.

Il est aussi président de l’Union internationale des Chemins de fer (UIC) depuis 2002. L’association promeut la coopération entre les opérateurs ferroviaires, tout en affrontant les enjeux de la libéralisation des marchés et la concurrence d’autres modes de transport.

Benedikt Weibel a aussi été président du Comité international des transports ferroviaires, chargé des aspects légaux du transport par rail.

Avec plus de 3000 km, le réseau ferroviaire suisse est l’un des plus denses au monde.
En 2005, les CFF ont transporté près de 276 millions de passagers et plus de 56 millions de tonnes de marchandises.
Le groupe a enregistré une perte de 166 millions de francs en 2005, après un excédent en 2004 (43 millions).
Le groupe employait 25’943 personnes en 2005, 2,3% de moins qu’en 2004. En octobre 2006, la division Cargo a annoncé la suppression de 650 emplois.

Un des grands travaux de Benedikt Weibel a été Rail 2000, qui a redessiné le réseau ferroviaire suisse. La 1re étape a coûté 5,9 milliards de francs.

Rail 2000 compte 130 projets d’infrastructure et la construction d’une nouvelle ligne entre Mattstetten et Rothrist, sur le tronçon principal Berne-Zurich.

Le projet est né dans les années 1980. Sa réalisation a duré 20 ans.

Inauguré en décembre 2004, le concept a permis une augmentation du nombre de trains de 12%. Les temps de parcours sur plus de la moitié des moyennes distances a été réduit d’au moins 5 minutes.

Une 2e étape est en préparation.

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