
Frears raconte l’amitié entre Victoria et son serviteur indien

(Keystone-ATS) Le réalisateur Stephen Frears conte l’histoire de l’amitié méconnue et indéfectible entre un Indien, roturier et musulman, et la reine Victoria dans « Victoria & Abdul ». Ce film à la fois drôle et sensible a été présenté dimanche hors compétition à la Mostra de Venise.
L’histoire « tirée de faits réels… pour l’essentiel » débute en 1887 au château de Windsor lors des célébrations des 50 ans de règne de Victoria (alors âgée de 68 ans) interprétée par une magistrale Judi Dench. La distribution compte plusieurs grands comédiens du cinéma britannique comme Michael Gambon, Simon Callow et Timothy Pigott-Smith décédé en avril, et auquel le film est dédié.
Quand le regard du jeune serviteur « importé » des Indes Abdul Karim, incarné par la star bollywoodienne Ali Fazal, ose croiser celui de Victoria, toute la cour d’Angleterre est scandalisée.
A la manière candide des « Lettres Persanes » de Montesquieu, Abdul et son acolyte Mohammed s’adonnent à des commentaires cocasses sur les moeurs « tout à fait barbares » du pouvoir colonial qui « exploite un quart du genre humain ».
Relation complexe
Veuve depuis peu, isolée par le pouvoir, entourée de courtisans qui l’ennuient, Victoria est aussitôt séduite par la beauté et l’exotisme du jeune homme, et décide d’en faire son « munchi », professeur de langue ourdou.
Leur relation est-elle de l’amour? « L’attitude de la reine Victoria est complexe. Il ne s’agit pas juste d’un sentiment amoureux qu’elle éprouve, mais du bonheur de se sentir détendue avec quelqu’un, d’apprendre auprès de lui », a déclaré dimanche à la presse Judi Dench.
« C’est un besoin qu’elle a éprouvé une grande partie de sa vie. Après Albert (son défunt mari), John Brown (l’homme qui lui a redonné goût à la vie) puis Abdul ont été là pour lui procurer ce sentiment », a ajouté l’actrice de 82 ans.
Pour les besoins du rôle, elle a dû porter des robes immenses semblables à celles que portait la souveraine, devenue obèse pendant les dernières années de son règne. « Victoria faisait 115 de tour de taille, elle n’arrêtait pas de manger après la mort d’Albert. Les vêtements que vous portez conditionnent la façon dont vous jouez », a-t-elle souligné.
Intimité exceptionnelle
« Je ne connaissais pas l’histoire de la reine Victoria et d’Abdul, ni l’affection qu’elle portait à son serviteur indien », a pour sa part déclaré Stephen Frears. « J’ai dit que je n’aurais réalisé ce film qu’avec Judi Dench et, par chance, elle a accepté », a ajouté le cinéaste britannique de 76 ans.
A la stupéfaction générale, Abdul partage peu à peu avec la souveraine une intimité exceptionnelle qui durera jusqu’à son décès en 1901. Il la rassure et la fait rêver en lui parlant de ses Indes lointaines dont est elle est l’impératrice.
Adapté et scénarisé par Lee Hall (« Billy Elliot ») d’après « Victoria & Abdul », le récit de Shrabani Absu, journaliste et historienne britannique, a été publié en 2010 en Angleterre.
A travers cette histoire de la fin du XIXe siècle, Stephen Frears évoque des sujets tels que le multiculturalisme, les classes sociales et le racisme qui résonnent encore aujourd’hui.