La voix de la Suisse dans le monde depuis 1935

A qui la fève?

Les Rois Mages suivant l'étoile, atlas catalan du XIVe siècle. Bibliothèque Nationale de France

Chaque année, l'une des plus anciennes démocraties modernes - la Suisse - s'amuse paradoxalement à élire des rois. Une tradition qui remonte très loin.

La galette cache un petit monarque de plastique. Celui qui s’y cassera une dent – ou plus simplement, qui tombera sur la bonne part de galette – est décrété «roi». En ce 6 janvier, une façon de se souvenir des fameux «rois mages» – Melchior, Gaspard et Balthazar, qui suivirent une mystérieuse étoile pour venir à la rencontre du bambin Jésus, raconte-t-on aux petits chrétiens.

A ce propos, la Bible ne fait mention que d’astrologues… et c’est semble-t-il les cadeaux cités – or, encens, et myrrhe – qui définirent ultérieurement leur nombre. Un récit à mettre en relation, vraisemblablement, avec un récit antérieur: celui de la visite rendue par la Reine de Saba à Salomon.

Fève noire et orgies

Quoi qu’il en soit, la coutume du «tirage des rois» est bien antérieure à Jésus. Elle remonte aux Romains, qui, au cœur de l’hiver, vivaient leurs «saturnales»: des festins et des orgies sacrées étaient organisés en l’honneur de Saturne, un dieu porteur de paix et de prospérité.

A cette occasion, un roi-bouffon était désigné. Des fèves blanches et une seule noire étaient mélangées puis tirées au sort, souvent par un éphèbe ayant les yeux bandés pour éviter toute tricherie. L’éphémère souverain régnait alors sur les maîtres comme sur les esclaves. Il était d’ailleurs souvent choisi parmi les condamnés à mort et donc décapité à la fin de son règne. L’élu en profitait pour que la fête dégénère en débauches et beuveries.

Le sens de la récupération

L’église chrétienne, qui n’est avare ni de détournements ni de récupérations, tenta d’éradiquer cette coutume en lui substituant ses propres célébrations. Et comme pour ancrer la foi, plusieurs commémorations valent mieux qu’une, l’Eglise décida que le 6 janvier serait la fête de la naissance du Christ, puis de son baptême, du miracle de Cana et de l’adoration des Mages. Rien que ça.

Elle a finalement privilégié cette dernière célébration en raison du contenu symbolique évident de la scène: les mages étaient des «païens» qui rendaient hommage au Christ. Pour les Eglises chrétiennes, le 6 janvier est aussi le jour de l’Epiphanie – issu du mot grec signifiant «apparition» – soit la révélation de Dieu par son Fils incarné.

Comme aucune information biblique ne permet de définir précisément la date réelle de la naissance de Jésus, chrétiens d’Orient et d’occident optèrent pour des solutions différentes: alors que l’Eglise chrétienne d’Orient avait choisi le 6 janvier, Rome opta pour le 25 décembre. Une autre récupération, puisque c’était la date de la célébration principale du culte de Mithra. La première messe de Noël (du latin «Natale», soit «naissance») de l’Église d’Occident eut lieu le 25 décembre 336 à Rome.

Galette et picaillons

L’origine de la galette est franchement floue. Romaine? Médiévale? Religieuse? Laïque? Les théories abondent. Une chose est sûre: en Suisse, la coutume de la galette ou de la brioche des Rois a été ranimée en 1952 par les boulangers, puis les grandes surfaces. Désormais il s’en écoule plus d’un million au début janvier.

Et comme la société moderne a autant le sens pratique que le sens de la légende, la Fête des Rois ne se fête plus obligatoirement le 6 janvier, mais le 1er décembre du mois, soit entre le 2 et le 8. Cet an 2002 permet donc de concilier pragmatisme et tradition.

Bernard Léchot

Les plus appréciés

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision