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Les Israélites de Suisse réclament des comptes

Israël Singer (debout à gauche) et Alfred Donath (assis au centre) lors du congrès du Congrès des Juifs Européens qui s'est tenu à Genève en 2003.

Le Congrès Juif Mondial est montré du doigt dans un rapport de la société d'audit PriceWaterhouseCoopers qui dénonce la situation financière «peu claire» de l'organisation.

Ce rapport, demandé par la Fédération suisse des communautés israélites, fait apparaître d’importantes sorties d’argent (5 millions de dollars) sans justificatifs.

La dispute est apparue au grand jour le 30 janvier dernier. En révélant le contenu d’un rapport d’audit établi, à sa demande, par la société PriceWaterhouseCoopers, la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI) montre du doigt le Congrès Juif Mondial (CJM).

Ce rapport qui porte sur les comptes financiers et comptables du Congrès Juif Mondial entre 1995 et 2004 confirme «les accusations d’insuffisance de tenue de comptes et de situations financières peu claires» du CJM.

Evaporés dans la nature

Une façon polie pour la FSCI de dénoncer le fait que 5 millions de dollars (6,2 millions de francs suisses) s’étaient évaporés dans la nature sans que l’on puisse déterminer qui en sont les bénéficiaires.

«Il s’agit d’un rapport et non d’un audit car la société PriceWaterhouseCoopers n’a pas pu interroger les responsables du Congrès Juif Mondial comme elle le souhaitait », souligne Alfred Donath, le président de la FSCI.

Pourquoi ce grand déballage en public? L’affaire remonte à 2004 lorsque le Congrès Juif Mondial, dont le siège est à New York, décide de fermer du jour au lendemain son bureau de Genève et de licencier le personnel, sans explication.

Irrégularités financières

«Cette fermeture est intervenue alors que nous venions de constater certaines irrégularités financières», indique l’avocat Daniel Lacq. Ce dernier était consultant auprès du bureau de Genève du CJM et représentant du Congrès Juif Mondial auprès des Nations Unies.

En plusieurs versements, 1,2 million de dollars sont partis de New York pour atterrir à Genève. Puis l’argent a été transféré sur les comptes d’un avocat en Israël. Les 1,2 million partent ensuite à Londres, puis retournent à New York.

Question sans réponse

A quoi correspondent ces manipulations comptables? «J’ai posé la question. Le Congrès Juif mondial n’a même pas cherché à m’entendre. Pire que cela, Israël Singer, l’un de ses principaux responsables, a mis l’affaire sur la place publique, en déformant les faits et en nous mettant en cause», raconte Daniel Lacq.

Selon certaines sources dont le CJM, ces 1,2 million de dollars devaient enrichir la caisse de retraite d’Israël Singer lui-même. Ce dernier n’a jamais répondu à nos demandes d’interview.

C’est cet homme influent qui a réussi à obtenir en 1998 1,25 milliard de dollars des banques suisses dans l’affaire des fonds juifs en déshérence.

Alfred Donath, président de la FSCI, s’est personnellement opposé à Israël Singer en 2005 lorsque ce dernier a placé la «neutralité» suisse sur le même plan que la «complicité» de l’Autriche et la «collaboration» de la France durant la Seconde guerre mondiale. «Accusations inacceptables», avait alors déclaré Alfred Donath.

Ecarter Israël Singer

La FSCI a décidé de réclamer un audit à la société PriceWaterhouseCoopers afin de ne pas être considérée comme complice de ces opérations financières douteuses qui se sont déroulées depuis le bureau genevois du Congrès Juif Mondial.

Le rapport est accablant. Aux 1,2 million de dollars s’ajoutent 3,8 autres millions de dollars qui ne sont pas «documentés». En d’autres termes, de grosses sommes sont sorties, soit en liquide soit par chèques, sans motif et vers des destinations inconnues.

Les Israélites de Suisse portent un jugement très sévère sur cette situation «hautement insatisfaisante».

Dans une lettre adressée le 30 janvier 2007 à Edgar Bronfman, le président du Congrès Juif mondial, ils demandent que celui-ci «tire les conséquences de ce qui a été révélé et se sépare des dirigeants responsables de ce manque de clarté et de rigueur comptable».

En février 2006, la justice américaine a déjà interdit à Israël Singer d’assumer des responsabilités financières pour cause de mauvaise gestion. Mais ce dernier continue pourtant de jouer un rôle de premier plan au sein du CJM.

swissinfo, Ian Hamel

1936: Fondation du Congrès Juif Mondial à Genève (CJM).
1942: Le représentant du CJM à Genève révèle le premier l’extermination des juifs en Europe.
1981: Le milliardaire américain Edgar Bronfman, patron des spiritueux Seagram, prend la tête du CJM.
1995: Le CJM met en cause le rôle des banques suisses dans l’affaire des fonds juifs en déshérence.

La Fédération suisse des communautés israélites (FSCI), créée en 1904, regroupe 18’000 personnes.

Les plus importantes communautés juives de Suisse sont installées dans les cantons de Zurich (6500 personnes), Genève (4400) et Vaud (2100).

Dès les années 1950, la FSCI se penche sur la question des fonds en déshérence auprès des banques et aussi des compagnies d’assurance.

En 1995, la Fédération joue les intermédiaires entre le Congrès Juif Mondial, les banques et les autorités suisses.

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