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La marque Bowie

David Bowie n'était jamais venu à Montreux. 3800 personnes pourront dire "j'y étais". Keystone

De lui, on peut tout attendre. Le meilleur comme le pire. Jeudi soir, David Bowie a laissé sa marque sur le Montreux Jazz. Avec beaucoup du premier et juste un peu du second.

David Bowie a 55 ans. Et il les porte bien. Look plutôt aristo avec son paletot et sa chaîne de montre, coiffure juvénile, sourire carnassier: il ne reste rien des extravagances à paillettes des années septante. Et c’est tant mieux. De toute façon, le «thin white duke» a plus de goût que ça.

Mais David Bowie a aussi un album à vendre. Salué par une critique très enthousiaste, «Heathen» serait sa meilleure œuvre depuis des années. Et il ne se prive pas d’en chanter de très larges extraits. C’est inventif, certes, bien léché et efficace, mais même mis bout à bout, ces titres n’ont pas la charge émotionnelle d’un seul des hymnes qui font la marque Bowie.

Golden years

Dans la salle, on s’entasse jusqu’aux portes. Ils et elles sont 3800, prêts à se laisser séduire par ce dandy au charme tellement british. Alors, il va falloir leur en donner. Heureusement, les «oldies» sont aussi au programme. Ca ne rate pas: on pleure une fois de plus sur «Life on Mars», on vibre sur «Changes» ou «Starman», on remue les pieds sur «Fame», «Fashion», «Let’s dance» ou l’inévitable «China girl».

Dans ces moments-là, Bowie a partie gagnée. Le courant passe. Celles et ceux qui sont restés des heures assis au pied du grand escalier pour s’assurer une place dans les premiers rangs rayonnent de bonheur. Et la salle tangue. Crooner plus que rocker, Bowie ce soir est particulièrement en voix. Cette voix inimitable, dont certains des accents savent encore vous flanquer le frisson ! Et entre les morceaux, la star n’est pas avare de sourires, ni de longues digressions. Le verbe est clair, le geste précis. Tout cela semble tellement naturel.

Alors il n’est pas moins naturel de reprendre même l’hymne le plus daté du véritable catalogue de tubes que constitue le répertoire de trente ans de carrière… Au premier accord de l’intro de «Ziggy Stardust», c’est l’ovation. Interprétée à la perfection et débarrassée de tout l’attirail kitsch qui a marqué son époque, la pièce apparaît simplement pour ce qu’elle est: une sacrée bonne chanson.

Final déroutant

Le public en redemande. Et même s’il a refusé le second concert que lui proposaient les organisateurs au vu de l’affluence à celui-ci, David Bowie, ce soir, n’est pas avare de son temps.

Le second rappel sera donc entièrement consacré à une musique plutôt déroutante. Non, ce n’était pas du matériel inédit – comme on a pu le croire de prime abord – mais la quasi-intégralité de “Low”, album de 1977, qui inaugura la trilogie berlinoise, avant “Heroes” et “Lodger”. Ces longues plages instrumentales permettent d’admirer encore une fois l’excellence du groupe qui entoure le beau David. Deux heures et demie durant, les musiciens auront su recréer tous les climats, repeindre toutes les couleurs de ce répertoire-caméléon. Et avec Mark Plati, Bowie retrouve un guitariste dont les envolées rappellent celles de Mick Ronson, son complice des «golden years».

Cela dit, ces dernières minutes tournent un peu à vide. Ni le fait d’emmancher son saxophone, ni celui de se lancer dans des vocalises au parfum de mantras tibétains n’apporte grand chose à la gloire du maestro. Comme s’il cherchait à nous rappeler qu’il a toujours été un précurseur. Mais on ne lui en demandait peut-être pas tant.

La foule est malgré tout comblée. Il faudrait être difficile… David Bowie n’était jamais venu à Montreux. C’est désormais chose faite. Et il y aura laissé sa marque.

swissinfo/Marc-André Miserez à Montreux

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