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La Suze hésite sur son ascendance

La Suze, par Picasso en 1912. (Photo: publispain.com)

L’origine de la «Suze» reste controversée. La Suisse et la France se disputent la paternité du très populaire apéritif.

La commune de Sonvilier, dans le Jura bernois, attribue sa création à Hans Kappeler, herboriste au village.

La «Suze», un des apéritifs les plus prisés et les plus populaires de France, pourrait bien avoir été élaborée dans un petit village du Jura bernois. Plus d’un siècle après sa commercialisation, son origine reste controversée.

Pour les Français, la formule de ce breuvage a été mise au point en 1885 près de Paris. Pour le propriétaire du célèbre apéritif, le groupe français Pernod Ricard, il n’y a pas le moindre doute: c’est à un certain Fernand Moureaux que l’on doit cette découverte. La marque verra officiellement le jour en 1889.

Racines de gentiane

Cet industriel et distillateur parisien a entrepris de fabriquer un nouvel apéritif qui ne serait pas à base de vin comme le sont la plupart des boissons apéritives de la fin de ce XIXe siècle. Il va distiller des racines d’une plante, la gentiane jaune. Ce breuvage va d’abord s’appeler «Picotin».

Le démarrage de la promotion de l’apéritif débute en 1898 par la mise sur pied d’un vaste réseau commercial. La Fondation de la distillerie de Suze verra le jour en 1922. Le nom de Suze serait venu du diminutif de Suzanne Jaspart, la belle-soeur de Fernand Moureaux, une femme qui raffolait de cette boisson.

Origine controversée

L’histoire de cette célèbre bouteille ambrée n’est peut-être pas aussi limpide. Sonvilier, un village de quelque 1100 âmes niché au fond du vallon de St-Imier, revendique la paternité de l’apéritif. Un petit musée avec des objets de la marque Suze, des bouteilles aux cendriers, a même été aménagé dans les combles de l’école.

Pour les anciens de la région, c’est un herboriste du village de Sonvilier, Hans Kappeler, qui a mis au point la formule. La boisson ne s’appelait pas encore Suze mais «Or des Alpes», une sorte de potion que Hans Kappeler vendait dans les fermes de la région avec d’autres eaux-de-vie. Ruiné et malade, ce distillateur aurait été contraint de vendre sa formule à un négociant français.

La Suze et la Suze

«Il est très difficile de dire qui, des Français ou des habitants du Jura bernois, a raison», souligne l’écrivain Raymond Bruckert, de Plagne (canton de Berne) qui s’est penché sur le sujet. «Mais je crois que Hans Kappeler a mis au point cette mixture même s’il subsiste des zones d’ombre», explique cet auteur.

Lors de la vente, le distillateur du Jura bernois aurait dit à l’acheteur français en lui montrant la rivière qui coulait devant eux: «Vous verrez que cet apéritif coulera en France comme la Suze à nos pieds». Selon les recherches effectuées par Raymond Bruckert, cette transaction aurait eu lieu vers 1914.

D’autres éléments peuvent venir étayer cette thèse, notamment la composition de la potion. L’ingrédient principal de la Suze est la gentiane jaune qui pousse dans les pâturages jurassiens. Ou encore le témoignage de la fille de Hans Kappeler. En 1998, à l’âge de 95 ans, elle déclarait que son père avait vendu sa formule à un industriel français.

«Depuis 1889»

Comme la célèbre bouteille brune porte la mention «Depuis 1889» alors que la vente du breuvage n’aurait eu lieu que vers 1914, on peut échafauder plusieurs hypothèses: Moureaux a-t-il modifié la composition de son breuvage après s’être rendu à Sonvilier? A-t-il voulu éliminer un concurrent en lui rachetant sa recette?

L’entière vérité ne sera sans doute jamais connue, d’autant que Hans Kappeler n’a jamais déposé le moindre brevet. A cela s’ajoute qu’un classeur avec des documents concernant cette histoire a disparu de façon mystérieuse il y a quelques années du petit musée de Sonvilier.

swissinfo et les agences

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