Le maréchal Haftar à l’assaut de Tripoli – La résistance s’organise
(Keystone-ATS) De violents combats ont opposé dimanche près de Tripoli en Libye les forces du maréchal Khalifa Haftar, qui veut conquérir la capitale, à ses rivaux galvanisés par des renforts. Ces derniers promettent une « contre-offensive » généralisée.
La mission de l’ONU en Libye (Manul) a lancé, en vain, un « appel urgent » à une « trêve humanitaire » de deux heures (de 16h00 à 18h00 suisses) dans la banlieue sud de Tripoli pour permettre l’évacuation des blessés et des civils, face à l’escalade militaire qui fait craindre une véritable guerre civile. L’armée américaine a elle annoncé dimanche le retrait provisoire de ses militaires en Libye à cause des combats.
Pays riche en pétrole, la Libye est déchirée depuis la chute du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011 par de multiples conflits internes, mais l’offensive lancée jeudi par les forces du maréchal Haftar pour prendre Tripoli marque une nette dégradation entre les deux autorités se disputant le pouvoir. Les forces de Khalifa Haftar sont loyales à une autorité basée dans l’est du pays qui s’oppose au Gouvernement d’union nationale (GNA), installé à Tripoli (ouest) et reconnu par la communauté internationale.
« Volcan de la colère »
Après une pause nocturne, les combats ont repris dès le matin au sud de la capitale, en particulier à Wadi Rabi et dans le périmètre de l’aéroport international de Tripoli, à une trentaine de kilomètres de la ville, une infrastructure inutilisée depuis sa destruction par des combats en 2014.
L’Armée nationale libyenne (ANL), la force paramilitaire dirigée par le maréchal Haftar, a annoncé dimanche avoir mené son premier raid aérien dans la banlieue sud de Tripoli. La veille, les forces loyales au GNA avaient elles aussi mené leur première frappe aérienne, les belligérants faisant clairement fi des appels à la retenue lancés par la communauté internationale.
Dimanche, le nouveau porte-parole des forces du GNA, le colonel Mohamad Gnounou, a proclamé le début d’une vaste « contre-offensive » nommée « volcan de la colère ». Elle doit permettre de « nettoyer toutes les villes libyennes des agresseurs », a ajouté ce porte-parole, en allusion aux soutiens du maréchal Haftar.
Premiers bilans de victimes
Face à l’intensification de la bataille, le Croissant-Rouge libyen a indiqué dimanche être dans l’impossibilité d’accéder à des familles coincées par les combats. Il a fait état de la mort d’un médecin samedi.
Au moins 21 personnes ont été tuées et 27 autres blessées depuis le début de l’offensive sur Tripoli, selon un bilan du ministère de la Santé du GNA qui n’a pas précisé si les victimes sont des civils ou des combattants. De son côté, l’ANL a annoncé samedi avoir perdu 14 combattants.
Samedi soir, le chef du GNA, Fayez al-Sarraj, a mis en garde contre la perspective d’une « guerre sans gagnant ». Il a ajouté que des soutiens affluaient de toutes les régions du pays pour soutenir les forces du GNA. Les puissants groupes armés de la ville de Misrata (200 km à l’est de Tripoli) semblent avoir décidé de participer à « la défense de la capitale », de même pour des groupes des villes de Zentan (sud-ouest de Tripoli) et Zawiya (ouest de Tripoli).
Au moins un important groupe armé de Misrata, « la brigade 166 », est arrivé samedi dans l’est de Tripoli avec des dizaines de véhicules armés notamment de canons antiaériens pour participer à la contre-offensive, a constaté un correspondant de l’AFP.
Guerre prolongée?
Le maréchal Haftar et son ANL qui tablaient sur une victoire rapide « sans combats » en nouant des alliances avec des factions de la Tripolitaine – nom donné aux régions occidentales de Libye – semble surpris par la mobilisation pro-GNA. « L’opération de Haftar a galvanisé les forces libyennes de l’Ouest contre lui », affirme Wolfram Lacher, chercheur à l’Institut allemand de politique internationale et de sécurité (SWP).
M. Haftar « est maintenant confronté à la perspective d’une guerre prolongée », et à l’hypothèse d’une défaite, ajoute-t-il. Difficile, toutefois, à ce stade « d’avoir une vision claire sur l’issue de la bataille ou sur les rapports de forces », confie un diplomate occidental sous couvert de l’anonymat.