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La cohabitation avec le loup est possible: le cas de l’alpage tessinois d’Aión

Un loup
Selon l’Office fédéral de l’environnement, la Suisse compte 36 meutes de loups, dont 11 transfrontalières. Keystone / Michael Buholzer

Abandonné en 2010, l’alpage d’Aión connaît une seconde vie grâce aux efforts de Sergio et Marco Losa, soutenus par la fondation Bergwald Projekt. Sa gestion a été entièrement repensée pour s’adapter au loup.

La cohabitation entre le loup et les animaux de rente constitue aujourd’hui l’un des défis les plus complexes de l’agriculture de montagne au Tessin. Et à Aión – un alpage historique appartenant à la commune de Santa Maria, situé au-dessus de Cauco, sur le territoire du parc du Val Calanca – il semble qu’elle ait été réussie. Du moins jusqu’à présent.

Mais reprenons depuis le début. La pression exercée par ce prédateur en Suisse italienne est très forte, et la situation est dramatique pour de nombreux agriculteurs et agricultrices. Le modèle de l’alpage traditionnel, où moutons et chèvres paissent en liberté, disparaît peu à peu avec le retour du loup. Mais tous et toutes ne sont pas prêts à renoncer à cette tradition et à moderniser leurs pratiques.

Le risque est qu’en l’absence d’un changement de cap, l’agriculture de montagne – déjà fragile – perde définitivement l’un de ses piliers: l’alpage, fait d’animaux qui paissent en harmonie avec la nature. Un patrimoine culturel et humain menacé de disparaître, avec ceux qui l’ont préservé pendant des générations.

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Les chiffres du loup

À l’échelle nationale, au 31 janvier 2025, l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) a recensé 36 meutes, dont 25 établies en Suisse et 11 transfrontalières, et a autorisé l’abattage d’environ 125 loups pour la période 2024/2025.

Au Tessin, la population lupine est en hausse: cinq meutes ont été confirmées (Onsernone, Val Colla, Carvina, Lepontino et Gridone) ainsi que six couples stables (trois de plus qu’en 2024), pour un total estimé de 26 à 28 adultes, sans compter les individus errants.

Alors qu’en Valais et dans les Grisons les autorités ont pris des mesures plus strictes – avec l’abattage de 34 loups en Valais et 48 dans les Grisons entre septembre 2024 et janvier 2025 –, seuls trois spécimens ont été tués au Tessin durant la même période.

En 2025, le canton a enregistré 23 cas avérés de prédation (et 16 autres en cours de vérification), avec 72 moutons et chèvres tués. Si tous les cas encore analysés sont confirmés, le bilan pourrait atteindre 122 animaux.

La frustration des éleveurs

Le loup n’a plus peur et attaque désormais les troupeaux en plein jour. Chez les éleveurs et les éleveuses, la frustration et le sentiment d’impuissance grandissent. Beaucoup se sentent abandonnés par les institutions. Certains ont déjà décidé ou envisagent sérieusement d’arrêter leur activité.

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La peur de nouvelles attaques, la difficulté d’installer des clôtures efficaces dans des terrains escarpés et le poids émotionnel de la perte d’animaux rendent la poursuite du métier de plus en plus difficile. Pour beaucoup, le troupeau n’est pas seulement un gagne-pain: il fait partie de la famille, de l’identité. Le voir menacé, jour après jour, est une blessure profonde.

>> Le loup attaque un troupeau en plein jour, malgré la présence du berger et de son chien:

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L’alpage d’Aión: un exemple de cohabitation

Aujourd’hui, l’alpage d’Aión est équipé de clôtures électriques sous haute tension (7’000 volts) de plus d’un mètre cinquante, d’un berger professionnel, d’un chien de protection dressé, de deux cabanes de montagne, d’une étable et d’un refuge mobile pour la nuit.

La présence constante du berger, du chien et d’un dispositif dissuasif innovant installé à proximité des bâtiments a permis à cet alpage – malgré la présence du loup – de ne subir aucune attaque jusqu’à présent.

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Une histoire de renaissance

Après l’abandon de l’alpage en 2010, Sergio Losa et son fils Marco, rejoints par Luca Plozza et Eros Savioni, l’ont relancé en 2017 grâce au soutien de la Fondation Bergwald Projekt, avec une gestion totalement repensée.

«Aujourd’hui, nous avons des clôtures en grillage reliées à un courant très fort. Les monter demande un énorme travail, mais il faut s’adapter. Avant, on ne parlait pas de clôtures, mais avec le loup, c’est devenu indispensable», explique Sergio Losa, agriculteur de Santa Maria qui emmène ses chèvres à Aión depuis son enfance et gère désormais l’alpage avec son fils.

De juin à septembre, l’alpage accueille 200 chèvres, 25 moutons et 2 ânes appartenant à divers agriculteurs grisons et tessinois. Environ la moitié des animaux y sont transportés en camion depuis le Tessin.

«J’envoie mes chèvres valaisannes dans le val Calanca parce qu’elles coûtent 800 francs pièce et je suis lassé d’offrir cet argent au loup: je considère qu’à Aión elles sont plus en sécurité», affirme sans détour Giacomo Martinetti, agriculteur de Brione Sopra Minusio (TI). «Là-bas, il y a moins de prédations. En Valais et dans les Grisons, ils interviennent et éliminent quelques loups. Au Tessin, par contre… inutile d’en parler», poursuit-il.

«Selon moi, la cohabitation entre chèvres, moutons et loups est possible, à condition que la gestion soit bien faite. Mais si trop de loups occupent le territoire, gérer un alpage devient compliqué», ajoute Marco Losa.

>> Le reportage de la RSI:

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La vision de Bergwald Projekt

Bergwald Projekt est une fondation à but non lucratif basée à Trin, dans les Grisons, et active depuis 1987. Elle s’engage pour la protection et la gestion durable des forêts de montagne et des paysages culturels dans plusieurs régions alpines et de moyenne montagne.

«La cohabitation avec le loup est possible: c’est un problème que l’on peut gérer», assure Riccardo Siller, responsable de projet à Bergwald Projekt. «Ici, nous le faisons. Et si des agriculteurs tessinois amènent leurs animaux chez nous, c’est parce qu’ils savent que notre système fonctionne.»

«En tant qu’ingénieur forestier, je suis même satisfait de la présence du loup, poursuit Siller, car il régule les problèmes causés par le gibier dans les forêts. Dans ce contexte, les loups font un bon travail. Il faut simplement trouver un équilibre. Bien sûr, le loup cause des dégâts, mais écologiquement, sa présence est légitime.»

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Texte traduit de l’italien à l’aide d’un traducteur automatique/dbu

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