Le statut de « personnes à protéger » devrait être utilisé en Suisse

(Keystone-ATS) La Suisse devrait finalement recourir au statut de « personnes à protéger » pour accueillir temporairement des étrangers déplacés par la guerre. Une commission du Conseil des Etats a mis jeudi en consultation jusqu’au 1er mai un projet qui passe par un tour de vis.
L’idée émane de Philipp Müller, qui veut désengorger les procédures d’asile. Le libéral-radical argovien fait valoir que la proportion des personnes déplacées par la guerre a fortement augmenté ces dernières années.
Statut encore inappliqué
Un statut spécial, le livret S qui prévoit une procédure allégée par rapport à l’examen du statut de réfugié, existe déjà. Mais il n’a encore jamais été utilisé.
La possibilité d’accorder une protection temporaire aux personnes gravement menacées, mais qui ne sont pas obligatoirement des réfugiés, a été introduite en 1998 à la suite de la guerre en ex-Yougoslavie. Il s’agissait de pouvoir répondre à un afflux exceptionnel sans submerger le système de l’asile.
La Suisse a néanmoins toujours pu faire face via les procédures ordinaires. Le statut de personnes à protéger pose en outre certaines difficultés (impossibilité de prévoir la fin d’une guerre, possibilité pour l’individu de demander par la suite le statut de réfugié, difficulté d’identifier des criminels de guerre ou des génocidaires).
Tour de vis
Selon la commission, une des autres raisons du non-recours à ce statut sont les droits élargis qu’il confère en matière en matière de regroupement familial. Par 6 voix contre 1 et 1 abstention, elle propose donc de serrer la vis à ce sujet. Il s’agirait d’appliquer les règles imposées actuellement aux personnes admises à titre provisoire (qui ne peuvent obtenir l’asile mais que la Suisse ne peut renvoyer).
Concrètement, les personnes à protéger devront attendre trois ans avant de pouvoir déposer une demande de regroupement familial. Celui-ci ne serait possible que si le conjoint ou les enfants viennent vivre en ménage commun, dans un logement approprié, avec la personne séjournant déjà en Suisse. La famille concernée ne devra pas dépendre de l’aide sociale ni recevoir des prestations complémentaires.
Les requérants devront en outre être aptes à communiquer dans une langue nationale ou, tout au moins, prouver qu’ils ont la volonté d’en apprendre une. Des exceptions sont néanmoins possibles en cas de raisons majeures (maladie) et pour les mineurs.
Selon la commission, le projet devrait délester le budget fédéral avec moins de demandes d’asile à examiner. Les requêtes de regroupement familial pourraient en revanche fournir davantage de travail aux autorités cantonales. Une minorité de la commission s’oppose à ce projet, estimant qu’il va rendre plus difficile l’intégration des personnes concernées.
Grande réforme avortée
Cette révision de la loi s’inscrit dans le cadre du projet avorté de grande réforme du statut de l’admission provisoire. Environ 46’000 admis provisoires se trouvent actuellement en Suisse. Ils sont originaires surtout d’Afghanistan, de Syrie, d’Erythrée et de Somalie.
Le National avait soutenu un concept reposant sur une proposition du Conseil fédéral. Les personnes admises provisoirement auraient été divisées en deux catégories.
Les « personnes protégées », sans limite de temps, pour celles dont on pouvait s’attendre à un séjour prolongé en Suisse. Et les « personnes à protéger provisoirement » pour les requérants qui n’ont besoin que d’une protection temporaire en raison d’un conflit dans leur pays; un statut limité dans le temps.
Le Conseil des Etats ayant refusé de suivre, le Parlement s’est finalement contenté de demander au gouvernement des modifications ponctuelles du statut de l’admission provisoire. But: éliminer les obstacles les plus importants à l’intégration dans le marché du travail des personnes concernées.