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Les multinationales devront montrer patte blanche face au fisc

Les multinationales devraient désormais montrer patte blanche en matière fiscale en remplissant des déclarations précisant leurs activités et impôts pays par pays (archives), KEYSTONE/GAETAN BALLY sda-ats

(Keystone-ATS) Quelque 200 multinationales basées en Suisse devraient montrer patte blanche en matière fiscale dès 2018. Le Conseil des Etats a adopté jeudi par 40 voix contre 1 un projet d’échange international d’informations. Le National doit encore se prononcer.

Le but de l’opération est d’éviter que les bénéfices ne soient imposés que dans des Etats où les impôts sont bas. Plusieurs orateurs de droite ont signalé leur mauvaise humeur face à une législation bureaucratique adoptée sous pression internationale et dont on ne maîtrise pas l’évolution.

Autant, dans ces conditions, s’en tenir au minimum. L’application sera fera de manière prudente, a assuré le ministre des finances Ueli Maurer, mais le Conseil fédéral n’ira pas jusqu’à dénoncer un accord “incontournable”. Et il n’est pas exclu que la pression internationale baisse, selon lui.

La Chambre des cantons a précisé que toutes les modifications de l’accord – concocté dans le cadre du projet BEPS de l’OCDE et du G20 – qui pourraient encore intervenir devraient être avalisées par le Parlement. Et être soumises au référendum facultatif, si elles contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou nécessitant l’adoption d’une loi.

Déclaration

Les groupes d’entreprises multinationales basés en Suisse devront remplir une déclaration dite “pays par pays”. Celle-ci contiendra des données par Etats et territoires sur la répartition mondiale des chiffres d’affaires, des impôts acquittés et d’autres chiffres-clés.

La gauche réclamait que soit aussi transmis au fisc un fichier principal et un fichier local. Cette exigence, prônée par l’OCDE et déjà remplies par plusieurs pays, a été repoussée par 28 voix contre 8.

Transmission automatique

La déclaration devra être établie par les multinationales dont le chiffre d’affaires annuel consolidé dépasse l’équivalent de 750 millions d’euros au 1er janvier 2015 (soit 900 millions de francs). Elle sera transmise chaque année automatiquement aux autorités fiscales des Etats où ces groupes disposent d’entités, pour autant qu’une convention permette l’échange.

Pour les périodes fiscales antérieures à 2018, les multinationales pourront remettre une déclaration sur une base volontaire. Les premiers échanges automatiques entre la Suisse et les Etats partenaires, qui seront désignés par le Conseil fédéral, devraient avoir lieu dès 2020.

La gauche ne voulait pas laisser le gouvernement choisir les pays destinataires mais qu’il se déclare d’emblée prêt à coopérer avec tous les Etats s’engageant sur le principe d’un échange. La proposition a été rejetée par 30 voix contre 13.

Confidentialité

Les données seront uniquement destinées au fisc et ne seront pas publiées. L’obligation de garder le secret ne s’appliquera toutefois pas aux organes judiciaires ou administratifs cherchant à obtenir des renseignements officiels ou lorsque la convention et le droit suisse autorisent sa levée.

Les sénateurs veulent permettre à une entreprise de demander la suspension de l’échange automatique des déclarations envers un Etat violant les règles de confidentialité. Le Département fédéral des finances se prononcera sur le bien-fondé de la requête mais la décision définitive sera prise par le Conseil fédéral.

Les intentions de la Commission européenne pourraient interférer avec l’interdiction de publication. Bruxelles propose en effet que certaines données soient dévoilées. Les multinationales suisses ayant une filiale dans un Etat de l’UE auront du mal à y échapper.

Sanctions

Le Conseil des Etats a revu le régime de sanctions. Par 32 voix contre 9, il a biffé la disposition sanctionnant pénalement d’une amende de 100’000 francs au plus les indications inexactes ou incomplètes commises par négligence dans la déclaration.

Selon la majorité, une erreur peut facilement être commise. Et si elle est intentionnelle, les sénateurs ont précisé qu’elle ne sera punie qu’en cas d’indications inexactes ou incomplètes qui faussent fondamentalement les informations souhaitées et donnent une image fallacieuse de la situation.

Impact incertain sur les impôts

L’impact du projet sur les recettes fiscales en Suisse reste flou. Les données de la déclaration ne pourront pas servir en tant que telles pour ajuster l’impôt mais permettront au fisc de mener de plus amples investigations.

Si la Suisse corrige un bénéfice imposable, elle pourrait engranger davantage d’impôts. Mais elle pourrait tout aussi bien affronter une baisse de recettes si le fisc étranger a procédé à un ajustement et que Berne doit prendre des mesures compensatoires pour éviter une double imposition.

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