
Les professionnels tenus de dénoncer les cas de maltraitance

(Keystone-ATS) Les professionnels en contact avec des enfants devraient être tenus de dénoncer les cas de maltraitance. Après avoir refusé de légiférer en 2016, le National a soutenu mardi cette révision du code civil. Mais il a créé des divergences avec le Conseil des Etats.
Le but de cette révision est de mieux protéger les enfants contre les abus en unifiant la pratique au niveau national. Tous les professionnels qui travaillent avec des enfants, dans les domaines de la garde, de l’éducation, de la religion ou du sport, auront l’obligation de signaler les maltraitances ou soupçons.
Aujourd’hui, seules les personnes exerçant une fonction officielle, comme les enseignants ou les travailleurs sociaux, sont tenues d’annoncer les cas suspects.
Malgré la fronde de l’UDC et du PLR, les députés sont entrés en matière par 102 voix contre 92. Pour les opposants, l’actuelle obligation de dénoncer suffit. La révision, trop vague, pourrait entraîner une augmentation de fausses dénonciations, selon Yves Nidegger (UDC/GE). Unifier le droit fédéral ne permet pas de mieux protéger les enfants, au contraire cela crée des problèmes.
Nombre de cas en hausse
« Le besoin est réel », a rétorqué Jean Christophe Schwaab (PS/VD). En 2014, les hôpitaux suisses ont admis 1400 enfants pour des maltraitances ou abus, un « chiffre ahurissant » qui n’est que la « pointe de l’iceberg ». Dans 80% des cas, les actes sont commis par des proches; une personne extérieure est ainsi à même de dénoncer les cas. L’UDC parle d’un système qui enlève les enfants à leurs familles.
Les autorités doivent pouvoir agir avant que quelque chose de grave ne se passe, a abondé la ministre de justice et police Simonetta Sommaruga. Le nombre de cas de maltraitance a augmenté: l’an dernier, les hôpitaux en ont comptabilisé 1575. Dans la moitié des cas, les enfants avaient moins de 6 ans. La révision permet de mieux protéger les tout jeunes enfants, a souligné la conseillère fédérale.
Autonomie des cantons
Certains cantons, comme le Valais et Vaud, prévoient déjà des obligations plus étendues d’aviser l’autorité que celles contenues dans le projet. Ils ne constatent d’ailleurs pas d’annonces abusives. Les cantons devraient donc garder leur autonomie, a plaidé Laurence Fehlmann Rielle (PS/GE) au nom de la commission.
Par 100 voix contre 95, le conseil lui a donné raison. Les cantons qui ont fait des expériences positives ne devraient pas être obligés de revenir à une réglementation moins stricte. Comme le Conseil des Etats et le Conseil fédéral, le PLR et l’UDC jugent à l’inverse plus important d’harmoniser les obligations.
A une courte majorité, 98 voix contre 96, le National a précisé la notion de « bien de l’enfant ». Ainsi, les droits et obligations d’aviser l’autorité de protection de l’enfant devraient être applicables lorsque des indices concrets montrent que l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’une personne mineure est sérieusement menacée.
La gauche et le PDC ne voulaient pas aller si loin, estimant que les termes « sérieusement » et « indices concrets » entravent l’obligation de dénoncer.
Les députés ont en outre ajouté que l’obligation a été respectée lorsqu’un professionnel transmet l’information à son supérieur direct.
Secret professionnel
La révision prévoit des exemptions dans l’obligation de dénoncer, notamment pour les personnes qui évoluent avec des enfants dans le domaine des loisirs – tels les entraîneurs bénévoles. Des exceptions seraient aussi prévues pour les personnes soumises au secret professionnel, comme les médecins, les ecclésiastiques ou les avocats.
Concernant ces derniers, la Chambre du peuple s’est ralliée à celle des cantons concernant leur obligation de collaborer. Le droit en vigueur devrait être maintenu: le fait d’être délié du secret professionnel ne doit pas obliger les avocats à divulguer des faits qui leur ont été confiés.
Les personnes soumises au secret professionnel pourraient de toute façon aviser des cas dont elles ont connaissance. Mais elles n’y seraient pas tenues absolument, afin de maintenir la relation de confiance avec la victime.
Le dossier retourne à la Chambre des cantons.