Duel gauche-droite autour de l’assurance chômage
Les Suisses doivent voter sur la 3e révision de l'assurance chômage. La gauche a obtenu le référendum contre ce qu'elle considère comme un nouveau démantèlement social.
Pour la droite, il s’agit plutôt d’une adaptation nécessaire de la loi.
Le référendum, déposé le 16 juillet dernier, a été obtenu par les milieux syndicaux et par des associations de défense des chômeurs. Un peu plus de la moitié des 68 000 signatures a été recueillie en Suisse romande.
Fin de la situation d’urgence
Longtemps épargnée, la Suisse a été durement touchée par le chômage dans les années 90. Le taux de chômage a dépassé 5% de la population active, du jamais vu depuis les années 30.
Cette hausse a mis à mal les caisses de l’assurance chômage qui a sombré dans les chiffres rouges (la dette a atteint jusqu’à 8 milliards de francs). Le gouvernement a donc pris des mesures d’urgence.
Le taux de cotisation à l’assurance est passé de 2 à 3% du salaire. De plus, les hauts salaires (plus de 106 800 francs) ont été soumis à une contribution supplémentaire de solidarité de 2%.
Depuis, le nombre de sans emplois a diminué et les comptes de l’assurance sont sur le point de quitter le rouge. Du coup, les cotisations peuvent revenir à leur niveau normal, ainsi que l’avait promis le parlement.
Relancer l’économie
Quelle que soit l’issue du vote, ces contributions extraordinaires seront supprimées, vu qu’elles étaient limitées dans le temps.
La suppression de la part supplémentaire sur les hauts salaires fait cependant bondir la gauche, qui y voit un cadeau fait aux riches sur le dos des chômeurs.
Le principe de cette contribution de solidarité n’est toutefois pas complètement enterré. Le gouvernement propose d’augmenter automatiquement de 1% la contribution sur les hauts salaires dès que la dette de l’assurance chômage atteint 5 milliards.
Pour le ministre de l’économie Pascal Couchepin, la baisse des cotisations est une bonne nouvelle: l’argent ainsi rendu aux ménages (environ 685 millions par an) peut relancer la consommation et, du coup, contribuer à faire baisser le chômage.
Le Parlement a promis l’abandon de la contribution de solidarité.
Attention à l’Europe
Avec les accords bilatéraux, les travailleurs – mais aussi les chômeurs – des pays européens pourront venir s’installer en Suisse. Le gouvernement veut éviter un afflux, vu que l’assurance-chômage est plus généreuse en Suisse que parmi les Quinze.
Du coup, la 3e révision prévoit la diminution de quelques prestations. Il faudra notamment travailler douze mois au lieu de six actuellement pour toucher l’assurance. De plus, les indemnités seront au maximum de 400 jours (une année et demie) contre 520 jours aujourd’hui (deux ans).
Le gouvernement a cependant mis quelques filets de protection pour les plus faibles. Ainsi, les indemnités resteront de 520 jours pour les chômeurs dès 55 ans et pour les chômeurs invalides ou accidentés.
De plus, le Conseil fédéral aurait la possibilité de faire passer la durée d’indemnisation à 520 jours pour tout le monde dans les cantons à chômage élevé. A condition toutefois que les cantons concernés prennent 20% des frais à leur charge.
Une réinsertion facilitée
La révision prévoit même des améliorations. Le nombre d’indemnités serait de 640 pour les personnes qui sont à quatre ans de la retraite. Actuellement, ce régime n’est appliqué que deux ans et demi avant la retraite.
Amélioration également pour les femmes enceintes et les malades qui recevraient 44 indemnités journalières au lieu de 34. Par ailleurs, cette indemnité journalière passerait de 130 à 140 francs et pourrait être indexée au coût de la vie.
Autre exemple d’amélioration: l’assurance-chômage prendrait en charge au moins un tiers des primes d’assurance accident non professionnelle. Actuellement, les chômeurs doivent la payer eux-même.
Enfin, le gouvernement souligne que la baisse de certaines prestations sera compensée par une meilleure politique de réinsertion des chômeurs sur le marché du travail, via les mesures actives des offices régionaux de placement (ORP).
La gauche en appelle au peuple
La gauche reconnaît que cette révision contient quelques améliorations notables. Mais le problème, pour elle, c’est que les effets néfastes l’emportent largement sur les aspects positifs.
Elle considère que la baisse de certaines prestations se révélerait catastrophique pour certains types de chômeurs, en particulier ceux de longue durée. En fait, cette révision ne serait rien d’autre qu’un démantèlement inacceptable cette assurance.
Mais, au Parlement, la gauche n’a pas fait le poids face à un bloc bourgeois uni pour qui cette révision est essentielle pour maintenir le financement à long terme de l’assurance. La révision a été acceptée par 114 voix contre 58 au Conseil national et 36 voix contre 5 au Conseil des Etats.
Vaincue au Parlement, la gauche en appel donc maintenant au peuple. Sera-t-elle entendue? Réponse le 24 novembre.
swissinfo/Olivier Pauchard
Les principaux points de la révision
Il faut cotiser 12 mois au lieu de 6 pour toucher l’assurance.
Le total des indemnités passe de 520 à 400.
L’indemnité journalière est augmentée de 10 francs et passe à 140 francs.
La cotisation de solidarité des hauts salaires (2%) est supprimée tant que la dette de l’assurance est inférieure à 5 milliards.
En 1997, face à la dette de l’assurance chômage, le gouvernement avait obtenu du parlement une baisse des prestations. Les indemnités auraient notamment diminué de 1 à 3%. Le référendum avait été obtenu par un comité de soutien aux chômeurs de la Chaux-de-Fonds. A la surprise générale, ce référendum avait été accepté par le peuple par 50,8% des voix (28 septembre 1997).
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