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Le conflit dans la construction est relancé

Les ouvriers de la construction travaillent actuellement sans convention collective. Keystone

Les délégués de la Société suisse des entrepreneurs (SSE) ont refusé le compromis négocié avec les syndicats en vue d'une convention nationale. La SSE entend néanmoins mener de nouvelles négociations.

De leur côté, les syndicats Unia et Syna se disent déçus et irrités. Ils menacent de prendre des mesures de lutte.

Réunis en assemblée extraordinaire jeudi à Zurich, les délégués de la Société suisse des entrepreneurs (SSE) ont refusé le compromis laborieusement négocié avec les syndicats en décembre dernier.

Selon le président de la SSE Werner Messmer, ce rejet – par 91 voix contre 14 et deux abstentions – ne signifie toutefois pas un non définitif à la conclusion d’une nouvelle convention collective de travail (CCT) dans la branche.

«Nous ne devons pas repartir de zéro, en revanche des négociations complémentaires sont nécessaires», a-t-il expliqué, insistant sur la volonté des entrepreneurs de conclure le plus rapidement possible une CCT.

D’après lui, la décision des délégués n’est pas surprenante car le paquet global s’écarte trop des objectifs de l’organisation. Il rappelle qu’en décembre, lors de la présentation du résultat des négociations avec les syndicats, la SSE était déjà réservée.

«Journée noire pour la Suisse»

Du côté syndical, Unia et Syna voient dans le rejet de ce compromis un acte «irresponsable» de la part des délégués de la SSE. L’Union syndicale suisse (USS) critique elle l’arrogance des entrepreneurs. «C’est une journée noire pour la Suisse», a commenté Andreas Rieger, co-président d’Unia.

Pour lui, la décision des délégués de la SSE n’est toutefois qu’une demi-surprise. Il indique que les craintes d’un refus se sont accrues ces derniers jours. Werner Messmer, le président de la SSE, avait lui-même déclaré que «la pilule serait encore dure à avaler».

Quant à la proposition de la SSE de remettre l’ouvrage sur le métier, les syndicats y sont opposés. Ils affirment que la solution négociée sous la médiation de Jean-Luc Nordmann, ancien chef de la Direction du travail au Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), exclut explicitement des négociations ultérieures.

Menaces sur les bilatérales

Sans se prononcer sur cette question, Jean-Luc Nordmann, dont le mandat de médiateur s’est achevé le 21 décembre dernier, a regretté jeudi que le compromis accepté en décembre ait finalement été rejeté par les délégués de la SSE.

La solution négociée entre les partenaires sociaux introduisait un assouplissement du temps de travail, mais aussi des hausses de salaires. Elle prévoyait notamment la possibilité d’une adaptation du temps de travail suite à un manque d’ouvrage ou à cause des intempéries.

Pour Jean-Luc Nordmann, la décision de la SSE est «regrettable» pour chaque entreprise du bâtiment et pour les travailleurs, mais également pour la place économique suisse. Il craint que ce refus pèse sur l’avenir des accords bilatéraux et des mesures d’accompagnement.

Une crainte également exprimée par la ministre de l’économie Doris Leuthard, dont le département a indiqué qu’il regrettait la décision de la SSE.

«Les partenaires sociaux ont une responsabilité qui dépasse le seul secteur de la construction», a déclaré la conseillère fédérale à la radio alémanique DRS, faisant elle aussi référence à la reconduction et à l’extension prévues de la libre circulation des personnes avec l’Union européenne (UE).

Doris Leuthard a dit espérer la tenue rapide de nouvelles négociations sur les points contestés.

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Vote syndical samedi

La prochaine échéance dans ce dossier est fixée à samedi. Les délégués d’Unia et de Syna doivent en effet voter sur le paquet issu de la médiation.

Du côté syndical, un oui devrait l’emporter malgré le refus patronal, estime Andreas Rieger. «Les maçons ne vont pas accepter cette rupture de parole des entrepreneurs et vont lutter pour leur convention», soulignent les syndicats dans un communiqué commun.

Reste que si la signature du compromis négocié constitue une priorité pour les syndicats afin de mettre un terme au vide conventionnel qui règne depuis octobre dernier, ils se voient «obligés de prendre de nouvelles mesures de lutte». Selon Andreas Rieger, un plan d’action sera aussi décidé samedi.

swissinfo et les agences

Le 23 mai 2007, la Société suisse des entrepreneurs (SSE) a dénoncé la convention nationale de travail avec effet au 1er octobre. Pour la première fois depuis 70 ans, le secteur de la construction se trouvait ainsi privé de convention collective.

Les patrons exigaient en particulier une plus grande flexibilité dans les horaires de travail et souhaitaient l’introduction partielle d’un salaire au mérite.

De leur côté, les syndicats Unia et Syna s’opposaient aux demandes des patrons, affirmant qu’elles représentaient une détérioration des conditions de travail.

A la mi-octobre 2007, les salariés avaient fait grève sur le chantier des Nouvelles liaisons ferroviaires alpines (NLFA) ainsi que sur les chantiers des cantons de Berne, Genève et Neuchâtel.

D’importantes manifestations en faveur d’une nouvelle convention avaient eu lieu dans plusieurs villes de Suisse.

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