Les six règles que tout nouveau conseiller fédéral doit connaître
Ignazio Cassis confirmera-t-il les pronostics en devenant le 8e conseiller fédéral originaire du Tessin? Une femme de droite - Isabelle Moret - fera-t-elle pour la seconde fois son entrée au gouvernment? Ou alors l'outsider genevois - Pierre Maudet - réussira-t-il à créer la sensation? L'Assemblée fédérale élit ce mercredi le successeur de Didier Burkhalter au Conseil fédéral. Quel que soit le nom de l'élu, le nouveau conseiller fédéral doit être bien conscient que la répartition des portefeuilles suit des règles bien particulières.
Le collège gouvernemental connaîtra-t-il une grande rocade? Ou le nouveau conseiller fédéral héritera-t-il simplement du siège laissé vacant par Didier Burkhalter à la tête du Département des Affaires étrangères? Ces questions seront présentes ce mercredi dans la tête des stratèges des quatre partis gouvernementaux dès le résultat de l’élection connu.
En novembre, le gouvernement se réunira pour la première fois dans sa nouvelle composition afin de procéder à la répartition des départements.
1. Collégialité
La règle d’or de cette répartition veut que le Conseil fédéral cherche un consensus par la discussion… et y parvienne. Il peut ainsi montrer immédiatement au nouvel élu ce que signifie la collégialité, ce principe exigeant des sept membres du gouvernement qu’ils assument en public les décisions prises par le collège. Parce que des ministres trop préoccupés par leur égo seraient mauvais pour la confiance dont le gouvernement jouit auprès de la population. Aucun autre gouvernement au monde ne manifeste aussi explicitement sa collégialité. Le président n’est d’ailleurs élu que pour un an et n’est qu’un «primus inter pares», le premier parmi les pairs.
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2. Ancienneté
Lorsque tout se déroule en douceur, le gouvernement suit le principe d’ancienneté, à savoir que le premier à formuler ses souhaits est le conseiller fédéral qui est en fonction depuis le plus longtemps. Il est suivi par les six autres dans le strict respect de l’ordre dicté par les années de service. Le nouveau s’exprime en dernier. Son entrée au gouvernement lui impose donc une certaine humilité, mais comme il connaît les usages, il n’en prend pas ombrage.
3. Majorité
Mais qu’en est-il si un conseiller fédéral n’est pas prêt à se plier aux règles d’ancienneté? Le gouvernement cherche alors une solution consensuelle et, à défaut, décide à la majorité. Il est ainsi arrivé que des séances de répartition débouchent sur des conflits ouverts. Les ambitions personnelles, les traits de caractère et les affinités ne restent pas derrière les portes de la salle où les sept sages se réunissent. Ainsi, en 1993, le nouvel élu tessinois Flavio Cotti avait immédiatement revendiqué les Affaires étrangères, un département que convoitait également le ministre de la justice Arnold Koller. Tous deux démocrates-chrétiens, ils n’ont cependant pas réussi à se mettre d’accord.
4. La voix du président
Après plusieurs tentatives de conciliation infructueuses, le Conseil fédéral a fini par voter et c’est la voix prépondérante du président d’alors, Adolf Ogi, qui a fait pencher la balance, attribuant les Affaires étrangères au représentant de la minorité italophone. Arnold Koller n’avait plus d’autre choix que d’obtempérer – un cas rare dans l’histoire du Conseil fédéral.
5. Consensus
En 2010 au contraire, Simonetta Sommaruga n’a pas pu profiter de divisions: la majorité des membres du gouvernement, et leurs partis, étaient d’accord pour estimer que la nouvelle élue socialiste devait reprendre le Département fédéral de Justice et Police, qui est notamment en charge de la politique de l’asile. C’est pourtant un sujet de prédilection de l’Union démocratique du centre (UDC – droite conservatrice) et il aurait semblé normal que ce parti prenne en charge la question des migrations. Mais la droite préférait laisser ce dossier brûlant à la gauche. Depuis, la pianiste de formation a pris goût à sa tâche. Gouverner en Suisse peut aussi vouloir dire qu’il faut travailler à contrecœur, contre ses propres inclinaisons et en dépit de ses compétences.
6. Préférences des partis
La répartition est donc également une affaire de calculs politiques. En outre, les quatre partis qui composent le gouvernement depuis 1960 ont des départements de prédilection qu’ils ont tendance à considérer comme des chasses gardées. Ainsi, près de 75 ans après l’élection du premier socialiste au gouvernement, il semble toujours qu’il soit tabou d’en installer un à la tête du Département de la Défense, de la Protection de la population et des Sports. Sans compter que les affaires militaires ne constituent certainement pas une priorité pour un conseiller fédéral socialiste.
(Traduction de l’allemand: Olivier Hüther & Samuel Jaberg)
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