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Jura-Québec: le retour d’une relation pionnière

VdQ

Dernier né des 26 cantons suisses, le Jura renoue progressivement avec Québec, après les préliminaires des années septante. La preuve samedi en ville de Québec, qui fête ses 400 ans et accueille le Sommet de la Francophonie.

Samedi à la mi-journée, soleil et froidure à Québec. Un aréopage d’officiels s’est réuni au chaud à l’Hôtel de ville de la capitale provinciale. Il y a là le maire, l’ambassadeur de Suisse au Canada, trois membres du gouvernement jurassien, une centaine d’invités et beaucoup de bonne humeur.

A l’occasion des 400 ans de Québec, «nous tenons à offrir un cadeau qui marque notre amitié pour Québec à travers le temps et qui mette en valeurs les compétences jurassiennes», indique Elisabeth Baume-Schneider, présidente du gouvernement jurassien.

Ce cadeau présenté sous forme de maquette numérique, qui reste à matérialiser et devrait être livré au printemps 2010, est une pendule mécanique de 3,5 m sur 2,5 m, avec calendrier perpétuel et 2e fuseau horaire marquant l’heure du Jura. «Un objet qui fait entrer la pendulerie dans le 3e millénaire», assure Dominique Guenat, administrateur de la société (Richard Mille) en charge de sa réalisation.

Ce garde-temps résultera aussi de la collaboration avec deux écoles professionnelles de la chaîne jurassienne. «C’est un projet formateur, dans la mesure où les élèves travailleront sur cet objet», précise Elisabeth Baume-Schneider. Le prix de cette pièce unique n’est pas connu mais s’articulera en centaines de milliers de francs, assumés par les partenaires.

«La ville de Québec est très honorée», réagit son maire. La pendule aura sa place dans la bibliothèque Gabrielle Roy, actuellement en rénovation, au centre ville.

Relation fraternelle

«Nous avons une relation fraternelle avec le Jura, explique Régis Lebeaume. Une relation déjà ancienne. Pendant mes études, les étudiants en sociologie et en science politique élaboraient beaucoup dans leurs travaux sur la spécificité jurassienne, en faisant le parallèle avec le Québec.»

Dans les années septante, le mouvement autonomiste jurassien entretenait des contacts avec les responsables indépendantistes et souverainistes du Québec, explique Elisabeth Baume-Schneider.

A l’époque, le Jura se battait pour son autonomie (obtenue en 1979) et sa séparation du canton de Berne majoritairement germanophone. Le Québec se rêvait en solitaire francophone dans l’Amérique anglophone.

En 1983, le Jura deviendra même le premier canton suisse à signer un accord de coopération (assez général) sur le plan international. Une illustration de la «force du fédéralisme et de sa capacité à se renouveler», constate le Président de la Confédération Pascal Couchepin dans son message transmis à l’occasion de la cérémonie.

Dans la Constitution

Selon la Constitution suisse, les cantons ont le droit de conclure des accords avec l’étranger, régions ou pays, sous condition qu’ils portent sur les domaines de compétences cantonaux (santé, formation, culture, etc), explique l’ambassadeur de Suisse au Canada.

«Aujourd’hui, beaucoup de cantons frontaliers ont des accords avec des Länder allemands ou des départements français, et la coopération est intense entre eux, précise Werner Baumann. Les accords de type Jura-Québec reposent davantage sur des valeurs communes.»

D’ailleurs, longtemps, l’accord entre Jura et Québec est resté en léthargie. Les deux régions entretenaient des liens culturels et d’amitié linguistique, quelques échanges d’enseignements, guère plus. Le canton a entre-temps signé des accords plus strictement culturels avec la Vallée d’Aoste et la Communauté française de Belgique.

Mais en 2006, le ministre jurassien Jean-François Roth a débarqué au Québec pour relancer la machine. «Je suis venue en 2007, nous sommes là aujourd’hui, indique sa successeur Elisabeth Baume-Schneider. C’est un peu une reprise de contact, qui a du sens.»

Formation, santé, police

Formation des enseignants ou des ingénieurs, secteur de la santé et de la police: le Jura envisage très sérieusement des collaborations, malgré la différence d’échelle entre les deux régions.

«Sur le plan économique, l’intérêt n’est pas à très court terme, selon la ministre. Mais nous devons maintenir une ouverture, car le canton ne peut se développer et survivre que s’il continue à partager ce goût pour l’audace et l’ouverture.»

Apparemment, le message est reçu cinq sur cinq à Québec. Régis Lebeaume, maire de la ville: «A Québec, nous essayons de renforcer ce lien culturel, et de faire en sorte que l’utilisation de la langue et de la culture nous permette d’aller plus loin et de développer des liens économiques. (…) Vous allez nous revoir au Jura, c’est certain!»

swissinfo, Pierre-François Besson à Québec

26e et plus jeune canton suisse, le Jura est officiellement né en 1979 après un long combat politique et plusieurs votes des Jurassiens. Une création avalisée par le peuple suisse en 1978.

Trois districts (le Jura bernois) ont désiré demeurer au sein du canton de Berne. Mais pour les autorités du canton du Jura, «refaire l’unité» reste un objectif.

Le canton du Jura est petit (838 km2) et faiblement peuplé (69’000 habitants). Rien à voir avec la Province de Québec et ses 7,65 millions d’habitants (2006), a peu de choses près l’équivalent de la population suisse.

Québec, qui a deux fois refusé l’indépendance hors de la Fédération canadienne au cours des trente dernières années, compte 17 régions et couvre 1’667’441 km². La ville de Québec abrite, elle, 491’000 habitants.

L’objet monumental sera installé dans le hall d’entrée de la Bibliothèque Gabrielle-Roy, où elle sera lisible de l’intérieur et de l’extérieur (Place Jacques Cartier) de ce bâtiment du quartier Saint-Roc. Un quartier culturel et commercial très fréquenté au centre de la ville de Québec.

Mécanique et à complications, la pendule («Le secret du Bonheure») fera appel à des matériaux comme le carbone, le carbure de tungstène ou le titane.

Elle sera fruit de la collaboration entre la marque Richard Mille (Horométrie SA aux Breuleux), l’école des métiers techniques de Porrentruy et la Haute-Ecole Arc section ingénierie.

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