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Oppositions étonnantes et alliances gagnantes, le très discret Conseil des États sous la loupe

Photo d un écran montrant les résultats d un vote au Conseil des Etats
Le vote électronique a été introduit au Conseil des Etats en 2014. Keystone / Lukas Lehmann

Des données collectées par la RTS lèvent le voile sur le Conseil des États. On y découvre comment les sénateurs et sénatrices votent, mais aussi les alliances qui règnent sur la Chambre des cantons.

Un sénateur ou une sénatrice vote «oui», son ou sa collègue «non». Les deux voix s’annulent et leur canton ne pèse finalement pas dans la décision. D’après l’enquête de la cellule data de la RTS, ce scénario se révèle très fréquent pour les conseillers et conseillères aux États du Tessin, de Berne et de Neuchâtel, qui peinent à s’entendre.

Ces oppositions peuvent surprendre. Le Conseil des États, c’est la «Chambre des cantons». Les 46 sénateurs et sénatrices y défendent notamment les intérêts de leur région. En théorie, ces parlementaires suivent moins la ligne du parti qu’au Conseil national.

Il n’est toutefois pas facile de savoir exactement ce qu’il s’y passe. Jusque récemment, les député-es votaient encore à main levée. Après plusieurs erreurs de comptage, le vote électronique a fini par être introduit en 2014. En conservant une partie des votes secrets et sans rendre les données accessibles.

Malgré cela, la RTS a pu récupérer les 1363 votes nominatifs de la législature en cours (lire encadré en bas d’article). Ceux-ci représentent 60% des décisions et permettent d’analyser les alliances entre partis. Et, comme indiqué plus haut, les oppositions entre les élu-es d’un même canton sont monnaie courante.

>> Le sujet de l’émission Forum de la RTS:

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Les Neuchâtelois Philippe Bauer (PLR) et Céline Vara (Vert-e-s) se sont opposés, et leurs voix se sont donc annulées, dans plus de la moitié des votes disputés (les votes unanimes ne sont pas pris en compte). Ils n’ont voté de manière unie que dans 38% des cas.

À l’inverse, la plus grande unité se trouve à Genève. Lisa Mazzone (Vert-e-s) et Carlo Sommaruga (PS) ne se sont opposés que lors de 4% des votes. Il s’agit du taux le plus faible du pays, comme le montre le graphique ci-dessous.

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«Des sensibilités différentes»

Évidemment, il est plus simple de s’entendre entre élu-es d’un même bord politique, comme c’est le cas à Genève. Pourtant dans une configuration similaire qu’à Neuchâtel (Verte/PLR), les conseillers aux États du canton de Vaud Adèle Thorens et Olivier Français semblent mieux s’accorder que leurs collègues de Neuchâtel, avec 46% de votes identiques.

«Avec Philippe Bauer, nous avons des sensibilités différentes, il faut le respecter. J’ai l’impression que la majorité de nos concitoyens et concitoyennes sont bien représentés», répond la Verte Céline Vara.

La Neuchâteloise assure sortir des clivages partisans pour soutenir son canton: «Nous l’avons fait à de multiples reprises. Aussi sur des sujets qui ne touchent pas spécifiquement le canton, comme la redéfinition du viol. Nous devons le faire, pour les intérêts du canton, c’est primordial.»

Pourtant, les données sont claires: les conseillers et conseillères aux États s’associent beaucoup plus souvent aux membres de leur parti politique qu’à l’autre représentant de leur canton. En fait, comme au National, les députés votent neuf fois sur dix comme leur parti.

Cette unité est particulièrement marquée à gauche, où les Vert-e-s et les socialistes se positionnent presque toujours en bloc compact. La majorité de leurs groupes est suivie en moyenne par plus de 95% de leurs membres.

L’alliance bourgeoise domine

Dans ce contexte, les alliances entre groupes s’avèrent décisives lors de nombreux votes. Trois coalitions remportent souvent la mise.

Il y a d’abord l’union des partis bourgeois (Centre, PLR, UDC), puis l’entente de l’ensemble des groupes sans l’UDC et, finalement, l’association du Centre et de la gauche.

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Le Centre, faiseur de rois

À ce jeu-là, le Centre l’emporte très souvent au Conseil des États. Sur les 683 votes disputés, la majorité du groupe s’est retrouvée plus de 9 fois sur 10 dans le camp vainqueur. Le groupe devance le PLR (83%). Ce sont aussi les deux partis les mieux représentés, avec 14 et 12 élus.

Le PS, les Vert-e-s et l’UDC rencontrent moins de succès, comme le souligne le graphique ci-dessous.

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À l’échelle des sénateurs et sénatrices, la championne des votes gagnés s’appelle Brigitte Häberli-Koller. La centriste thurgovienne, qui a récemment pris la présidence de la Chambre, a choisi le bon camp dans 94% des cas.

La PLR fribourgeoise Johanna Gapany, première Romande, arrive en 9e position. Les élu-es les moins suivis se trouvent à l’UDC.

Contrairement au Conseil national, les services du Parlement ne mettent pas à disposition de base de données contenant les votes au Conseil des États. Les résultats de certains votes (votes finaux, en cas de demande de plusieurs élus, etc.) sont publiés de manière nominative sur le site du Parlement uniquement au sein du bulletin officiel, qui relate les débats.

La cellule data de la RTS a compilé ces votes, publiés au moyen de fichiers PDF, sous la forme de données analysables afin d’obtenir une photographie de la législature en cours.

Selon les services du Parlement, les 1363 votes récupérés (sans la session en cours) représentent environ 60% des décisions du Conseil des États. L’autre partie des votes reste, en théorie, secrète, mais il est possible de connaître le résultat de ces votes en visionnant les images des débats de la Chambre.

Cet article a été publié pour la première fois le 13 juin 2023.

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