Quinze millions de spécimens attendent un lieu de stockage plus sûr

(Keystone-ATS) Avec plus de la moitié des collections suisses, le Muséum de Genève est le numéro un des musées d’histoire naturelle du pays. Mais les conditions de stockage de ses 15 millions de spécimens ne sont pas à la hauteur.
Jacques Ayer, directeur de l’institution depuis 2012, espère un nouveau bâtiment à l’horizon 2022. Un concours d’architecture a été lancé en avril après le vote d’un crédit d’étude de 2,4 millions de francs. Le lauréat sera désigné en novembre.
Il y a urgence pour ce projet qui ne doit pas dépasser 36 millions de francs. Les spécimens classés sur 30 kilomètres de rayonnages cohabitent avec 40’000 litres d’éthanol utilisés pour leur conservation dans 120’000 bocaux.
Autant dire que la dangerosité est avérée, notamment en cas d’incendie, même si des mesures d’assainissement ont été prises depuis que le canton a pointé du doigt ce risque. Autre problème: des écarts de température relevés dans les espaces de stockage sont à l’origine des pullulations d’insectes ravageurs qu’il faut régulièrement neutraliser avec des fumigations toxiques et coûteuses.
Un émeu de Baudin
En attendant une possible extension du bâtiment, la trentaine de scientifiques du Muséum « font vivre » ces collections zoologiques et minérales, dont seulement 5% à 10% sont exposées au grand public. Une centaine de spécialistes suisses et internationaux viennent chaque année pour les étudier.
Il faut dire que l’institution possède 50’000 « types », c’est-à-dire un étalon de référence pour une espèce. Le seul exemplaire au monde d’un plumage d’un émeu de Baudin, un oiseau disparu, se trouve au Muséum. La collection de 3000 spécimens originaux de fourmis, rassemblée par le myrmécologue vaudois Auguste Forel (1848-1931), fait aussi la fierté du musée.
Des secrets tardifs
Des petits trésors se cachent aussi dans les lourds Compactus de l’aile scientifique du Muséum. Edwin Gnos, conservateur dans le secteur minéralogie, sort de son écrin un fragment de météorite de la pluie de Toulouse de 1812. « Le plus gros fragment de cette pluie », précise le spécialiste.
Un Péridot 129 carrats, acheté 850 francs en 1936, est aujourd’hui une pierre d’une valeur inestimable, souligne le géologue Pierre-Alain Proz. Parfois, des spécimens livrent leurs secrets tardivement: à l’instar de cette partie du crâne fossile d’un coelacanthe, un poisson archaïque, prise à tort pendant des années pour une vertèbre de baleine.
L’énorme collection genevoise, présentée dans un musée dès 1820, se démarque aussi par sa longévité, selon M.Ayer. John Hollier, spécialiste de l’histoire des collections présente fièrement un orthoptère, décrit en 1863 déjà.
Un intestin de requin
Peut-être moins appréciés du public, mais tout aussi importants, les vers du parasitologue Jean Mariaux se déclinent dans toutes les tailles. Parmi ces invertébrés: un parasite trouvé dans l’intestin d’un requin du Golfe persique.
Une gymnote électrique, un poisson qui ressemble à une anguille, a été pêché par Sonia Fisch-Müller, spécialiste des poissons de Guyane. La conservatrice insiste sur la nécessité des prélèvements ADN qui complètent les descriptions morphologiques. Autre joyau des collections du Muséum: une série de 30’000 oeufs, issus principalement de la collection d’un privé.
Le plus important selon le directeur Jacques Ayer, c’est de continuer à archiver le vivant pour comprendre les enjeux de la biodiversité et envisager des mesures de protection de l’environnement. Il en va de l’avenir de l’humanité.