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Les oiseaux aussi entendent s’ils chantent faux

Pour attirer une compagne, le diamant mandarin doit chanter de manière «sexy». Et c'est en s'écoutant qu'il se perfectionne. juniors

Deux neurobiologistes de l'Université de Zurich ont découvert comment les oiseaux sont capables d'entendre leur propre chant et de le comparer à celui du «maître» qui leur a appris à chanter, soit le plus souvent leur père

Selon les résultats publiés jeudi dans la prestigieuse revue scientifique Nature, les oiseaux sont capables d’anticiper les notes qu’ils devraient chanter avant de les chanter effectivement.

La découverte a des implications sur notre compréhension de la manière dont les humains acquièrent le langage, comme le confirme Richard Hahnloser, professeur en neuroinformatique et auteur principal de l’étude.

«On peut dans ce domaine comparer le jeune oiseau à un bambin, explique-t-il à swissinfo. Nos recherches suggèrent en effet que les petits enfants savent ce qu’ils veulent entendre ou ce qu’ils s’attendent à entendre. Et c’est le résultat qu’ils cherchent à atteindre quand ils émettent leur babil».

Dans le monde animal, les exemples d’espèces où les individus apprennent à vocaliser grâce à l’enseignement des autres sont une rareté. A part les humains, on rencontre ces processus d’apprentissage uniquement chez les baleines, les dauphins, les chauve-souris et les oiseaux.

Partition neurologique

Certes, la manière dont les oiseaux apprennent à chanter et les raisons pour lesquelles ils le font ont déjà été étudiées, mais les Zurichois sont les premiers à mettre le processus en évidence au niveau des neurones.

Avec Georg Keller, un de ses étudiants diplômés, Richard Hahnloser a implanté de minuscules électrodes dans le cerveau de diamants mandarins.

Une fois les oiseaux remis de l’opération, les chercheurs ont pu mesurer les impulsions électriques traversant certains groupes de neurones lorsque les oiseaux chantent et lorsqu’ils écoutent leurs chants.

Et après trois ans d’études, les résultats ne sont rien mois que surprenants: les neurones mobilisées ne sont pas les mêmes selon que l’oiseau écoute le chant d’un autre oiseau ou qu’il écoute le sien propre. Ce qui suggère que l’animal dispose dans son cerveau d’une sorte de «partition» de référence.

Et ceci se vérifie lorsqu’on mélange un chant d’oiseau avec des bruits ou d’autres notes diffusées par haut-parleur. Le cerveau de l’animal dispose de neurones spécifiques capables de détecter ces différences.

«Nous avons vu comment les diamants mandarins s’entendent, explique Richard Hahnloser. Ils savent que telle note doit venir après telle autre et s’il y a le moindre changement, ils s’en aperçoivent».

Chants «sexy»

Le diamant mandarin mâle chante des airs très complexes, qu’il apprend à perfectionner avec l’aide d’oiseaux plus âgés. Ainsi, les adultes ont des chants hautement sophistiqués et stéréotypés, alors que ceux des petits ressemblent plus au babil de nos bébés.

Pour leur étude, les scientifiques zurichois ont observé de jeunes oiseaux, qui savent déjà chanter mais ne maîtrisent pas parfaitement la technique. Ceci leur a permis de voir comment ces animaux perçoivent leurs propres imperfections.

Le chant est très important chez les oiseaux, puisque c’est sur sa qualité que la femelle se base pour décider si elle va se laisser séduire.

Sarah Woolley, professeur de science du comportement à l’Université américaine de Columbia, a étudié les effets du chant sur les femelles et a remarqué que si celui-ci n’est pas jugé assez «sexy», la demoiselle ailée ira voir ailleurs.

Lors de la publication de ses résultats l’année dernière, la chercheuse avait confirmé que si la femelle avait le choix entre plusieurs mâles, elle irait vers celui dont le chant est le plus complexe… soit le plus agréable à ses oreilles.

swissinfo, Tim Neville
(Traduction et adaptation de l’anglais: Marc-André Miserez)

Avec la diversité des sons qu’ils sont capables de produire, les oiseaux sont de bons sujets pour les chercheurs qui s’intéressent à l’acquisition du langage.

Ainsi, on a découvert les régions spécifiques du cerveau qui contrôlent le rythme du chant. Si l’on refroidit ces zones particulières, le chant ralentit, mais la mélodie ne change pas.

Les notes elles-mêmes sont produites par deux générateurs de sons indépendants, mus par des muscles super-rapides. Ceux-ci sont capables de se contracter plus vite que n’importe quel muscle connu chez n’importe quelle espèce de vertébré.

Selon une recherche menée à l’Université d’Utah (Etats-Unis), ces muscles permettent aux oiseaux de contrôler les sons qu’ils émettent avec une précision de l’ordre de la milliseconde.

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