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A qui profitera l’or de la BNS

Le gouvernement a décidé de mettre 1300 tonnes d'or sur le marché. Keystone

Les Suisses doivent dire s'ils veulent allouer la totalité ou seulement une partie du revenu de l'or excédentaire de la Banque nationale à l'AVS.

Si l’Assurance vieillesse et survivants rafle la mise, ç’en est fini de la Fondation Suisse solidaire.

Autrement dit, le projet lancé en 1997 par l’ancien président de la Confédération Arnold Koller ne disposera pas des moyens financiers nécessaires à sa réalisation.

Quelque 20 milliards de francs

La Suisse a renoncé depuis longtemps à la parité franc-or. Avec l’abandon de cette politique monétaire, la Banque nationale (BNS) n’a donc plus besoin d’autant d’or que par le passé. D’où l’existence de ces fameuses réserves excédentaires.

Les autorités ont décidé de mettre la moitié de ces réserves (1300 tonnes d’or) sur le marché. Le produit de cette vente équivaut à quelque 20 milliards de francs.

Mieux, bien placée, cette somme mirobolante pourrait rapporter entre 650 et 700 millions de francs d’intérêts par an.

Un véritable pactole qui pourrait, par exemple, permettre de financer en partie l’AVS, d’accorder davantage de moyens à la recherche scientifique et à la formation ou encore de réduire les déficits des pouvoirs publics.

La solution des trois tiers

Le gouvernement a finalement opté pour un placement sur 30 ans et pour une répartition équitable des intérêts annuels de cette manne entre trois bénéficiaires.

En clair, pour le Conseil fédéral, un tiers devrait aller à l’Assurance vieillesse et survivants (AVS) dont le financement est mis à mal par le vieillissement de la population. Et un deuxième tiers devrait revenir aux cantons.

Le dernier tiers, lui, devrait permettre de financer le projet de Fondation Suisse solidaire qui s’inscrit dans la tradition humanitaire helvétique. Autrement dit, qui vise à promouvoir des actions de solidarités, en Suisse et à l’étranger, à parts égales.

En Suisse, la fondation pourrait, par exemple, lutter contre l’illettrisme, favoriser le dialogue entre les générations ou encore promouvoir le travail des femmes.

A l’étranger, elle pourrait favoriser l’accès à l’éducation, promouvoir la démocratie ou encore apporter un soutien aux victimes de conflits méconnus du grand public.

L’UDC fait cavalier seul

Le choix du Conseil fédéral est le fruit d’un savant compromis susceptible de satisfaire tout le monde. Ou presque. D’ailleurs, trois des partis gouvernementaux (socialistes, radicaux et démocrates-chrétiens) et la plupart des milieux socio-économiques le soutiennent.

Mais l’Union démocratique du centre (UDC), elle, s’y oppose. Raison pour laquelle elle a lancé une initiative populaire qui propose de verser à l’AVS l’entier du capital issu de la vente de l’or ou tous les intérêts annuels qui en découlent.

L’UDC voit là un moyen de régler les problèmes liés au financement à venir de l’Assurance vieillesse et survivants.

Elle estime en outre que l’or de la BNS appartient au peuple suisse et que le versement à l’AVS constitue le meilleur moyen de lui rétrocéder cet argent.

Les trois autres partis gouvernementaux pensent que cette initiative vise uniquement à couler la Fondation Suisse solidaire. Un projet auquel l’UDC est hostile. D’ailleurs, elle ne le cache pas

La crise des fonds en déshérence

Au contraire. Elle estime que les objectifs de la fondation sont trop nombreux et trop flous. En outre, elle n’admet pas qu’une moitié des fonds soient destinés à des actions en faveur de l’étranger.

Autrement dit, l’UDC n’accepte pas que l’on dépense ainsi la fortune du peuple suisse. Son slogan de campagne est d’ailleurs clair: «rendre au peuple la fortune qui lui appartient».

Enfin, l’Union démocratique du centre rappelle que ce projet de fondation a été lancé au plus fort de la crise des fonds en déshérence, au moment où la Suisse avait le «couteau sous la gorge».

Or, aujourd’hui, la question a été résolue. Les banques suisses ont passé un accord avec les victimes de l’Holocauste. La fondation ne se justifie donc plus. C.Q.F.D.

Le gouvernement se défend. Il affirme que la Fondation Suisse solidaire n’a rien à voir avec l’affaire des fonds juifs. Qu’elle est tournée vers l’avenir et non pas vers le passé. Et qu’il s’agit-là d’un acte de reconnaissance d’un peuple suisse qui a été épargné par les deux conflits mondiaux.

Une question subsidiaire

Cela dit, un tiers des revenus de l’or excédentaire de la BNS ne résoudrait pas – et de loin – les problèmes de financement de l’AVS. La totalité non plus, d’ailleurs.

Motif? Les coûts annuels de l’Assurance vieillesse et survivants s’élèvent à quelque 30 milliards de francs.

Et puis, il n’est pas impossible que les Suisses disent à la fois oui à l’initiative de l’UDC et au contre-projet du gouvernement.

Pour résoudre le dilemme, ils devront donc encore indiquer où va leur préférence au cas où les deux objets seraient acceptés en votation populaire le 22 septembre.

swissinfo/Olivier Pauchard

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