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Liaisons dangereuses entre le blé et la mauvaise herbe

L'égilope (à gauche) et le blé: ressemblance troublante.

Lorsqu'un blé domestique flirte avec une cousine sauvage, la plante qui en résulte garde une partie des gènes de son parent «noble». Si ceux-ci ont été manipulés en laboratoire, l'homme pourrait se retrouver face à une «super mauvaise herbe», envahissante et résistante aux herbicides. Des botanistes neuchâtelois tirent la sonnette d'alarme.

En Suisse, la culture des plantes transgéniques est soumise à un moratoire de fait. Afin d’évaluer les risques, le Fonds national de la recherche commande des études à des équipes de scientifiques. Et c’est dans ce cadre que François Felber et ses collaborateurs de l’université de Neuchâtel sont parvenus aux résultats qui viennent d’être publiés dans la revue «Theoretical and applied genetics».

Les botanistes suisses se sont intéressés au triticum aestivum, une espèce de blé très commune, qui se croise spontanément avec une mauvaise herbe du nom d’égilope cylindrique. Jusque-là rien de neuf: cette tendance du blé domestique à frayer avec une cousine sauvage était déjà bien connue.

C’est aux générations suivantes que les choses se corsent. Les plantes hybrides nées de ce croisement peuvent produire des graines, et si on les croise encore une fois avec l’égilope cylindrique, elles engendrent des plantes qui portent toujours en elles certains gènes du blé.

Mauvaise herbe transgénique

«Si ce croisement spontané se fait à partir de blé génétiquement modifié, avertit François Felber, on risque d’avoir des plantes sauvages également transgéniques, qui pourraient alors perturber l’écosystème».

En clair, si le blé a été modifié pour en améliorer le rendement ou pour le rendre résistant aux herbicides, la plante hybride pourrait hériter de ces qualités. On risquerait alors l’envahissement des champs par une mauvaise herbe prolifique et particulièrement difficile à éliminer.

En Suisse, il est vrai, le risque est minime, puisque l’égilope cylindrique ne se trouve qu’en Valais, qui n’est pas par vocation une terre céréalière. Mais l’avertissement vaut pour d’autres régions, comme l’Europe du Sud ou le Moyen-Orient.

S’y ajoute une tendance naturelle qu’ont déjà certaines mauvaises herbes à résister aux traitement chimiques. Même sans hybridation, l’égilope envahit régulièrement quelque trois millions d’hectares de terre cultivable aux Etats-Unis.

François Felber n’en tire pas pour autant de conclusions définitives sur l’autorisation ou non du blé transgénique en Suisse. «Notre rôle est de collecter des faits. Les décisions qui seront à prendre par la suite reviennent au monde politique», conclut le botaniste neuchâtelois.

Marc-André Miserez

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