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Un coup dur et une chance pour la Suisse

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Le géant bâlois Novartis établira son nouveau centre de recherche biomédicale dans la région de Boston. En Suisse, les réactions sont partagées.

C’est l’un des plus importants centres de recherches du monde que s’apprête à créer Novartis, pour un investissement initial de 250 millions de dollars (environ 395 millions de francs suisses). Le Novartis Institute for Biomedical Research devrait regrouper, à terme, près d’un millier de scientifiques.

Mais ce n’est pas à Bâle que Novartis a décidé d’investir. C’est à Cambridge, dans le Massachusetts. De plus, c’est le responsable du nouveau centre, le professeur Mark Fishman, qui dirigera désormais l’ensemble des activités de recherche du groupe, depuis la côte est des Etats-Unis.

Coup dur pour la région bâloise et la Suisse? Novartis se veut rassurant: le centre de recherche de Bâle, avec ses quelque 1500 collaborateurs, reste et restera le plus important. «Nous y avons engagé environ 300 personnes ces 15 derniers mois», précise Felix Raeber, porte-parole du géant pharmaceutique.

Une perte d’attractivité de la recherche

Mais certains tirent déjà la sonnette d’alarme. «C’est une catastrophe pour la recherche en Suisse», réagit ainsi Catherine Nissen-Druey, professeure de médecine à Bâle et vice-présidente du Conseil suisse de la science et de la technologie.

Elle déplore la perte d’attractivité de la recherche en Suisse: «les ressources n’ont pas augmenté depuis dix ans et la recherche n’intéresse donc plus les jeunes Suisses. Ils partent aux Etats-Unis parce qu’ils y trouvent des conditions bien meilleures et d’excellentes structures de carrière».

«C’est une catastrophe pour Bâle également, poursuit le Docteur Nissen-Druey. La qualité des grands instituts baisse ou ils sont carrément fermés, comme ce fut le cas l’année dernière de l’institut de recherche de Roche, l’Institute of Immunology.»

Un besoin de talents

Ton nettement moins pessimiste du côté du gouvernement bâlois. «C’est dommage pour la Suisse et pour notre canton, commente Ralph Lewin, qui dirige le Département des affaires économiques et sociales de Bâle-Ville. On aurait évidemment préféré que cette direction reste là.»

«Mais d’autre part, on peut comprendre la décision de Novartis, ajoute le conseiller d’Etat. Parce que les Etats-Unis, c’est quand même le marché le plus important et ils doivent avoir une recherche forte aussi là-bas.»

Si Novartis jette son dévolu sur les Etats-Unis, c’est aussi une question de main d’œuvre. «Pour de nouvelles recherches, nous avons besoin de talents, explique Felix Raeber. Et ce n’est pas si facile de trouver des talents. Les Etats-Unis, spécialement la côte est et la région de Boston, est un excellent endroit.»

Un fontaine de jouvence

Ce que confirme Xavier Comtesse, ancien consul de Suisse à Boston. «Il y a six grandes universités à Boston, 128 en tout dans le Massachusetts. Chaque été, fin août, il y a 350 000 étudiants qui débarquent dans cette région. C’est à peu près la taille du canton de Genève. Il n’y a pas de concentration pareille au monde.»

«C’est donc assez logique pour ceux qui sont dans le business de la connaissance, poursuit l’actuel directeur romand d’Avenir Suisse, le centre de réflexion créé par les grandes multinationales suisses, d’aller à un endroit où il y a un flux permanent, une fontaine de jouvence de gens brillants qui se forment.»

Pas de panique, donc. C’est aussi le message, à Berne, du Département fédéral de l’économie. «La multinationale s’est investie massivement en Suisse et nous ne voyons pas d’indices indiquant un changement dans cette stratégie», déclare son porte-parole, Robin Tickle.

La chance: plus d’échanges

Il y voit même une sorte d’opportunité: «la décision de Novartis conduira à une intensification des relations entre la Suisse et les USA et à des transferts plus importants de know-how entre les deux pays». C’est également l’avis de Xavier Comtesse, qui met en avant les particularités du domaine de la connaissance.

«Si je rencontre quelqu’un et qu’on échange des savoirs, à la fin chacun à un savoir supérieur, personne ne perd.» Mais pour en profiter, il faut s’assurer que les transferts s’effectuent bel et bien. C’est le rôle notamment de la Swiss House («le premier consulat digital du monde»), dont Xavier Comtesse fut le promoteur.

Son but: offrir à la communauté scientifique un lien entre la région de Boston et la Suisse. «C’est dans ce transfert permanent des cerveaux que la richesse se fait aujourd’hui, remarque l’ancien consul. Si l’on ne fait rien, la décision de Novartis est très grave. Mais si l’on renforce la circulation des gens, c’est une situation où tout le monde gagne.»

Autre priorité, pour que la Suisse reste compétitive: plus de soutien financier pour la science et la technologie. «Contrairement aux Etats-Unis, la Suisse n’a pas renforcé suffisamment les moyens dans la recherche et les universités, fait remarquer Ralph Lewin. On devrait investir plus dans ce domaine et peut-être moins dans le béton.»

swissinfo/Pierre Gobet à Zurich

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