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Nous pouvons encore résoudre la crise climatique, voici comment

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Kai Reusser / SWI swissinfo.ch

Émissions de gaz à effet de serre et températures continuent à augmenter dans le monde. Il existe pourtant des solutions à même d'atténuer le réchauffement climatique, affirment les chercheurs et chercheuses de Suisse qui ont participé à l'enquête de Swissinfo sur l'état du climat.

Dix ans après leur adhésion à un plan ambitieux de réduction des émissions et de limitation de la hausse des températures, les pays signataires de l’Accord de Paris sont encore loin de leurs objectifs.

C’est ce que montre le dernier rapportLien externe du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), tout juste publié. Le document analyse les politiques climatiques en cours. Il constate que si l’ensemble des engagements collectifs mondiaux de réduction des émissions étaient pleinement concrétisés, le réchauffement climatique serait compris entre 2,3 et 2,5 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels.

Quatre-vingts chercheuses et chercheurs sur le climat actifs en Suisse ont participé à l’enquête de Swissinfo en lien avec les dix ans de l’Accord de Paris. Beaucoup envisagent un réchauffement du même ordre d’ici 2100. Ils rappellent aussi que des solutions et des outils existent pour faire face à la crise climatique et accélérer la transition vers une société à émissions faibles ou nulles.

>> La majorité des scientifiques suisses estiment que la crise climatique progresse plus rapidement qu’on ne le prévoyait il y a dix ans:

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Foi dans dans la technologie et les tribunaux

En dépit de l’évolution alarmante des émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre, l’essentiel des scientifiques ayant participé à l’enquête se montrent optimistes face aux progrès technologiques, aux incitations économiques à la décarbonation et aux mouvements citoyens pour le climat.

«Nous avons aujourd’hui la possibilité pleine et entière de renoncer aux énergies fossiles, aussi bien pour chauffer les bâtiments que pour nous déplacer», signale Martine Rebetez, professeure de climatologie appliquée à l’Université de Neuchâtel et à l’Institut fédéral de recherche sur la forêt, la neige et le paysage (WSL).

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Les décisions de tribunaux nationaux et internationaux sont elles aussi en mesure de favoriser la transition vers l’abandon des énergies fossiles à l’échelle globale, jugent les climatologues. Individus et organisations sont toujours plus nombreux à se tourner vers la justice pour dénoncer l’insuffisance des politiques climatiques gouvernementales ou la responsabilité des entreprises actives dans les combustibles fossiles.

En juillet de cette année, la Cour internationale de justice – principal organe judiciaire des Nations unies – a déclaré dans un avis consultatif que les États avaient l’obligation légale d’agir contre le changement climatique. Un an plus tôt, la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg avait condamné la Suisse, considérant ses politiques climatiques insuffisantes.

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Le rôle des comportements individuels et de la nature

Quand on leur demande où se situe le plus fort potentiel pour atteindre les objectifs climatiques, la plupart des climatologues de Suisse citent le changement de comportement à large échelle. Mais en soulignant qu’il doit s’accompagner de transformations systémiques au niveau politique et industriel.

Des politiques, infrastructures et technologies encourageant les styles de vie et comportements plus respectueux du climat – manger moins de viande ou limiter le recours aux moyens de transport dépendant des combustibles fossiles par exemple – pourraient diminuer les émissions de 40 à 70% d’ici 2050Lien externe, selon le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).

Les solutions qui se fondent sur la nature, comme la protection et la restauration des écosystèmes, et dans une mesure moindre le captage et stockage du carbone (CSC), peuvent également contribuer à combattre la crise climatique. Mais avant de recourir aux technologies CSC, «nous devons abandonner les combustibles fossiles et renforcer massivement les énergies renouvelables», estime Yann Yasser Haddad, lequel étudie les impacts climatiques sur les systèmes énergétiques à l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ).

En septembre 2025, Swissinfo a envoyé un questionnaire à des scientifiques travaillant sur le changement climatique en Suisse. Celui-ci comprenait 22 questions portant sur l’état de la recherche climatique, les politiques en la matière et le réchauffement planétaire, dix ans après l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat.

L’enquête a été adressée à 108 climatologues exerçant dans les institutions suivantes: École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), Université de Neuchâtel, Université de Zurich, Université de Berne, Université de Bâle, Université de Genève, Université de Fribourg, Université de Lausanne, Institut Paul Scherrer, Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL), Laboratoires fédéraux suisses pour la science et la technologie des matériaux (Empa) et MétéoSuisse.

80 spécialistes ont répondu à l’enquête. L’intégralité des résultats est à découvrir ici.

Accélérer la transition vers les renouvelables

Beaucoup de participantes et participants à cette enquête soulignent l’importance de développer les sources d’énergie renouvelables. «Les énergies solaire et éolienne sont devenues beaucoup plus économiques et accessibles ces dix dernières années. C’est le développement le plus prometteur, sachant que nous devons accélérer la transition vers le renouvelable», note Andrea Farnham, qui conduit des recherches sur le climat dans le Sud global à l’Université de Zurich.

Martine Rebetez soutient que les questions techniques ou financières ne sont pas seules à freiner l’expansion des énergies renouvelables. Et de pointer «le lobby du pétrole». Une enquête du GuardianLien externe publiée en 2024 a révélé que l’industrie pétrolière en Europe et aux États-Unis a fait obstacle aux soutiens gouvernementaux dédiés aux technologies propres durant plus d’un demi-siècle.

Seule une minorité de celles et ceux qui étudient le climat voient l’énergie nucléaire comme une option. Si elle évite les émissions de CO2, elle comporte des risques environnementaux et sécuritaires. Moins nombreux encore sont celles et ceux à voir une solution dans la géo-ingénierie climatique, cette stratégie controversée qui consiste à modifier intentionnellement le climat pour réduire la température de la planète.

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Les solutions pour réduire les émissions en Suisse

A l’Université de Berne, Jens Terhaar considère dans le cadre de l’enquête que l’unique façon de résoudre la crise climatique, c’est une contraction drastique de nos rejets.

«Si nous ne réduisons pas les émissions de 90%, aucune technologie ne pourra nous aider», assure ledit Jens Terhaar, chercheur et auteur d’études sur l’absorption du CO2 par les océans.

Pour l’essentiel des personnes questionnées, les restrictions imposées sur les combustibles fossiles – interdictions totales comprises – et les taxes sur le CO2 sont les instruments politiques les plus efficaces pour diminuer les émissions en Suisse.

«Les engagements mondiaux pour réduire les émissions ne sont pas assez ambitieux ou pas respectés. Les taxes sur le carbone peuvent être implémentées avec une relative facilité et pousser individus et entreprises à atteindre les objectifs climatiques», estime Andrea Farnham.

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Image prétexte montrant la lutte contre le réchauffement climatique

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Solutions climatiques

La dimension émotionnelle de la science du climat

Ce contenu a été publié sur Le changement climatique n’a pas seulement des effets visibles sur les écosystèmes et les activités humaines. Il a aussi un impact émotionnel et psychologique sur les personnes qui l’étudient.

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Historiquement, la Suisse est un des premiers pays à introduire une taxe sur le CO₂ en 2008. Elle s’applique aux combustibles fossiles (huiles de chauffage et gaz naturel) et a contribué à freiner sensiblement les émissions des bâtiments, réduites de 44% entre 1990 et 2022.

Malgré cette baisse, le secteur de l’habitat reste, avec l’industrie et les transports, l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre en Suisse. Les personnes ayant pris part à notre enquête font des subventions étatiques pour la rénovation énergétique des bâtiments un instrument politique important dans la limitation de l’impact climatique du pays. C’est le cas aussi des investissements dans les transports publics et les réglementations financières favorisant les investissements durables sous l’angle environnemental.

Martine Rebetez souhaite aussi plus d’incitations et moins d’entraves à la mobilité électrique. «Le système actuel freine insidieusement le passage des véhicules thermiques aux véhicules électriques», observe-t-elle. Depuis début 2024, l’impôt sur les autos et utilitaires importés en Suisse s’applique aussi aux modèles électriques.

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Selon certains experts du climat, il existe d’autres moyens de réduire notre empreinte climatique. Cela sans attendre les décisions politiques et autres progrès technologiques.

Professeur d’hydrologie à l’Université de Neuchâtel, Philippe Renard soutient que la façon la plus efficace de réduire les émissions, c’est de vivre plus sobrement et consommer globalement moins d’énergie. «Nous devons apprendre à profiter d’une vie plus simple.»

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Discussion
Modéré par: Luigi Jorio

Quel rôle la Suisse doit-elle jouer dans la crise climatique?

Pour certains, elle est trop petite pour agir et faire la différence. Pour d’autres, il est trop riche pour ne rien faire. Qu’attendez-vous de la Suisse? Donnez votre avis!

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Texte relu et vérifié par Gabe Bullard/Vdv

Traduit de l’italien par Pierre-François Besson/ptur

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