
Un chef-d’œuvre de Courbet exposé en France après 17 ans d’absence

Le musée d'Orsay à Paris expose à partir de mardi "Le Désespéré". Ce célèbre autoportrait du peintre français Gustave Courbet n'avait pas été montré en France depuis près de vingt ans.
(Keystone-ATS) Représentant un Courbet au regard halluciné, ce chef-d’oeuvre de 1844-1845 est prêté à Orsay pour au moins cinq ans par Qatar Museums, l’organisme de développement des musées de l’émirat. Ce dernier en a fait l’acquisition auprès d’un propriétaire privé à une date et pour un montant inconnus.
Mondialement connue mais très rarement exposée, cette huile sur toile de petit format (45×54 cm) n’avait pas été montrée au public français depuis 2007-2008 et la rétrospective consacrée à ce maître du réalisme (1819-1877) à Paris, New York puis Montpellier.
Peint par Courbet à l’âge de 25 ans
Avant cette grande exposition internationale, ce tableau, peint par Courbet (1819-1857) alors qu’il n’avait que 25 ans, n’avait pas été exposé depuis la fin des années 1970, précise à l’AFP le musée d’Orsay, qui compte dans ses collections une trentaine de toiles du peintre, dont «Un Enterrement à Ornans».
«‘Le Désespéré’ est unique dans la production d’autoportraits de Courbet parce que c’est le plus halluciné, c’est le plus fort en termes d’expression des émotions et des sentiments», a expliqué à l’AFP Paul Perrin, conservateur en chef d’Orsay.
Alors jeune peintre venu de l’est de la France chercher le succès à Paris, Courbet s’y représente les traits défigurés par l’effroi, la peur ou la folie, se tenant la tête, les bras et le visage pris dans un clair-obscur bluffant. «C’est vraiment une démonstration de maîtrise picturale», commente M. Perrin.
Comme d’autres toiles de Courbet, «Le Désespéré», également appelé «Autoportrait de l’artiste» ou «Désespoir», n’a jamais fait partie des collections publiques françaises et a très longtemps été entre les mains de propriétaires privés.
Le père de la psychanalyse française, Jacques Lacan, a ainsi possédé «L’Origine du monde», autre chef-d’oeuvre de Courbet, qui a rejoint les collections du musée d’Orsay en 1995.
Courbet exilé en Suisse
L’éparpillement de l’oeuvre de l’artiste tient beaucoup à ses péripéties judiciaires et politiques.
Condamné en France pour sa participation au soulèvement de la Commune de Paris de 1871, Courbet s’était exilé en Suisse pour échapper à la prison et avait dû vendre ses toiles pour payer la lourde pénalité infligée par la justice.
Au moment de la grande rétrospective de 2007-2008, «Le Désespéré» était la propriété de particuliers et la banque française BNP Paribas en avait facilité le prêt, a précisé une source proche du dossier à l’AFP.
Les Qataris en ont fait ensuite l’acquisition dans l’optique de l’exposer dans leur futur musée d’art contemporain et moderne, le Art Mill Museum de Doha, dont la construction doit être achevée à l’horizon 2030.