Mani pulite n’est plus qu’un souvenir

Dix ans après, que reste-t-il de l'enquête anticorruption italienne Mani pulite? Une opération dans laquelle la Suisse a été étroitement impliquée.
«La Suisse a été fortement sollicitée par la justice italienne, confirme Folco Galli, porte-parole de l’Office fédéral de justice (OFJ). Au total, nous avons reçu environ 4000 demandes de commissions rogatoires.»
Ces commissions rogatoires concernaient surtout les Ministères publics de Lugano et de Genève. Et, dans une moindre mesure, ceux de Zurich et de Lausanne.
Plus de 100 millions de francs
«Ma collaboration avec les Suisses a été intense et fructueuse, confirme Antonio Di Pietro, l’ancien procureur, devenu aujourd’hui sénateur.
En quelques années, la Suisse a restitué à l’Italie plus de 100 millions de francs saisis dans ses banques. Où des politiciens et de gros industriels italiens avaient transféré leurs fonds occultes.
La plus connue des personnalités de cette Tangentopoli (la cité des pots-de-vin) n’est autre que Silvio Berlusconi en personne. Aujourd’hui, l’actuel chef du gouvernement italien est d’ailleurs impliqué dans plusieurs procédures pénales concernant la gestion frauduleuse de sa société Fininvest.
Un autre politicien a beaucoup occupé la justice suisse dans les années 90. Il s’agit de Bettino Craxi, l’ex-Premier ministre italien et ex-président du Parti socialiste.
Un coffre privé à Genève
Protecteur de Silvio Berlusconi dont il a été le témoin de mariage, Bettino Craxi a été inculpé dans le procès Enimont – l’alliance avortée entre les sociétés Eni (hydrocarbures) et Montedison.
Avant sa condamnation et son exil en Tunisie, Bettino Craxi disposait de plusieurs comptes bancaires à Chiasso, Lugano et Genève contenant quelque 30 milliards de lires (25 millions de francs environ). Cet argent – entre temps transféré aux Bahamas – devait servir au financement de son parti.
Mort à Hamamet en janvier 2000, Bettino Craxi avait aussi un coffre privé à Genève. Qui contenait quinze kilos d’or et de l’argent liquide. Saisis par la justice genevoise, ces fonds (2,1 millions de francs après la vente de l’or) ont été rendus à l’Italie en 1999.
Selon le procureur Bernard Bertossa, le parquet de Genève a rendu au total 15,7 millions de francs aux autorités italiennes. Et plusieurs autres millions doivent encore être restitués.
Les filons sont épuisés
Pour autant, selon le magistrat genevois Bertossa, il n’y aurait plus de commissions rogatoires en cours dans le cadre de l’affaire Mani pulite. Après le départ du juge anti-corruption Antonio Di Pietro, les demandes italiennes se sont beaucoup espacées.
Pour Piero Colaprico, le départ du petit juge anticorruption Antonio Di Pietro a mis effectivement un terme à Mani pulite. «Tous les filons de l’enquête sont épuisés», explique le journaliste et politologue italien.
Aujourd’hui, le journaliste tire un maigre bilan de toutes ces années. «Au début, dit-il, les Italiens ont pu avoir l’impression qu’un vent de légalité et d’honnêteté soufflait enfin sur leur pays. Mais, dix ans plus tard, ce n’est plus qu’un souvenir.»
Gemma d’Urso, Lugano

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