Une prime de départ n’est pas un salaire

Le Tribunal fédéral des assurances (TFA) admet une pratique qu'il juge pourtant illégale. En cas de licenciement, la prime de départ n'est pas un salaire. C'est une indemnité qui ne doit donc pas être déduite des montants versés par l'assurance-chômage.
«Gleichbehandlung in Unrecht». Littéralement «l’égalité dans l’illégalité». C’est sur la base de ce principe que le TFA vient de donner raison à un ancien employé d’une entreprise bâloise, licencié en 1997.
Cet employé touchera donc rétroactivement l’intégralité de son chômage, en plus de la prime de départ de 26 000 francs qu’il avait reçue à l’époque.
Actuellement, la Loi sur l’assurance-chômage ne dit rien sur la manière dont il faut considérer l’indemnité de départ. Une pratique devenue courante avec les vagues de suppressions d’emplois de ces dernières années.
Jusqu’en 1998, les caisses de chômage appréciaient les situations au cas par cas. Elles jugeaient l’indemnité soit comme une prime soit comme un salaire. La nuance est loin d’être innocente.
Dans le premier cas, le travailleur licencié touche intégralement son chômage dès le premier jour. Et, dans le second, le montant versé par l’employeur est déduit des indemnités de l’assurance-chômage.
Le 18 mars 1998, se basant sur la jurisprudence du TFA, l’Office fédéral du développement économique et de l’emploi (OFDE) édicte une directive qui assimile la prime de départ à un salaire. Ceci afin d’unifier les pratiques.
Aussitôt, c’est la levée de boucliers. Les partenaires sociaux craignent que cette directive ne décourage les entreprises de proposer des plans sociaux en cas de licenciements massifs.
A la fin avril de la même année, le conseiller national et syndicaliste Jean-Claude Rennwald interpelle le Conseil fédéral, arguant du fait que la prime de départ doit être considérée plutôt comme une indemnité pour tort moral que comme un salaire.
La réaction est rapide. Le 15 mai 1998, l’OFDE retire sa directive. Et il la remplace par un texte précisant que «les primes de départ ne déterminent ni la date à laquelle le droit à l’indemnité de chômage commence à s’exercer, ni le montant de celle-ci». Et d’ajouter que ces indemnités sont «sans influence sur le droit aux prestations de l’assurance-chômage».
On ne saurait être plus clair. D’ailleurs, selon Martin Steiner, juriste au seco (anciennement OFDE), le cas que les juges de Lucerne viennent de trancher est à l’évidence un cas isolé. Même si le TFA juge la pratique illégale, il ne saurait admettre qu’un seul employé licencié soit pénalisé. D’autant que tous les autres ont le droit de disposer à leur guise de leurs indemnités de départ.
Le problème de la base légale n’est pas réglé pour autant. Il faudra attendre la prochaine révision de la Loi sur l’assurance-chômage – prévue pour 2003 – pour combler le vide juridique existant. Ce sera également l’occasion de s’interroger sur le bien-fondé d’une règle de fait qui contient tout de même une part d’injustice.
Martin Steiner ne le nie pas: lorsqu’une entreprise licencie certains de ses cadres avec des primes de départ à six chiffres, ceux-ci n’ont peut être pas impérativement besoin d’un chômage complet dès le premier jour.
Marc-André Miserez

En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.