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L’initiative sur les logements n’a pas convaincu

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Pour réguler les prix des loyers, une majorité de Suisses font davantage confiance au marché qu'aux quotas. Keystone / Walter Bieri

L’idée d’introduire un quota de logements non spéculatifs dans la Constitution suisse est balayée. Près de 60% des citoyens ont refusé la proposition des défenseurs des locataires.

«Le peuple a reconnu que le système de marché actuel fonctionne», a déclaré au nom du Conseil fédéral le ministre de l’Économie Guy Parmelin, lors de la traditionnelle conférence de presse d’après votation. Il n’en a pas moins admis qu’il y a des problèmes dans certaines villes et rappelé les 250 millions alloués au fond qui octroie des prêts pour la construction de logements gérés par des coopératives à but non lucratif.

Guy Parmelin a également promis une analyse de la situation, afin de pouvoir intervenir dans les zones où les gens ont de la peine à trouver un logement. Il va charger l’Office fédéral du logement de passer les résultats à la loupe avant de proposer des interventions. Il s’agira de trouver des solutions ciblées avec les cantons et les communes, a dit le ministre.

Pas une surprise

Seuls cinq cantons, dont quatre romands (Genève, Vaud, Neuchâtel, Jura et Bâle-Ville), ont finalement dit oui à l’initiative Davantage de logements abordablesLien externe. Au niveau national, la proposition des défenseurs des locataires, soutenus par la gauche, se voit refusée par une majorité de 57,1% des votants. La participation s’est élevée à 41,7%.

Assez logiquement, les citoyens des grandes villes, où il est généralement plus difficile de trouver un logement bon marché, ont soutenu le texte. Cela vaut pour Lausanne et Genève, mais aussi pour Fribourg, Berne, Lucerne, St-Gall ou encore Zurich, qui compte pourtant déjà une forte part de logements coopératifs.

Le verdict n’est pas une surprise: les sondages prédisaient un refus probable. Partie à 66% d’avis favorables en décembre, la proposition n’en était déjà plus qu’à 51% à fin janvier, et on sait que le soutien aux initiatives s’érode au fur et à mesure que la campagne avance.


Contenu externe

L’initiative exigeait 10% de logements d’utilité publique dans le parc immobilier suisse. Pour y parvenir, cantons et communes auraient pu faire valoir un droit de préemption pour acquérir en particulier des immeubles de la Confédération ou de ses anciennes régies comme les CFF ou La Poste.

Ce «non» ouvre la voie à l’entrée en vigueur d’un contre-projet indirect misant sur les instruments actuels, et déjà adopté par le Parlement. Les autorités vont renflouer de 250 millions de francs en dix ans le fonds de roulement qui octroie des prêts en faveur de la construction de logements d’utilité publique.

Score «excellent» malgré tout

Pour Carlo Sommaruga, conseiller national socialiste et également président de l’Association suisse des locataires (Asloca), à l’origine de l’initiative, son score reste «excellent» malgré le refus. «On voit qu’en Suisse alémanique, les résultats sont moins bons. Cela s’explique par le fait qu’on a beaucoup polémiqué sur le coût futur de l’initiative, avec des informations fausses», a-t-il regretté sur les ondes de la RTS.

«Nous estimons maintenant que le Parlement doit doubler la mise au fonds de roulement et appuyer les démarches qui ont lieu dans les cantons et les communes qui aujourd’hui soutiennent majoritairement l’initiative», a plaidé le Genevois.

La conseillère municipale Natacha Litzistorf (Verts) en charge du logement à Lausanne, est également d’avis que la rallonge de 250 millions est insuffisante pour les besoins des villes. Mais il faudra aussi poursuivre avec d’autres solutions locales et cantonales, via des instruments comme le droit de préemption.

L’élue lausannoise verte regrette par ailleurs la campagne déraisonnable menée par les adversaires de l’initiative, qui selon elle ont «surfé sur les peurs des citoyens».

Tout miser sur le fond de roulement

Dans l’autre camp, la satisfaction est de mise. «La question du logement ne peut pas être résolue au moyen de quotas», s’est réjoui Olivier Feller, conseiller national PLR (droite) et secrétaire général de la Fédération immobilière romande.

Pour le Vaudois, il faut des solutions locales et régionales. Questionné sur une éventuelle augmentation du fonds de roulement, il préfère s’en tenir pour le moment aux 250 millions qui seront immédiatement débloqués pour les logements d’utilité publique.

Le démocrate-chrétien valaisan Sydney Kamerzin, invité sur le plateau de la RTS, s’est lui déclaré ouvert à une augmentation ultérieure. Son parti, opposé à l’initiative, avait déjà clairement soutenu le relèvement du fonds, qui permettra de financer 1600 à 1900 logements d’utilité publique par an.

Jean-François Rime, président sortant de l’Union suisse des arts et métiers, la faîtière des PME, a aussi salué l’issue de la votation. «Le marché du logement doit rester en mains privées. Le problème des logements abordables concerne surtout des grandes villes qui ont du reste toutes accepté le texte de l’Asloca. Il n’était pas nécessaire pour cela de faire une loi pour toute la Suisse», selon l’ancien conseiller national UDC.

Pour la Société Suisse des Entrepreneurs, l’initiative a donné de faux espoirs notamment pour des baisses de loyers. Selon elle, il faut cesser avec les surrèglementations inutiles et densifier les zones urbanisées afin d’utiliser efficacement les moyens mis à disposition par le Parlement.

Aux cantons d’agir

L’Union des villes suisses (UVS), qui avait prôné la liberté de vote, voit dans le résultat la confirmation de son pronostic: campagne, agglomérations et villes ont des intérêts très divergents. Dans bien des villes, la part des coopératives d’habitation dépasse souvent les 10% que demandait l’initiative. Le texte ne leur aurait servi à rien, a estimé Kurt Fluri, conseiller national PLR et président de l’UVS.

Le Soleurois souhaite que cantons et communes prennent désormais l’initiative et fixent des quotas ou des droits de préemption pour les coopératives de logement en fonction de leurs besoins spécifiques.

 

Ces vingt dernières années, la Suisse n’avait jamais compté autant de logements vacants que l’an dernier. Au 1er juin, on recensait 75’323 biens inoccupés, soit 1,66% du parc immobilier du pays. Les loyers n’ont pas pour autant plongé, même si la situation varie beaucoup selon les régions.

A l’échelle suisse, les loyers ont augmenté de 12,1 points de pourcentage en dix ans, selon l’indice compilé par Homegate et la Banque cantonale de Zurich. La situation semble néanmoins se calmer avec des prix restés globalement quasi identiques depuis janvier 2016, année de dépôt de l’initiative pour davantage de logements abordables.

Cette stabilité ne concerne toutefois pas les grandes villes du pays. A Zurich, qui fait la course en tête, les loyers sont devenus 6,6 points plus chers en quatre ans. Bâle suit avec une facture en hausse de 2,6 points devant Berne où l’indice croît de 1,6 point.

Dans l’arc lémanique, l’évolution est en dents de scie, mais les loyers proposés sont presque toujours restés inférieurs à l’indice suisse. A Genève, les tarifs étaient au plus bas en avril 2017, mais l’indice de la ville dépassait en décembre 2019 de nouveau le niveau de 2016 et les loyers suisses. A Lausanne en revanche, les loyers proposés sont inférieurs de 1,5 point à ceux d’il y a quatre ans. Le décrochage est plus spectaculaire au Tessin avec près de 8 points de moins pour l’indice de Lugano.

Les variations cantonales sont tout aussi importantes. Si les loyers ont fait le yoyo partout, l’indice du Valais reste toujours le plus faible et termine en baisse de plus de trois points par rapport à 2016. Ceux des autres cantons romands croisent plusieurs fois la courbe de l’indice suisse et finissent au-dessus pour les cantons de l’arc lémanique et Neuchâtel, en deça pour Fribourg et le Jura.

Dans une étude parue l’automne dernier, le spécialiste de l’immobilier Wüest Partner parie sur une baisse des loyers de 0,9% en 2020. Selon lui, le taux de vacances devrait en effet progresser et le taux hypothécaire de référence pourrait être abaissé à 1,25%. Que ces prévisions se confirment ou non, les différences régionales devraient rester très marquées.

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