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44e Montreux Jazz Festival, l’aventure continue

Les très attendus 'Dead Weathers', à Montreux le 3 juillet. SP

Phil Collins en ouverture, Katie Melua en conclusion… Entre deux, Roxy Music, Billy Idol, Keith Jarrett, Vanessa Paradis, Simply Red, Quincy Jones et… la Francophonie, pour ne citer que quelques noms de la vertigineuse liste dévoilée mardi. Plongée dans la «cuisine» de la programmation.

Montreux 2010… Le grand retour de Phil Collins (1.7) qui, en première mondiale, viendra dévoiler le contenu de son nouvel album (de chanteur – ses mains ne lui permettent plus de tenir ses baguettes de batteur), consacré aux grands tubes de la Motown et du rythm & blues historique.

Mais aussi Herbie Hancock interprétant les chansons de John Lennon. Et le même soir (16.7), Quincy Jones avec un dénommé «Global Gumbo All-Stars» constitué principalement de musiciens rencontrés à Montreux, puisque le producteur américain est un habitué des lieux.

Autre plateau typique de ces «événements» montreusiens: une soirée «La Francophonie fête l’Afrique», qui verra Angélique Kidjo et une pléiade d’artistes rendre hommage à Miriam Makeba, et Youssou N’Dour lui succéder (9.7).

Pour le reste, un catalogue de noms impressionnant, jouant comme chaque année d’horizons musicaux pour le moins variés, du jazz (Brad Mehldau, Pat Metheny, Keith Jarrett) au rock (Billy Idol, Gary Moore) en passant par la pop frenchy (Air, Vanessa Paradis, Emilie Simon, Charlotte Gainsbourg), les Suisses qui montent (Sophie Hunger, Solange la Frange), le folk jazzy (Norah Jones, Katie Melua), le blues (Buddy Guy, Joe Bonamassa), le folk bluesy (Mark Knopfler), le classico-gospel (Jessye Norman), le flamenco (Paco de Lucia), le hip-hop, le reggae, l’électro…

Surtout… pas de cassure

Soleil radieux sur Caux, les hauts de Montreux, mardi. Vue imprenable sur le Léman et les Alpes françaises. Cette fois-ci, les organisateurs ont misé sur l’intimisme pour annoncer le programme. C’est chez Claude Nobs himself que les choses se passent.

Claude Nobs qui, relevant de problèmes de santé, dit-il pudiquement, commence par s’adresser aux journalistes présents en évoquant son équipe et sa volonté de déléguer de plus en plus, tout en conservant la direction de certains projets spéciaux.

Une façon de prendre congé du festival? Non, assurera-t-il un peu plus tard à swissinfo, en précisant sa pensée. «Le festival a pris de plus en plus d’importance, les ‘Montreux Jazz Café’ se développent… et j’ai moins envie de me mettre dans le vrai business, les contrats, l’argent, les budgets. Ma récompense, après 44 ans, est de pouvoir passer du bon temps ici, du bon temps avec les musiciens, et de ne pas être pris dans des séances trop astreignantes».

Un passage de relais que le public constatera surtout à travers le fait que Claude Nobs ne bondira plus sur scène, chaque soir, vêtu de chemises improbables, pour annoncer les stars de l’Auditorium Stravinsky: «C’est trop contraignant. C’est désormais le musicien Alex Bugnon, un enfant de Caux qui vit à New York, qui s’en occupera», dit-il.

Garder la «ligne» qu’il a défendue depuis toujours tout en déléguant davantage, c’est pour lui la bonne solution: « Cela évite de faire un changement brusque et global», souligne-t-il.

Quoi qu’il en soit, cette année, la soirée-événement avec Phil Collins, c’est son bébé. «Parvenir à le convaincre, passer tout de même par le manager pour ménager les susceptibilités, c’était mon boulot. Il faut dire qu’on se connaît depuis la nuit des temps: le premier concert de Phil Collins à Montreux, c’était au début de son groupe Brand X, au Casino, autour de la piscine!»

La chasse est ouverte

On l’a dit, on le répète, le show-biz connaît depuis quelques années une inflation redoutable. Et l’année écoulée n’a pas contredit cette nouvelle donne. «C’était une vraie bataille», constate Lori Immi, programmatrice du festival aux côtés de Claude Nobs. «En 14 ans de ce job, je n’ai jamais connu une année pareille. Avec la multiplication des festivals, la concurrence devient féroce: on en arrive à une situation où l’argent régit tout. Et l’inflation des cachets amène, même si on ne le veut pas, à une situation de surenchère».

Une évolution qui concerne toutes les strates d’artistes? «Oui, des plus petits aux plus grands. En dix ans, les cachets ont au moins doublé, sans que la notoriété de l’artiste ne double, elle. Et à l’arrivée, c’est le public qui trinque», répond Lori Immi.

Face à cet état de fait, la politique de prix des billets, à Montreux, est devenue claire: des places assises extrêmement chères (mais ce sont les premières qui partent!), voguant entre 220 et 280 francs (jusqu’à 380.- pour Phil Collins!), et des places debout dont le prix n’a guère bougé, entre 65 et 95 francs. Sans oublier la vaste offre de concerts gratuits dans la périphérie de la Salle des Congrès.

Le showbiz est devenu fou, mais, grâce à Internet et à l’effondrement des maisons de disque, connaît néanmoins un vrai renouveau. Comment s’y retrouve-t-on dans le foisonnement actuel? «C’est très excitant! Je ne pourrais pas revenir en arrière! Le travail du programmateur, ce n’est pas que d’écouter ce que les ‘majors’ du disque veulent bien nous montrer, mais aussi de chercher, de regarder tout ce qui se passe. Cela demande beaucoup d’énergie, mais on arrive ensuite à construire des ponts, et cela amène vraiment à une vision globale de la musique». Et quand Lori Immi dit cela, ses yeux brillent.

Parier sur la confiance

Cette année 2010 marque un pas de plus dans l’institutionnalisation du festival. La Francophonie y sera présente, on l’a dit, mais le MJF sera également présent lors du Sommet de Montreux à travers un concert (le 22.10) et un Montreux Jazz Café mis sur pied pour l’occasion. Comme un Montreux Jazz Café est également présent au pavillon suisse de l’exposition universelle de Shanghai, à la demande des autorités helvétiques.

Qu’aurait dit le jeune ‘Funky Claude’, il y a 40 ans, s’il avait entrevu cette dimension «officielle» du MJF? «Je n’aurais jamais pensé arriver, pour Montreux, à une notoriété aussi forte», répond Claude Nobs. Avant de donner une sorte de petite leçon de vie dont moult chefs d’entreprise pourraient peut-être tirer quelque enseignement…

«Quand j’ai lancé le festival, je travaillais à l’Office du tourisme sous les ordres de Raymond Jaussi, qui en avait accepté l’idée. Même si le fait d’employer le jazz pour faire la promotion de Montreux n’était pas évidente», se souvient Claude Nobs.

«Je l’ai revu, récemment. Il a plus de 90 ans et a gardé une vitalité incroyable. Je lui ai demandé pourquoi il avait accepté de m’engager et de me laisser faire ce que je voulais! Il avait une philosophie très militaire, très organisée, et moi j’arrivais avec des trucs complètement fous, l’idée de faire venir les Rolling Stones, Pink Floyd, ce qui n’avait vraiment rien à voir avec la politique touristique de Montreux… Il m’a répondu ceci: ‘Pour moi, le secret, c’est qu’il faut laisser faire les gens avec qui on travaille, les laisser être créatifs, développer leur grain de folie», raconte Claude Nobs.

Avant de tirer un parallèle avec sa propre démarche: «J’essaie de faire la même chose avec mon équipe, par exemple quand Lori Immi me donne sa programmation, avec des noms que je ne connais pas. J’essaie d’appliquer cette même philosophie de liberté à l’équipe»… Pour que l’aventure continue.

Bernard Léchot, Montreux, swissinfo.ch

Plus de deux semaines. Le 44ème Montreux Jazz Festival se tiendra du 1er au 17 juillet.

Partout. Outre les concerts donnés dans les deux salles principales du festival (Auditorium Stravinsky et Miles Davis Hall), de nombreuses autres animations complètent ce menu, dont les croisières musicales sur le Léman, les multiples concerts gratuits, les workshops instrumentaux, les concours.

Littérature. A noter: une lecture en musique de «Lolita» De Vladimir Nabokov (lequel a vécu de nombreuses années au Montreux Palace) par Mario Bucciarelli. A suivre au Salon de Musique du Palace en question le 3 juillet

Brésil. Elle est signée par l’artiste brésilien Romero Britto, dont les toiles combinent cubisme, pop art et graffiti.

Habitué. Romero Britto avait déjà réalisé l’affiche de la 33e édition, ainsi que le logo de Montreux Sounds.

Liens. Romero Britto habite Miami et s’engage activement pour différentes organisations caritatives et fondations culturelles, parmi lesquelles la Fondation Montreux Jazz 2.

Genève. Un premier MJC est né en juin 2008 à l’aéroport de Genève Cointrin.

Sydney, Zurich. Le deuxième sera inauguré le 13 mai à Sydney, Australie, et le 3ème dans les mois qui suivront à l’aéroport de Zurich.

Shanghai. Le label ‘Montreux Jazz Café’ sera également présent, à la demande de ‘Présence suisse’, dans le Pavillon suisse de l’Exposition universelle de Shanghai, du 1er mai au 31 octobre 2010.

Sommet. Enfin, les représentants de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) pourront également aller boire un verre en regardant des vidéos du MJF à l’occasion du Sommet de la Francophonie, en octobre prochain, à Montreux.

Le Centre culturel suisse de Paris offre une carte blanche de trois jours au Montreux Jazz Festival.

Ochumare Quartert (23.6)

Les pianistes Colin Vallon et Gabriel Zufferey (24.6)

Un entretien avec Claude Nobs, avec les pianistes Yaron Herman et Harold Lopez Nussa (25.6).

Nombreuses projections de concerts du MJF l’après-midi.

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