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La Suisse s’apprête à présider l’OSCE, mais cette organisation a-t-elle encore un sens?

Véhicule avec le signe de l'OSCE
La Suisse a été choisie comme candidate de consensus pour la présidence de l’OSCE en 2026, notamment en raison de sa traditionnelle neutralité. Keystone / Peter Klaunzer

L’invasion russe en Ukraine est l’un des nombreux défis auxquels l’OSCE est confrontée. En 2026, la Suisse assurera la présidence de l’institution. Les attentes sont élevées, y compris du côté russe.

Qu’est-ce que l’OSCE?

En bref, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) est un forum de dialogue et la plus grande organisation régionale de sécurité au monde.

Le principe du consensus est à la fois sa plus grande force et sa plus grande faiblesse: tous les membres doivent donner leur accord ou au moins renoncer à leur droit de veto pour qu’une décision soit prise.

Les 57 États participants couvrent une large partie de l’hémisphère nord, y compris l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie centrale.

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Comment l’OSCE a-t-elle vu le jour?

L’OSCE existe depuis le 1er janvier 1995, soit depuis 30 ans. Elle a alors remplacé son organisation devancière, la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE).

Ses origines remontent à la Guerre froide: le 1er août 1975, 35 États européens, ainsi que les États-Unis et le Canada, se sont mis d’accord à Helsinki sur le respect de la souveraineté des États, des frontières et des droits humains. Le texte sur les principes fondamentaux avait été négocié pendant deux ans à Genève.

La Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe a assisté à la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989. Au sein de l’organisation, cet événement historique a conduit à l’élaboration de la Charte de Paris pour une nouvelle Europe en 1990, dans l’espoir que la confrontation entre les blocs soit terminée.

L’une des promesses centrales de la Charte de Paris était la protection des droits humains et des libertés fondamentales en tant que «première responsabilité des gouvernements». Il a également été stipulé que la démocratie était le seul système de gouvernement possible pour les États membres.

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Quelles sont les institutions qui composent l’OSCE?

Le 1er janvier 1995, les États participants ont transformé l’ancienne organisation en Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Avec ce changement de nom, ils ont créé un secrétariat général, dont le chef est élu pour trois ans, ainsi qu’un conseil permanent avec des délégués à Vienne.

L’OSCE a également renforcé sa structure institutionnelle: elle a fondé une Assemblée parlementaire composée de 323 députés, dont le secrétariat est basé à Copenhague, et un Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) à Varsovie. Parmi les autres organes centraux figurent le Représentant pour la liberté des médias à Vienne et le Haut-Commissaire pour les minorités nationales à La Haye.

Où l’OSCE est-elle active?

La majeure partie du personnel et des ressources de l’OSCE est affectée à des opérations sur le terrain en Europe du Sud-Est, en Europe de l’Est, dans le Caucase du Sud et en Asie centrale. Les mandats sont convenus par consensus entre les États membres.

L’OSCE se consacre à la résolution de conflits de longue date dans ces régions, par exemple en Transnistrie ou dans le Haut-Karabakh.

En collaboration avec l’ONU et l’Union européenne, elle copréside les pourparlers internationaux de Genève, qui ont été lancés après le conflit en Géorgie en août 2008.

La mission d’observation spéciale envoyée par l’OSCE en Ukraine est considérée comme particulièrement importante.

L’OSCE traverse-t-elle une crise?

Oui, une crise sans précédent. C’est la conclusion à laquelle parviennent de nombreux observateurs et observatrices. Parmi ceux-ci, l’analyste en sécurité Alexander Graef, qui a publié une note d’orientation à ce sujet en mars 2025.

Il y écrit notamment: «La Russie et la Biélorussie ont violé de manière flagrante les normes fondamentales de l’Acte final d’Helsinki de 1975, portant ainsi gravement atteinte au rôle de l’OSCE. Même si l’OSCE ne peut imposer de solutions, elle reste une plateforme potentiellement importante pour le dialogue.»

L’invasion russe en Ukraine n’est qu’un aspect parmi d’autres. À cela s’ajoute le blocage de la Russie et de la Biélorussie au sein de l’organisation.

Des décisions fondamentales telles que l’adoption du budget, la prolongation des missions sur le terrain ou même la nomination des présidences ont donc été systématiquement sapées.

Selon une recherche publiée en octobre 2023 dans Global Studies Quarterly, l’OSCE souffre d’une crise de légitimité qui l’a conduite au bord de l’insignifiance.

L’étude identifie les causes de cette situation dans les faiblesses institutionnelles et les intérêts divergents des États participants.

Dans une tribune publiée par Swissinfo, l’ancien secrétaire général de l’OSCE, Thomas Greminger, en arrive même à la conclusion suivante: «L’OSCE ne joue aucun rôle dans la gestion du conflit en Ukraine et a disparu du radar politique des acteurs clés de la sécurité euroatlantique.»

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Que signifie la crise de l’OSCE?

José Ángel López Jiménez, coordinateur pour le droit international et les relations internationales à l’Université pontificale Comillas, replace les défis de l’OSCE dans le contexte plus large d’une «structure mondiale désordonnée».

Selon lui, la transition vers un système multipolaire a déclenché une crise du multilatéralisme et du régionalisme qui touche à la fois l’ONU et les acteurs régionaux tels que l’OSCE. «Ce contexte a considérablement changé depuis la création de l’OSCE en 1995», souligne-t-il.

Bien qu’il ait critiqué l’OSCE dans le passé, notamment dans le cas de la Transnistrie, il reconnaît le rôle fondamental qu’elle a joué dans ce conflit, mais aussi dans ceux de l’Ossétie du Sud et du Haut-Karabakh.

Cependant, l’organisation se heurte de plus en plus à des limites: à l’instar de l’ONU, dont les principaux organes, tels que le Conseil de sécurité, sont souvent bloqués, l’OSCE a du mal à remplir ses missions de manière cohérente.

«Il ne s’agit pas seulement d’un problème propre à l’OSCE, mais d’une lacune générale du système international, qui s’explique par la crise du multilatéralisme et du régionalisme», explique-t-il.

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L’OSCE a-t-elle encore une utilité?

«À une époque où de nouveaux blocs se forment, comme c’est le cas actuellement, il est important qu’un format comme celui-ci continue d’exister, d’être utilisé et d’être rendu visible», explique Lucas Renaud, expert en sécurité suisse et euroatlantique au Center for Security Studies de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich.

José Ángel López Jiménez souligne le travail de l’OSCE dans les domaines de la surveillance des frontières, de la lutte contre la traite des êtres humains, de la lutte contre le terrorisme et du contrôle des accords de cessez-le-feu: «Certains aspects sont très importants.»

Alexander Graef estime que pour dépasser ce blocage, il faut une direction politique déterminée et une diplomatie à plusieurs niveaux: «Les enseignements tirés de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) pendant la Guerre froide montrent que les initiatives informelles – en particulier celles des États neutres – peuvent aider à surmonter les blocages.»

Que peut-on attendre de la présidence suisse de l’OSCE en 2026?

Selon Lucas Renaud, il faut que la Suisse souligne clairement que la Russie a violé les principes de l’Acte final d’Helsinki. En revanche, il déconseille d’exclure Moscou. En période de crise, de guerre et de polarisation, il est primordial de maintenir ouvert ce canal de négociation.

«Ce qui n’est toutefois pas acceptable, c’est que la Russie utilise les négociations comme un simple alibi pour gagner du temps, sans être sérieusement intéressée par les résultats», déclare-t-il. Même si, comme il le fait remarquer, «les divergences sont très importantes et la marge de manœuvre d’une organisation telle que l’OSCE est limitée».

Selon José Ángel López Jiménez, garder «le partenaire difficile» au sein de l’OSCE est une tactique judicieuse. Il n’oublie pas pour autant que la Russie n’a accordé la présidence à la Suisse que «pour rompre son isolement vis-à-vis des pays occidentaux».

Il ne manque pas non plus de mentionner les États-Unis, «l’autre partenaire», qui briguent le prix Nobel de la paix et souhaitent s’attribuer le mérite de tout le travail accompli par l’OSCE au Haut-Karabakh.

«Pour ces raisons, il est essentiel que l’OSCE améliore sa communication et rende ses efforts visibles — et qu’elle utilise désormais, avec la Suisse, la scène internationale de Genève pour renforcer sa capacité d’action», déclare-t-il.

Le président américain Donald Trump, accompagné du Premier ministre arménien Nikol Pachinian (à droite) et du président azerbaïdjanais Ilham Aliev,
Le président américain Donald Trump, accompagné du Premier ministre arménien Nikol Pachinian (à droite) et du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, en août à la Maison-Blanche. Copyright 2025 The Associated Press. All Rights Reserved.

José Ángel López Jiménez estime que la situation est dangereuse et lui rappelle l’entre-deux-guerres: «Soit nous retrouvons la raison et revenons à des modèles de coopération, soit l’idéal kantien d’une société internationale vole en éclats et nous serons tous perdants.»

Texte relu et vérifié par Marc Leutenegger, traduite de l’allemand par Lucie Donzé/op

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