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La Ribot, une sensualité à fleur de peau

De gauche à droite, Mathilde Monnier, La Ribot et Thiago Rodrigues, à l'affiche du spectacle «Please, please, please». Christophe Martin

Chorégraphe et danseuse hispano-suisse, Maria Ribot est l’invitée du prestigieux festival d’Automne à Paris qui lui consacre un grand Portrait. Artiste de renommée internationale, elle étonne et séduit par ses créations où le corps nu occupe une place avantageuse.

Non, le succès international ne lui est jamais monté à la tête, affirme-t-elle. Celle qui ne se considère pas comme une «vedette» a néanmoins les honneurs des grandes scènes et manifestations culturelles qui de la Suisse à l’Amérique latine en passant par l’Asie sollicitent sa présence. A 57 ans, Maria Ribot, dite La RibotLien externe, déroute et séduit son public. C’est le propre des grands créateurs, dit-on.

La Ribot en spectacle

Que faisons-nous de notre planète? La question est sur toutes les lèvres et dans tous les médias, mais la réponse est toujours la même: nous l’abîmons. La Ribot l’aborde par ricochet dans «Please Please Please». Pas de solutions à apporter ici, ce n’est pas l’affaire d’une artiste. Ce que Maria Ribot souhaite, c’est maintenir en éveil les consciences. A ses côtés, la danseuse française Mathilde Monnier. Toutes deux sont dirigées par le Portugais Tiago Rodrigues, figure majeure de la scène contemporaine. Un trio européen très en vue!

Sa vie d’artiste commence par une longue scène d’effeuillage. Ce qui n’est pas banal. On ne peut pas dire pour autant que cette vie est placée sous le signe de la pornographie, ça non! mais plutôt sous l’emprise d’un érotisme raboté par un humour ravageur. «Socorro! Gloria!». Ainsi donc s’appelait le striptease théâtral que Maria Ribot créait en 1991, avant qu’elle ne devienne la célèbre Ribot d’aujourd’hui.

D’origine madrilène, établie à Genève depuis le début des années 2000, l’affriolante danseuse, performeuse et vidéaste est invitée à se produire au prestigieux festival d’Automne à ParisLien externe qui lui consacre, à partir du 14 septembre, un grand Portrait. Bon nombre de ses œuvres (performances, installations, vidéo, pièces chorégraphiques, carnets de travail) sont donc à l’affiche, y compris «Please Please Please»Lien externe, sa nouvelle création dont la première a eu lieu au Théâtre de Vidy-Lausanne, début septembre.

Silhouette lascive

«Socorro! Gloria!». Il y a des titres prédestinés. Celui-ci portait en germe l’oeuvre à venir de La Ribot, qui fit sa gloire. Soit ses fameuses «Pièces distinguées» (52 jusqu’à ce jour), produites en plusieurs séries dont chacune compte treize sketches environ. La nudité y occupe une place de choix. Chevelure rousse très ample, corps aux courbes parfaites: la silhouette de La Ribot, volontiers lascive dans ses postures, rappelle celle d’une odalisque qu’Ingres aurait peinte mais qu’un voyou aurait violentée.

«On m’en a voulu, alors qu’avant moi d’autres artistes avaient choisi eux aussi de monter des spectacles sans la présence d’acteurs»
La Ribot

Corps ligoté, empaqueté, peinturluré, corps tableau, corps écriteau, corps à vendre comme dans ce «N°14», une de ses «Pièces distinguées», créée en 1997, qu’elle interprète elle-même, nue comme un ver.

Qu’est-ce qui est à vendre dans votre corps? lui demande-t-on aujourd’hui. Elle lâche dans un rire:  «Rien, absolument rien». Avant d’ajouter: «Dans les années 90, le nu était pour moi un moyen de réunir les différentes fonctions ou significations que l’on peut donner au corps: un lieu où des transactions se font, en amour comme en argent. Une métaphore de l’activité économique en somme».

Le monde comme il va

Depuis le début des années 2000, la réflexion de La Ribot s’est portée davantage sur le monde tel qu’il est aujourd’hui, avec une note souvent provocatrice qui captive et exaspère à la fois. Aucun artiste ne vous dira qu’il est agitateur, il se verra toujours comme un créateur innovant. Et La Ribot n’échappe pas à la règle.

Il est vrai qu’elle a, à sa manière, popularisé la danse contemporaine. «Je l’ai rendue accessible, j’en ai élargi la conception, confie-t-elle. Je m’étonne que la critique n’en fasse jamais état, elle s’est au contraire dépêchée de me mettre parfois, en raison même de cette ‘accessibilité’, dans la marge».

–>> En 2013, La Ribot reçoit une commande du Ballet de Lorraine à Nancy et doit pour la première fois créer une chorégraphie avec un corps de ballet, comme le montre ce reportage de la RTS:

Contenu externe

Mais il est tout aussi vrai que l’art de La Ribot déclenche, selon ses pièces, des réactions de rejet. Ce fut le cas en 2014 à Genève où elle présentait «El Triunfo de la Libertad», en lequel il n’est pas interdit de voir le triomphe de l’absurdité. Pas de danseurs ou de comédiens sur scène, juste un texte qui défile lumineux, émaillé de commentaires sur les dérives de nos sociétés. «On m’en a voulu, alors qu’avant moi d’autres artistes avaient choisi eux aussi de monter des spectacles sans la présence d’acteurs».

Le rire, un contre-pied à la violence

Invitée à Paris régulièrement depuis de nombreuses années, La Ribot y a ses inconditionnels. En 2009, elle présente au Centre Georges Pompidou «Laughing Hole». Un fou rire immense traverse de bout en bout ce spectacle de six heures qui est tout sauf une comédie. Le rire éclate ici tel un contre-pied à la violence dans le monde. «Laughing Hole» est repris à Paris, dans le cadre du festival d’Automne. «Je l’ai créé au moment où Guantánamo faisait couler beaucoup d’encre. Aujourd’hui je réalise que l’humanité n’en finira jamais de dresser des prisons».

Difficile d’évoquer le travail de La Ribot sans parler de son ex-compagnon Gilles Jobin, chorégraphe suisse de renommée internationale, lui aussi. Leur relation commence à Madrid dans les années 90. Séparation après 20 ans de vie commune. «Il faut en finir avec l’idée de la pérennité du couple», glisse La Ribot. Avant d’ajouter: «Gilles et moi nous sommes beaucoup critiqués artistiquement. Nous avons partagé les manques et les pleins de notre carrière. Aujourd’hui nous partageons nos deux garçons».   

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