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Aude Seigne ravie par le voyage

Aude Seigne, une respiration après le voyage. SP

Son livre «Chroniques de l’Occident nomade» a reçu le Prix Nicolas Bouvier 2011. L’auteure genevoise, née en 1985, y raconte sa découverte d’elle-même et du monde qu’elle parcourt entre 15 ans et 23 ans. Sa géographie marie avec adresse le large et l’intime. Une révélation.

Le ravissement. Il y a plusieurs manières d’y accéder. Aude Seigne a choisi la sienne: le voyage. Le voyage l’illumine. Non pas comme le fait la foi, mais comme le permet la révélation d’un ailleurs auquel l’Occident d’aujourd’hui, coupé de son affect et de ses rêves, a fermé toutes portes.

«Chroniques de l’Occident nomade» s’intitule donc le livre de la jeune Aude Seigne, Genevoise de 25 ans, qui pour ce récit de voyages a obtenu en juin dernier le Prix Nicolas Bouvier 2011. Bouvier est là, non seulement dans la récompense, mais dans l’angoisse du départ et l’incertitude de l’arrivée, ces deux points entre lesquels s’étire  toute quête et sur lesquels revient jusqu’à l’usure Aude Seigne.

Mais Bouvier n’est pas le seul à se faufiler entre les lignes de ces «Chroniques». Il y a là également  Ella Maillart et Charles-Albert Cingria, des écrivains célèbres qui ont fait la réputation d’une Suisse voyageuse. Aude Seigne les cite. Mieux, elle leur parle depuis les villes par lesquelles ils sont passés et qu’elle visite à son tour.

 

« Pourquoi j’écris ? »

Maillart, on la retrouve dans Odessa, Bouvier, dans cette «attention hallucinée» à la route difficile qui mène à Sarajevo. L’écrivain genevois s’y était rendu en 1953 en Fiat Topolino. Un demi-siècle plus tard, Aude Seigne y va en Renault 5, en compagnie d’un ami.

Depuis, la géographie de la Yougoslavie a changé. La philosophie du voyage aussi, plus exactement la manière d’en rapporter les sensations, d’en dire le vécu. Aude Seigne est habitée par la pensée de ses aînés. Mais le but de ses voyages n’est pas pour autant de partir sur leurs traces.

Bouvier et Maillart observent comme des ethnologues les pays lointains, leurs populations, leurs modes de vie, leurs croyances. Aude Seigne n’a pas cette prétention-là. Elle le dit. Elle sait qu’elle ne possède pas encore la maturité historique pour une analyse politique ou sociale. Aussi ses «Chroniques» sont-elles hantées par cette question qu’elle se pose: «Pourquoi j’écris?».

«J’écris, note-t-elle, parce qu’un jour un neurologue m’a dit: «Vous êtes peut-être une superbe Ferrari, mais toute Ferrari qui roule en troisième depuis l’Italie arrive épuisée à Genève». Et l’auteure d’ajouter: «Devant mon sourire, il explicite sa fragile métaphore: ‘Arrêtez tout, ou c’est le burn out’».

 

L’Australie, l’Inde et la Syrie

Elle a donc arrêté sa vie de nomade menée à un rythme frénétique entre 15 ans et 23 ans. De l’Europe de l’Est en Australie, en passant par la Grèce, la Syrie et l’Inde, elle écume la solitude des voyages, jouit des rencontres amoureuses, souffre des séparations, brûle dans le désert du Thar, se gèle à Damas… Un trop-plein de vie auquel il fallait opposer le vide, dans un geste salvateur que seule l’écriture autorise.

«Je me suis arrêtée. J’ai réfléchi. J’ai vécu le vide et je me suis forcée à prendre plaisir à ce vide», dit au lecteur celle qui exorcise ici sa peur du sédentarisme. Rester (à Genève) lui paraît nécessaire autant que partir. Comment concilier les deux?

Le questionnement est épuisant, comme le voyage. Dans sa tête, Aude Seigne traverse des contrées difficiles, comme elle  traverse les cols dangereux des montagnes yougoslaves. Son récit zigzague, prend parfois des raccourcis ou au contraire s’étire dans des ressassements intimes. La narration avance alors roulée en boule. Un paradoxe. C’est que ces «Chroniques» n’ont rien de chronologique. Il n’y a pas de dates, il n’y a pas non plus de début, de milieu et de fin. Il y a juste  un monde immense qu’une jeune femme passionnée et fragile tente d’aimer.

Née à Genève en 1985.

Elle suit des études littéraires à l’Université de Genève. Son mémoire porte sur les écrivains-voyageurs.

Elle part en Grèce à l’âge de 15 ans. Un voyage marquant qui lui révèle son besoin d’ailleurs et sa vocation d’auteure.

A son actif, deux ouvrages: «Variations sur un hiver amoureux» (Editions Baudelaire, 2009) et «Chroniques de l’Occident nomade» (Editions Paulette) qui a reçu le Prix Nicolas Bouvier 2011.  

«Chroniques de l’Occident nomade», d’Aude Seigne. Editions Paulette, Lausanne, 133 pages.

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