 
Le monde selon Donald Trump inquiète la population suisse, montre un sondage SSR
 
En quelques mois, Donald Trump a chamboulé l'ordre économique et politique mondial, fragilisant l'équilibre sur lequel la Suisse a fondé une partie de sa prospérité. La population s'inquiète du retour de la loi du plus fort et réclame une position plus ferme des autorités, selon un sondage de la SSR publié jeudi.
Depuis 2023, la grande enquête «Comment ça va, la Suisse? «, lancée par la SSR, s’intéresse aux craintes et aux aspirations de la population helvétique. Cette année, pour la première fois, une section entière du sondage était consacrée à la position de la Suisse dans le monde. Les résultats publiés jeudi montrent que la révolution politique, géopolitique et économique mondiale initiée par Donald Trump laisse des traces dans l’opinion publique.
Une Suisse bien positionnée, mais qui manque d’influence
Malgré ce grand chambardement, la Suisse est perçue par une très grande majorité des personnes interrogées comme étant bien placée en comparaison internationale, et ce dans de nombreux domaines: stabilité politique, éducation et recherche, liberté, innovation, etc. Un seul point négatif: l’influence du pays sur la scène internationale. A peine un tiers des Suissesses et des Suisses la jugent plutôt bonne ou très bonne.
 
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Malgré un avenir incertain, la Suisse reste un pays heureux
Pour près de 60% de la population, l’influence de la Confédération dans le monde est plutôt mauvaise, voire très mauvaise. À noter que l’enquête a été réalisée après la menace de Donald Trump d’imposer des droits de douane, en avril, mais avant la décision, en août, d’imposer les produits helvétiques à hauteur de 39%. La Suisse figure parmi les pays taxés le plus lourdement, nettement au-dessus des autres pays occidentaux, et notamment l’Union européenne (UE).
Ce sentiment de déclassement de la Suisse en matière d’influence se traduit par la crainte, largement répandue dans la population, du retour de la loi du plus fort dans la politique mondiale. Près de quatre personnes sondées sur cinq estiment que cette question va les préoccuper fortement (46,7%) ou passablement (32,2%) durant les prochaines années. L’inquiétude est particulièrement prononcée chez les seniors (88,2%) et chez les femmes (82%).
La Suisse doit s’affirmer face aux géants américain et chinois
Depuis le retour de Donald Trump au pouvoir au début 2025, de nombreuses certitudes de longue date – un ordre mondial fondé sur des règles, un commerce international basé sur le libre-échange, etc. – sont remises en question. «Il s’agit d’un problème structurel pour la Suisse, qui doit retrouver sa place et réorganiser ses relations. La population le ressent, et cela suscite de l’insécurité», commente Urs Bieri, codirecteur de l’institut gfs.bern.
Dans ce contexte, une écrasante majorité de la population attend des autorités qu’elles s’engagent pour que les entreprises suisses bénéficient des meilleures conditions possibles sur les marchés mondiaux. C’est, parmi les propositions soumises aux personnes sondées, le rôle qui a recueilli le plus d’approbation.
Parallèlement, plus de 80% des Suissesses et les Suisses estiment que la Confédération devrait adopter une position plus affirmée vis-à-vis des deux grandes puissances que sont les États-Unis et la Chine. Signe, peut-être, du désamour entre la Suisse et l’Amérique de Donald Trump, plus de 60% de la population se prononce également en faveur d’une intensification de la collaboration avec l’UE, sur une base contractuelle solide.
Questionnée sur le rôle de la Suisse dans le monde, la population se déclare très majoritairement favorable au principe de la neutralité active. Plus de 80% des Suissesses et des Suisses veulent que la Confédération, tout en restant neutre, agisse comme médiatrice dans les conflits mondiaux. Pour trois personnes sur quatre, la Suisse doit aussi faire perdurer sa tradition humanitaire et doit se donner pour mission de jeter des ponts entre les pays et les cultures.
Pourtant, une forte minorité de la population est tentée par le repli. Près de 40% des personnes sondées souhaitent que la Suisse se concentre sur elle-même et se tienne le plus loin possible de la politique internationale. «C’est un fait notable: une majorité estime qu’il faut trouver de nouveaux amis, tandis qu’une minorité ne veut plus rien avoir à faire avec le reste du monde», souligne Urs Bieri de l’institut gfs.bern.
Dernier enseignement du sondage: loin de laisser les autres pays prendre la tête du mouvement de lutte contre le changement climatique, plus de deux tiers des personnes interrogées veulent une Suisse pionnière en matière de protection de l’environnement et du climat. Sur ce point, on constate une différence significative entre les genres, les femmes (76%) étant nettement plus volontaristes que les hommes (60%).
Donald Trump va-t-il influencer le dossier européen?
Les velléités de rapprochement avec les Vingt-Sept interviennent quelques mois après que le Conseil fédéral a donné son feu vert au paquet d’accords Suisse-UE, résultat de longues et âpres négociations entre Berne et Bruxelles. Actuellement en consultation, ces textes devraient être soumis au peuple en 2027 ou en 2028.
Interrogé sur ce sujet, Urs Bieri met en garde contre une surinterprétation des résultats du sondage. L’enquête portait uniquement sur les relations de la Suisse avec l’UE en général, rappelle le politologue. Aucune question n’a été posée spécifiquement sur le paquet d’accords conclus avec Bruxelles, précise-t-il.
La politique de la nouvelle administration américaine pourrait toutefois peser sur le scrutin, alors qu’on promet déjà une campagne acharnée et une votation extrêmement émotionnelle, comparable au vote sur l’Espace économique européen (EEE) en décembre 1992.
Les résultats du sondage «Comment ça va, la Suisse? » sont basés sur une enquête représentative menée auprès de 55’006 résidentes et résidents suisses, réalisée par l’institut de recherche gfs.bern du 12 mai au 15 juin 2025 sur mandat de la SSR. C’est la troisième fois que cette enquête a été menée, après 2023 et 2024. Par rapport aux deux autres vagues, certaines questions ont été ajoutées, d’autres abandonnées et certaines ont été reformulées, mais la plupart d’entre elles sont identiques.
Comme en 2023 et en 2024, parmi les personnes interrogées figurent 3000 personnes issues d’un panel en ligne de gfs.bern, sélectionnées de manière à créer une image représentative de la population suisse (16 ans et plus). L’échantillon a été stratifié selon la région linguistique et cité en fonction de l’âge et du sexe. Les autres participants ont rempli un questionnaire en ligne. Ils ont été sollicités via les canaux de la SSR et ont décidé eux-mêmes s’ils souhaitaient participer ou non au sondage.
Le questionnaire contenait plusieurs centaines de questions. Afin d’éviter qu’un entretien ne dure plus d’une vingtaine de minutes, gfs.bern n’a pas posé l’ensemble des questions à tous les participants. La marge d’erreur est de +/- 1,8 point de pourcentage.
 
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