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Berne et Berlin avancent dans leur litige fiscal

Après quelques tensions, Suisses et Allemands sont finalement parvenus à accorder leurs violons. Keystone

La Suisse et l’Allemagne ont signé jeudi le protocole additionnel à l’accord fiscal. Le dossier est dans les mains des parlements. Mais la voie vers un règlement du différend fiscal reste incertaine en raison de l’opposition des Länder et de la gauche allemande.

L’accord fiscal entre Berne et Berlin repose désormais sur de nouvelles bases. Le taux d’imposition permettant de régulariser l’argent allemand «au noir» dans les banques suisses a notamment été relevé (entre 21 et 41%, au lieu de 19 à 34%).

Avec l’introduction d’une imposition à la source, la régularisation des comptes allemands est un des point centraux de l’accord qui doit désormais passer le cap des parlements suisse et allemand avant d’entrer en vigueur le 1er janvier. Dans les deux cas, le contribuable d’outre-Rhin peut choisir entre une imposition anonyme ou la déclaration de ses avoirs au fisc allemand.

Pour que Berlin passe l’éponge sur l’argent placé au noir, une taxe forfaitaire sous forme de paiement unique est prévue. Pour s’assurer que l’argent parvienne en Allemagne, les banques suisses devraient s’acquitter d’un forfait de 2 milliards de francs qu’elles récupéreraient ensuite sur les impôts prélevés.

Héritages

Outre le montant de la taxe forfaitaire, plusieurs autres points de l’accord ont été modifiés, indique le Département fédéral des finances (DFF). Le traité s’appliquera, après son entrée en vigueur, aussi aux héritages. Les héritiers auront le choix entre un impôt de 50% ou la déclaration des avoirs au fisc allemand.

Pour éviter que les contribuables allemands ne vident en vitesse leurs comptes en Suisse pour échapper à une taxation, le transfert de fortune de Suisse vers un Etat tiers ne sera plus possible sans être annoncé dès le 1er janvier. Le délai avait auparavant été fixé au 31 mai.

La Suisse a aussi fait des concessions concernant l’entraide administrative élargie accordée aux autorités allemandes et allant au-delà du minimum prévu par l’OCDE. Le nombre de requêtes ne sera plus limité à 999 sur deux ans dans un premier temps mais à 1300.

Critiques de l’UE

Pour éviter les critiques de Bruxelles, Berne et Berlin précisent désormais explicitement que les intérêts frappés par l’accord passé avec l’Union européenne sur la fiscalité de l’épargne ne sont pas concernés par le traité passé entre la Suisse et l’Allemagne.

L’accord avec l’UE prévoit une retenue d’impôt sur tous les intérêts non soumis à l’impôt anticipé et versés par un agent payeur (une banque par exemple) se trouvant en Suisse à une personne physique ayant son domicile fiscal dans un Etat de l’Union. Le taux appliqué depuis juillet 2011 s’élève à 35%.

Le taux de 26,375% prévu par l’accord conclu avec Berlin concernera les autres rendements et bénéfices réalisés par des contribuables allemands sur des biens placés en Suisse.

La Suisse et l’Allemagne ont en outre renoncé à préciser la répartition des recettes entre les collectivités publiques allemandes, ce qui pourrait permettre aux communes et aux Länder de recevoir davantage d’argent. La représentation des Etats régionaux dans l’organe commun chargé de contrôler l’application de l’accord a aussi été précisé.

Un modèle d’avenir

«Nous avons trouvé un compromis équitable, une bonne solution pour les deux parties», s’est réjouie jeudi la ministre suisse des Finances Eveline Widmer-Schlumpf après la signature. Les négociations ont été intenses, a-t-elle précisé.

Eveline Widmer-Schlumpf est convaincue que l’accord passé avec l’Allemagne déploiera ses avantages dès son entrée en vigueur. Elle s’est dit aussi persuadée que d’autres Etats le reconnaîtront et concluront des accords avec la Suisse. Les prochains pays à suivre devraient être la Grèce et l’Autriche.

Son homologue allemand Wolfgang Schäuble a pour sa part déclaré que «la solution» trouvée entre les deux pays était «équilibrée». L’Allemagne aura ainsi «la possibilité» de taxer l’argent non déclaré de citoyens allemands dont les avoirs sont en Suisse, «pour ce qui est du passé et de l’avenir», a ajouté le ministre allemand.

Opposition en Allemagne

Mais en Allemagne, les choses pourraient ne pas être aussi simples. Le gouvernement n’obtiendra pas la majorité à la Chambre haute du parlement (Bundesrat) avec l’accord fiscal révisé signé jeudi avec la Suisse, a déclaré à Berlin le chef du SPD, Sigmar Gabriel. Les Verts ont également fait part de leur opposition à ce texte.

«Cela échouera pour la seconde fois, parce que les Länder gouvernés par les sociaux-démocrates ne seront pas d’accord», a déclaré Sigmar Gabriel lors d’un point de presse. «Ce serait irresponsable de signer cet accord» qui est «une gifle pour tous les contribuables honnêtes», a-t-il expliqué.

«Un accord qui garantit l’anonymat des fraudeurs et qui ne donne même pas à l’administration allemande les droits (accordés par la Suisse) au fisc américain, ne peut remporter notre adhésion», a dénoncé pour sa part le chef de file parlementaire des Verts, Jürgen Trittin, dans un communiqué.

L’Association suisse des banquiers (ASB) approuve le protocole modifiant l’accord fiscal avec l’Allemagne car il respecte la sphère privée des clients.

Mais l’organisation tient à préciser à l’opposition allemande que les banques suisses ne feront plus aucune nouvelle concession.

L’ASB tient à préciser à l’opposition allemande que les banques suisses ne soutiendront plus aucune autre adaptation. Le calendrier de la mise en œuvre constitue un grand défi pour les banques.

Le Conseil fédéral a pour objectif de créer de bonnes conditions cadres pour la place financière suisse, dont il entend simultanément accroître l’acceptation au niveau international.
 
La stratégie prévoit d’une part de régler les problèmes fiscaux hérités du passé avec les Etats concernés. Elle s’attachera d’autre part à garantir à l’avenir l’imposition des revenus et des gains en capital.
 
Trois instruments permettront d’atteindre ces objectifs:
 
– des conventions concernant l’imposition internationale à la source.
– une amélioration de l’assistance administrative et de l’entraide judiciaire selon les normes internationales.
 
 – l’extension du devoir de diligence des prestataires de services financiers.
 
En mars 2009 déjà, le Conseil fédéral a décidé de développer l’assistance administrative en matière fiscale.
 
La Suisse intègre cette assistance dans les nouvelles conventions de double imposition et dans les conventions qui sont renégociées.
 
Le Conseil fédéral présentera des mesures concrètes d’ici à septembre 2012.

 

Source: Ministère suisse des finances

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