«Si les clubs suisses ne s’adaptent pas aux nouvelles réalités, ils disparaîtront»

Présidente sortante de l’Union des associations suisses de France (UASF), Françoise Millet-Leroux a œuvré à renforcer la visibilité et la cohésion de la plus grande communauté suisse à l’étranger pendant dix ans. Un mandat qui n’a pas toujours été un long fleuve tranquille.
Françoise Millet-Leroux est une femme au franc-parler. Dans le cadre du 65e congrès de l’UASFLien externe, qui a eu lieu les 25 et 26 avril dans la petite station thermale d’Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales), celle qui est devenue suisse par mariage il y a soixante ans revient sans langue de bois sur dix années passées à la tête de la plus grande association de clubs suisses au monde.
swissinfo.ch: Françoise Millet-Leroux, vous quittez la présidence de l’UASF après dix ans d’engagement. Pourquoi avoir décidé de passer le relais maintenant?
Françoise Millet Leroux: Mon engagement au sein de l’UASF remonte à plus loin encore, puisque j’ai quatre mandats de déléguée au Conseil des Suisses de l’étranger à mon actif, soit 16 années. Je suis devenue présidente un peu par hasard en 2015.
Aujourd’hui, je quitte la présidence de l’UASF parce qu’il faut savoir s’arrêter. J’ai 78 ans et je pense que le moment est venu de laisser la place à d’autres personnes, plus jeunes et plus en phase avec les mentalités actuelles. Par exemple, je n’aime pas trop les réseaux sociaux, même si je sais les utiliser. Je suis de la génération «papier».
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Quel bilan tirez-vous de votre mandat?
Je regrette de ne pas avoir réussi à rassembler toutes les associations suisses sous la bannière de l’UASF. Sur 68 associations en France, 52 en sont membres. Il reste aussi encore beaucoup de travail pour faire connaître l’importance et l’utilité de l’UASF auprès de tous les Suisses de France.
En revanche, je suis très fière d’avoir pu apaiser les tensions très dures vécues entre 2013 et 2015 à l’UASF et d’avoir renforcé sa visibilité. Aujourd’hui, l’UASF est reconnue comme la représentante officielle et incontestée des Suisses de France.
Ma plus belle réussite, à mes yeux, reste toutefois la création d’une bourse d’un montant de 5000 euros en faveur d’une étudiante ou d’un étudiant suisse de France et membre de l’UASF, qui désire aller étudier en Suisse. Elle sera attribuée pour la première fois cette année. Son financement, sur quatre ans, a été assuré en grande majorité par les tombolas organisées lors de chaque congrès UASF depuis 2022. Mais je ne peux pas promettre qu’elle sera reconduite, cette décision est désormais du ressort de la nouvelle direction de l’UASF.
Vous avez été présidente durant la période du Covid, en 2020 et 2021. Comment l’UASF a-t-elle traversé cette crise?
C’était une période difficile. Les élections de 2021 ont dû se faire par correspondance, avec un dépouillement organisé par l’Ambassade. Le comité de l’UASF a également demandé aux associations de continuer à verser leurs cotisations, même si les activités étaient à l’arrêt, comme signe de soutien aux principes et idées que ces amicales représentent et défendent. Dans le mot «amicale», il y a le mot «ami», et on n’abandonne pas un ami parce qu’il est affaibli. Au contraire, on le soutient.
Malheureusement, les associations ont perdu de nombreux membres durant la pandémie. En outre, une sorte de léthargie s’est installée et les gens ne se sont plus forcément réinscrits dans les associations après la pandémie. Certains clubs se sont retrouvés en difficulté financière et il a été parfois reproché à l’UASF de ne pas avoir apporté de soutien pécuniaire. L’organisation n’en avait tout simplement pas les moyens.
L’un des côtés positifs est que nous avons découvert et adopté les réunions virtuelles, ce qui depuis facilite grandement nos échanges.
Avec plus de 212’000 ressortissantes et ressortissants suisses, la France rassemble la plus grande communauté d’Helvètes au monde. Néanmoins, cette dernière est peu visible sur les réseaux sociaux. Comment cela se fait-il?
Je dirais par manque de temps. Nous sommes tous des bénévoles. Certains d’entre nous sont même encore actifs. Alors ce n’est pas évident de gérer une réelle présence sur les réseaux sociaux, très chronophage.
De plus, la majorité des Suisses de France sont binationaux. Ils sont attachés à leur club local, mais pas nécessairement désireux de s’intégrer à une structure plus large, électronique et virtuelle, qui plus est.
Faut-il à tout prix sauver les clubs qui peinent à se renouveler?
Ils doivent évoluer pour survivre. Si les clubs ne s’adaptent pas aux nouvelles réalités, ils disparaîtront. À Bordeaux, par exemple, une dynamique intergénérationnelle a permis de maintenir une belle activité. D’autres clubs y parviennent également, heureusement! Mais les associations composées uniquement de membres âgés, sans renouvellement annoncé ou envisageable, sont en danger.
Si l’avenir de la diaspora ne se joue plus dans les clubs, alors où?
Il faut ouvrir les clubs à des sujets plus larges, établir des ponts avec la vie politique suisse, encourager la participation à des webinaires de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), organiser des cycles de conférences… les options sont multiples.
Il y a, selon moi, un vrai décalage entre les objectifs de l’OSE et la réalité des membres dans les associations. Beaucoup ne s’intéressent pas ou plus vraiment à la vie politique suisse. Ils aiment garder un lien affectif avec la Suisse, mais à distance.
Même si le vote électronique venait à être généralisé, je ne suis pas certaine que cela entraînerait une hausse significative de la participation. Le désintérêt vient souvent de plus loin que les seules questions techniques.
Désormais libérée de vos responsabilités à l’UASF, comment allez-vous occuper votre temps?
J’ai vingt ans de photos à trier! Plus sérieusement, j’ai envie de me recentrer un peu sur moi-même: retrouver mes amis, m’occuper de mes petits-enfants, jouer au golf, voyager… Et, en tant que membre du Souvenir napoléonien, mais aussi depuis toute petite, je rêve de pouvoir me rendre à Sainte-Hélène. J’espère y aller enfin, pour mes 80 ans, en 2026.
Un dernier mot pour les membres de l’UASF?
L’union fait la force. J’invite tous les Suisses de France à soutenir l’action de l’UASF et à lui faire confiance.
Je termine mon mandat sereine, sans regret ni tristesse, heureuse et reconnaissante d’avoir pu vivre et partager cette expérience humainement très enrichissante.
Relu et vérifié par Samuel Jaberg

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