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Crise budgétaire: le CICR appelle les grands donateurs à se mobiliser

Mirjana Spoljaric
Mirjana Spoljaric, présidente du CICR, lors d'une conférence de presse à Genève mercredi. © Keystone / Salvatore Di Nolfi

Le CICR est en discussion avec le gouvernement suisse et d’autres grands donateurs pour combler son déficit de financement. L’organisation humanitaire genevoise fait face à une crise budgétaire sans précédent, sur fond de vives critiques internes.

«J’appelle les États, et en particulier les grands pays donateurs, à nous soutenir et à combler le déficit», a déclaré Mirjana Spoljaric, présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), lors d’une rare conférence de presse à Genève, mercredi, au cours de laquelle elle a évoqué la situation financière difficile de l’organisation.

Plus tôt cette année, le CICR avait annoncé réduire son budget de 2,84 à 2,4 milliards de francs et licencier 1800 de ses 22’700 employés et employées. 26 de ses 350 opérations dans le monde seront closes, tandis que d’autres seront réduites. Il s’agit de coupes sans précédent pour l’organisation humanitaire genevoise, vieille de 160 ans. Malgré cela, le CICR reste confronté à un déficit de financement de 400 millions de francs.

«Je suis en discussion avec tous les grands donateurs», a déclaré la présidente du CICR. Ceux-ci sont les États-Unis, l’Allemagne, la Suisse, l’Union européenne et le Royaume-Uni. «Bien sûr, la Suisse est importante. Historiquement, son soutien a été essentiel, et il envoie un signal aux autres donateurs pour qu’ils agissent également», a-t-elle ajouté. Pour la Suisse, le CICR est aussi un partenaire important, puisqu’environ un tiers de son budget d’aide humanitaire y est destiné.

La SonntagsZeitungLien externe révélait la semaine dernière qu’une annulation d’un prêt Covid de la Confédération de 200 millions de francs était sur la table. Mirjana Spoljaric s’est contentée de dire que le CICR cherchait l’obtention de fonds supplémentaires à la contribution suisse actuelle de 160 millions de francs. Les discussions entre le gouvernement suisse et le CICR sont toujours en cours, a-t-elle ajouté.

Selon la présidente du CICR, celui-ci devra attendre la fin de l’année pour connaître la réponse à son appel. «Cela prend du temps. […] Nous ne nous attendons pas à une solution du jour au lendemain et il n’y a pas de solution miracle.»

Nouvelle stratégie

Comme d’autres dans le secteur humanitaire, le CICR souffre de l’augmentation des coûts due à l’inflation des denrées alimentaires et d’autres matières premières, et constate une diminution de la solidarité des donateurs, dont la plupart ont dû réduire leurs budgets extérieurs, épuisés par la pandémie et la guerre en Ukraine.

L’explosion des besoins humanitaires provoquée par des conflits qui s’éternisent – de la Syrie au Yémen en passant par l’Afghanistan – et les conséquences du changement climatique laissent entrevoir de sombres perspectives pour le secteur. En 2013, environ 140 millions de personnes dans le monde avaient besoin d’aide. Dix ans plus tard, ce chiffre a atteint 340 millions. Pendant ce temps, le budget du CICR a plus que doublé.

Mais certains employés et employées sont frustrés par la direction que l’organisation a prise au cours de la dernière décennie. La semaine dernière, la RTS révélait que 2500 d’entre eux avaient signé une lettre ouverte à la direction du CICR pour exprimer leur colère. Ils reprochent aux dirigeants précédents ce qu’ils qualifient de «dérive budgétaire». Selon eux, le CICR est trop grand et a perdu de vue sa mission principale: protéger les civils dans les conflits, rendre visite aux prisonniers et réunir les familles séparées.

«Nous devons fermer des programmes et licencier un nombre considérable de collègues, et c’est extrêmement difficile pour eux. Je comprends leur frustration et leur colère, mais notre objectif et notre obligation est d’assurer notre stabilité financière et la continuité de nos opérations», a déclaré Mirjana Spoljaric, qui a rejoint le CICR en octobre 2022.

La présidente a profité de la conférence de presse pour donner un aperçu de la prochaine stratégie quadriennale du CICR, qui devrait être adoptée en novembre. «Nous allons nous concentrer davantage sur nos activités de base, là où le CICR peut avoir le plus d’impact et apporter la plus grande aide aux populations», a-t-elle déclaré. Ce travail s’effectue dans les conflits armés, sur les lignes de front, dans des lieux auxquels les autres organisations humanitaires n’ont souvent pas accès.

Guerre en Ukraine

«Cela continue d’être notre plus grande opération, la plus vaste de l’histoire du CICR», a déclaré Mirjana Spoljaric au sujet de la guerre en Ukraine. L’organisation y compte quelque 800 collaborateurs et collaboratrices.

Une des tâches principales du CICR en Ukraine est de rendre visite aux prisonniers de guerre, dans les deux camps. L’année dernière, le CICR a déploré à plusieurs reprises le manque d’accès offert par Kiev et Moscou. Interrogée sur la situation actuelle, la directrice du CICR a répondu: «Nous progressons.» Elle n’a toutefois pas donné de chiffres. Grâce au travail de son Agence centrale de recherches à Genève, le CICR a pu, dans 5500 cas, rétablir les liens entre des familles et leurs proches disparus, a-t-elle ajouté.

L’effondrement du barrage de Nova Kakhovka dans le sud de l’Ukraine contrôlé par la Russie, qui a provoqué une inondation massive, est un rappel fort de la nécessité pour les pays en guerre de respecter le droit international humanitaire, a déclaré Mirjana Spoljaric. Les conventions de Genève, que tous les États ont ratifiées, interdisent de prendre pour cible des infrastructures civiles. Kiev et Moscou se rejettent mutuellement la responsabilité de sa destruction.

«Ce qui nous préoccupe toujours dans de telles situations, c’est la pression humanitaire écrasante qui en résulte. Elles créent des conséquences auxquelles il est impossible de faire face. Plus il y a d’incidents de ce type, moins nous serons en mesure d’atteindre les gens de manière adéquate pour éviter des souffrances massives.»

Texte relu et vérifié par Virginie Mangin

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