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«Stations urbaines», le quotidien vu du ciel

Quand le théâtre implique la ville…

Le festival genevois poursuit sa route avec de bonnes et de mauvaises surprises. Parmi les temps forts: «Stations urbaines», un regard qui embrasse toute la ville.

Dans d’autres cas, décevants ceux-ci, la forme semble définitivement l’emporter sur le fond.

La Bâtie bat son plein et les spectateurs font le plein. Le plein de déceptions parfois, mais de bonheur aussi.

Pour ce qui est des déceptions, on dira qu’elles s’ajustent autour de spectacles misant sur la forme, rien que la forme, et laissant le fond s’enliser dans la nébulosité. Devant certaines créations très sophistiquées, qui allient avec ingéniosité vidéo, arts plastiques, théâtre et musique, on reste coi.

Des brillances creuses

Ainsi de «X, suite filante» (et décevante), une production zurichoise qui, à la manière d’un thriller, traque une femme à la recherche de son double. Sujet intéressant en soi mais dont le propos se perd dans une course-poursuite après les effets scéniques: surimpression abusive de voix, de sons et d’images réelles et virtuelles.

Même défaut avec «Les Mouches dans la bouche», création suisso-libanaise dont on attendait beaucoup, vu qu’on nous annonçait un travail palpitant sur la guerre au Liban. Résultat: un spectacle bien maîtrisé technologiquement, mais prétentieux intellectuellement avec ses virées du côté de Beckett. Virées qui font des trous dans la compréhension bien plus béants que ceux qui défigurent les immeubles de Beyrouth ravagés par la guerre.

Temps forts

Pour ne pas trop effrayer les tenants du théâtre classique, on leur dira que dans son expression moderne, l’art scénique peut également produire du beau. La preuve par Marie Brassard, actrice et metteuse en scène canadienne, déjà évoquée sur swissinfo.

Et pour ceux qui tiennent absolument à un «théâtre de texte», comme on dit aujourd’hui, on évoquera «Célébration» de Harold Pinter, qui démarre le 10 septembre au Poche de Genève et se poursuivra, hors Bâtie, en tournée romande. La mise en scène est l’œuvre du remarquable Genevois Valentin Rossier.

Enfin, à ceux qui aiment bien l’expression visuelle évanescente, mais voudraient quand même la voir soutenue par un verbe solide, on parlera de «Stations urbaines #1». Une expérience plutôt unique. Une création au gigantisme certain. D’abord parce qu’elle embrasse toute la ville de Genève. Ensuite parce qu’elle se place dans un projet plus vaste qui s’étendra jusqu’à fin 2008, et se poursuivra en 2009 hors de nos frontières.

Le quotidien à vol d’oiseau

Le premier épisode de ces «Stations urbaines» a donc démarré le 31 août, jour de l’ouverture de la Bâtie. Il y avait là du beau monde… haut perché! Il faut dire que le spectacle se donne sur le toit du Théâtre Saint-Gervais. Là, une petite cabine en verre a été installée. Vous y entrez, seul. Les autres, derrière, attendent leur tour.

A vos pieds, Genève dans toute sa splendeur. Le Rhône fend la ville, ses rumeurs et la voix des acteurs qui parlent à vos oreilles. On ne les verra pas, ces acteurs. Leurs paroles ont été enregistrées. Elles relatent une dispute entre une mère et sa fille, un père et son fils, puis une discussion enfiévrée sur la guerre du Golfe, sur un match de foot…

Des scènes de la vie ordinaire, donc, auxquelles la ville, étendue là, semble royalement indifférente. Espace extérieur sublime. Espace intérieur miné par des problèmes familiaux, psychologiques, idéologiques… C’est la tension entre ces deux espaces qui fait la cruauté et la modernité du propos.

«Stations urbaines#1» est signé Maya Bösch. Pour monter ce projet, la metteuse en scène suisse a puisé dans une pièce de l’auteur autrichienne Elfriede Jelinek, intitulée «Sportstück».

Présenté la semaine dans une version courte (13 minutes) et le week-end dans une version longue (6 heures!), ce premier épisode sera complété de deux autres. L’un prévu pour le printemps 2008 dans les rues de Genève, et l’autre pour l’automne prochain dans un stade de foot.

En attendant, on peut toujours rêver sur les toits de Saint-Gervais à un monde qui réconcilierait les villes modernes et leurs habitants.

swissinfo, Ghania Adamo

«Stations urbaines#1», au Théâtre Saint-Gervais, Genève, jusqu’au 15 septembre. Hors Bâtie, jusqu’en juin 2008.

«Célébration», au Poche de Genève, jusqu’au 15 septembre. Hors Bâtie, jusqu’au 14 octobre. Puis tournée romande.

Née en 1973 à Zurich où elle fait ses études scolaires.

En 1995, elle obtient le diplôme «Liberal arts» de l’Université de Philadelphie (USA).

Elle vit et travaille à Genève où elle fonde en 2000 sa compagnie «Sturmfrei».

Elle a monté plusieurs spectacles – dans le style postmoderne – sur les scènes institutionnelles suisses, dont le très controversé «Richard III» de Shakespeare.

Depuis deux saisons, elle codirige avec Michèle Pralong le Théâtre du Grütli à Genève.

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