Après « Thérèse », Cavalier s’intéresse à « René »
A Locarno, la compétition internationale a débuté vendredi par la projection de «René», du Français Alain Cavalier. 22 longs métrages sont au programme.
Le Festival de Locarno, époque David Streiff puis Marco Müller, nous avait habitué à une compétition largement ouverte aux films du Sud.
Avec la programmation d’Irene Bignardi, qui ne néglige pourtant pas le Sud dans d’autres sections, c’est à un sérieux recentrage américano-européen que nous assistons dans le cadre de cette section-phare.
L’inde, l’Argentine, la Chine, l’Iran figurent dans cette course au «Léopard d’Or». Mais sinon, les délégations les plus importantes sont européenne, canadienne ou américaine – avec notamment quelques grosses pointures comme «Gerry» de Gus Van Sant.
Côté cinéma européen, l’Italie, lauréate l’an dernier, n’a qu’un film sélectionné, comme le Danemark, la Grande-Bretagne et la Suisse («Aime ton père», de Jacob Berger, avec Gérard et Guillaume Depardieu). L’Allemagne est présente quant à elle avec deux longs métrages, et la France avec trois.
Gigantisme et intimité
C’est au «Fevi», une salle de 3200 places, que sont projetés les films en compétition, à raison de deux œuvres par jour. 3200 places… On se trouve donc beaucoup plus dans un environnement de salle de spectacle que dans une ambiance de ciné-club.
Ce qui n’empêche pas les programmateurs d’opter parfois pour des œuvres intimistes, voire minimalistes.
C’est le cas avec «René» d’Alain Cavalier, qui, depuis le milieu des années 70, pratique un cinéma de portrait et d’épuration. «Thérèse», en 1986, en est à l’exemple le plus connu.
Si les envols mystiques étaient au cœur de ce long métrage consacré à Thérèse de Lisieux, les préoccupations de «René», interprété par Joël Lefrançois, sont beaucoup plus pragmatiques: il s’agit pour lui de maigrir. Car 155 kilos, c’est beaucoup pour un seul homme.
Cavalier brouille les cartes
Pendant 85 minutes, nous suivons René qui lutte. Bon vivant, il aime la viande, le fromage, et un solide coup de rouge, comme en témoigne la première séquence du film.
Nous suivons René qui lutte, mais aussi René qui vit. Progressivement, on découvre sa compagne, qui le plaque, son ex-femme et sa fille, mais aussi son métier de comédien et son complice de scène.
Bref, un documentaire classique sur un obèse et son combat? Oui en apparence. Non en réalité. Car le film est une fiction, un récit «fabriqué» comme dit Alain Cavalier. Le vrai combat est celui de l’acteur Joël Lefrançois, auquel le réalisateur a proposé de tourner, principalement pour deux raisons.
Parce que Lefrançois est un remarquable comédien. Et parce que Cavalier souhaitait l’aider à réussir son challenge.
«Chaque kilo en moins est une victoire en plus», dit à un moment la compagne de René. C’est peut-être ce qu’a dit le réalisateur au vrai comédien. A la fin du film, René – et donc Lefrançois – a perdu 30 kilos. Et donc remporté 30 victoires.
Comme pour «Vies», présenté en 2000 à Locarno, Alain Cavalier a travaillé seul et exclusivement avec une caméra numérique. Une volonté de faire du «cinéma immédiat», qui semble être désormais son seul objectif. Le sens de l’épure, toujours…
Au centre, l’humain
La directrice, Irene Bignardi, l’a expliqué à plusieurs reprises: aux œuvres conceptuelles et lourdement intellectualisantes, elle préfère celles «qui racontent une histoire».
De manière amusante et significative, les films en compétition sont plusieurs cette année à n’avoir qu’un nom propre en guise de titre: «Gerry» de Gus Van Sant, «Sophiiiie!» de Michael Hofmann, «Mr. and Mrs. Iyer» de Aparna Sen et, bien sûr, «René».
Mais le fait de simplement «raconter une histoire» n’implique pas nécessairement le conformisme formel. Comme en témoigne la démarche d’Alain Cavalier.
swissinfo/Bernard Léchot

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