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Pour une meilleure exportation de la danse helvétique

Tiré de Creature, un spectacle de József Trefeli et Gábor Varga. ADC

Du 1er au 4 février se tiennent à Genève les Journées de danse contemporaine suisse. Un rendez-vous biennal dont le but est « d’attirer les programmateurs internationaux, de faire connaître de nouvelles écritures chorégraphiques et de privilégier la diversité », comme le confie le producteur et programmateur Claude Ratzé.

Créées en 2006, les JournéesLien externe de danse contemporaine suisse ont lieu tous les deux ans dans une ville helvétique. Genève accueille l’édition 2017. Au programme, 18 pièces chorégraphiques et un film sélectionnés par un jury de professionnels composé de 5 membres, dont le Genevois Claude Ratzé qui dirige par ailleurs l’Association pour la danse contemporaine (ADCLien externe), sise elle aussi à Genève.

swissinfo.ch: A quoi prêtez-vous attention en premier lieu pour faire votre choix de spectacles?

Claude Ratzé: La décision ne m’appartient pas, elle est collégiale et pas facile à prendre, chaque membre du jury ayant sa personnalité et sa propre sensibilité. Il nous a fallu néanmoins nous mettre d’accord sur l’essentiel, à savoir que ces Journées sont prévues pour attirer les programmateurs internationaux, faire connaître de nouvelles écritures chorégraphiques et privilégier la diversité ainsi que la liberté de ton. Je précise que « attirer » ne signifie pas séduire à tout prix, mais opérer un choix de pièces basé sur la pertinence et la singularité.

swissinfo.ch: Les spectacles à l’affiche sont en effet très variés dans leur esthétique et leur thématique. Mais il y aussi une diversité d’identités, avec par exemple la présence de la chorégraphe japonaise Kaori Ito, ou de l’Américaine Ruth Childs. Pourquoi elles?    

C.R: Ces Journées ne réunissent pas uniquement des artistes possédant un passeport suisse, il y a aussi des danseurs et chorégraphes étrangers qui sont établis dans ce pays et y travaillent depuis un bout de temps, bénéficiant des subventions de Pro Helvetia, des Cantons ou des Villes. Kaori Ito, par exemple, qui tourne beaucoup en Europe, s’est installée à Genève il y a trois ans. C’est le cas également de Ruth Childs. Les artistes sont très mobiles aujourd’hui. Je pense que ce qui fait la richesse de la création, ce n’est pas tant l’origine de l’artiste mais son parcours, sa formation, et par conséquent la réflexion qu’il mène sur scène.

swissinfo.ch: La danse contemporaine a-t-elle une ambition sociale ou politique, au même titre que le théâtre ou le cinéma?

C.R: Oui bien sûr, d’ailleurs cette édition 2017 en est le reflet. On y trouve des productions qui traitent de l’introspection, de la guerre, des problèmes de société, de l’usage des nouvelles technologies, comme le 3D. Tout un éventail donc qui résiste à l’uniformisation. J’irais même plus loin en disant que la danse contemporaine connaît aujourd’hui un genre nouveau, proche du documentaire, comme cela se fait au théâtre ou au cinéma.

Claude Ratzé ADC

Je prends à cet égard l’exemple de la chorégraphe zurichoise Nicole Seiler qui revisite l’histoire de la danse dans sa pièce « The Wanderers Peace ». C’est un procédé que l’on observe de plus en plus et que notre programmation reflète. Autre exemple: les trois soli de Ruth Childs (« Pastime”, « Carnation », « Museum Piece ») dans lesquels cette dernière revient sur le répertoire de sa tante Lucinda Childs, une icône de la danse américaine des années 50-60.  

swissinfo.ch: Y a-t-il ailleurs en Europe l’équivalent de ces Journées suisses?

C.R: Oui, il y en a en Pologne, en Autriche, en Allemagne, au Royaume-Uni… et ce depuis une quinzaine d’années. Pour ce qui est des Journées suisses, elles sont le résultat d’une ancienne collaboration que nous avions autrefois avec le Concours chorégraphique de Bagnolet, en France, qui n’existe plus mais qui fut le premier à lancer l’idée d’une plateforme nationale de sélection. C’est l’héritage d’un modèle culturel, donc, qui fonctionne bien aujourd’hui, proposant un véritable « marché » de la danse en Suisse.

swissinfo.ch: Lors de la dernière édition, il y a 2 ans à Zurich, les Journées ont attiré 180 programmateurs, de 30 pays. Combien en attendez-vous à Genève aujourd’hui?

C.R: A peu près le même nombre, avec des programmateurs venus d’Inde, d’Amérique et de tous les coins d’Europe.

swissinfo.ch: Les Journées ont été créées en 2006. Etes-vous, depuis, satisfaits des résultats?

C.R: La satisfaction est à chercher dans la promotion et le rayonnement de la danse suisse à travers le monde, et non dans le nombre exact de nos spectacles vendus à l’étranger depuis 10 ans. Il faut savoir que pour nos artistes, exister dans le cadre des Journées est un enjeu de taille, car ce rendez-vous biennal offre une visibilité très grande. Mieux, il crée une dynamique qui profite aux talents les plus discrets. Je m’explique. Le nom d’un chorégraphe célèbre comme le Genevois Gilles Jobin, à l’affiche de cette édition avec son film « WOMB », attire les programmateurs. Ceux qui se déplaceront donc pour Jobin découvriront à cette occasion d’autres artistes moins connus pour lesquels ils n’auraient pas forcément fait le voyage.

The Wanderers Peace, de Nicole Seiler ADC

swissinfo.ch: Tous les danseurs et chorégraphes sélectionnés viennent des deux régions alémanique et romande. Le grand absent est le Tessin. Votre explication?

C.R: L’absence du Tessin est regrettable. Mais bon… elle est liée à la politique culturelle cantonale mal adaptée aux besoins des artistes. Les spectacles venus du Tessin que nous avons vus ne répondaient pas, hélas, aux exigences du jury. Leur qualité ne nous a pas donné satisfaction, nous ne les avons donc pas sélectionnés.

swissinfo.ch: Que diriez-vous aux responsables cultuels tessinois?

C.R: De rester attentifs aux talents, de stimuler la créativité des danseurs et de leur offrir suffisamment de lieux pour qu’ils puissent travailler. Beaucoup sont obligés de s’expatrier ou d’aller dans d’autres cantons pour avoir une chance de réussir. C’est bien dommage! 

Afin de préparer l’édition 2017 des JournéesLien externe de danse contemporaine suisse, le jury a vu plus de 140 spectacles pendant un an.

Les 18 pièces et le film retenus sont présentés à Genève dans 12 théâtres, spécialement réunis en association pour signifier leur engagement envers la création chorégraphique helvétique. A leurs côtés, Reso-Réseau Danse Suisse, une association qui a pour but la promotion de la danse au niveau national.

Les Journées permettent aux artistes de présenter leur travail dans des conditions optimales et de nouer les contacts indispensables au développement de leurs projets et à la diffusion de leurs créations.

Elles ne s’adressent pas uniquement aux professionnels et aux journalistes. Elles sont ouvertes également au public.

 

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