«Ceux qu’on aime»

Pascal Auberson: le retour du chanteur! swissinfo.ch

Il y a dix ans que le chanteur Pascal Auberson n'avait plus sorti de disque de chansons. Ses retrouvailles avec cet art dit mineur s'intitulent «Ceux qu'on aime». Un album beau et exigeant. Des exemplaires sont à votre disposition...

Vous n’écouterez pas le nouveau disque de Pascal Auberson en faisant votre ménage ou en papotant avec des amis. Différence notable avec le dernier Florent Pagny ou le prochain Lara Fabian, et cela même si Auberson est également un chanteur «à voix»: une voix chaude, plus posée et maîtrisée que jamais. Mais à la différence des glorieux interprètes sus-cités, une voix mise au service d’un propos artistique, poétique, politique parfois.

Dix ans après «Mille Voci», et suite aux témoignages discographiques de multiples rencontres artistiques – Piano Seven, Compagnie Alias, BBFC, Big Band de Lausanne – Auberson revient donc à la chanson. «Il y a eu un moment où je ne sentais plus l’envie de chanter… Je commençais un peu à tourner en rond. Et puis c’est vrai que j’ai eu un manque, même si je prenais mon pied dans les autres spectacles que je faisais», explique-t-il.

17 titres figurent sur «Ceux qu’on aime», un album résolument intimiste, où le piano, sobre, est un décor pour la voix du maestro. Un piano parfois normal, parfois «préparé» comme il dit, c’est-à-dire modifié, bricolé, pour amener à ces résonances étranges qu’il affectionne. Auberson assure également les parties de guitare, de synthétiseur, les percussions, et ces mystérieuses «couches» de chœurs qui semblent venir d’ailleurs. Un seul instrument n’a pas été tenu par lui: le saxophone alto de la chanson «Bretagne», joué par son fils, César.

Auberson signe toutes ses musiques, et bon nombre de textes. Côté mots, il est également allé puiser chez d’autres. La variété des noms est significative de son goût pour la diversité: sa complice Yvette Théraulaz, le chanteur belge Claude Semal, le journaliste Jean-Pierre Moulin, la poétesse Louise Labé, qui, de son 16e siècle côtoie le très contemporain Michel Houellebecq. L’économiste américaine Viviane Forester est également de la partie…

Dans un lyrisme parfois fiévreux, Auberson nous rappelle nos contraintes de sédentaires («Gens du voyage»), la destruction de la Terre («Bretagne», «L’homme étant l’homme»), l’horreur de la maladie («Cheveux noirs»), le triste sort des dames-pipi («Hôtesses d’accueil»), la douleur de la mort et le mystère de son après («Où sont ceux qu’on aime»).

Des thèmes à priori pas franchement joyeux. Et pourtant, c’est un formidable appétit de vivre qui transpire de cet album. Une envie de bouffer l’existence à pleines dents, de dire «je t’aime» à la vie, furieusement, malgré les injustices, les égoïsmes, les garceries.

C’est d’ailleurs ce que fait Auberson dans «Merci», le titre qui ouvre l’album. Une longue énumération, dans une ambiance de gospel fou, où le chanteur hurle son bonheur de respirer en saluant ceux qui l’ont construit et ce qui l’a construit, de Mozart à l’amour en passant par Hendrix, Ramuz, Brel, Pina Bausch, Reiser, sa mère, son père, ses enfants, le vin, Kenny Clarke, les huîtres ou les Grottes de Lascaut…

Un formidable moment de cabotinage qui ne manquera pas d’agacer ses détracteurs. Un formidable moment de passion, d’humour et de sincérité, aussi.

Bernard Léchot

«Ceux qu’on aime» de Pascal Auberson est distribué en Suisse par Disques Office. Des exemplaires gratuits attendent les plus rapides d’entre vous: signalez-nous votre intérêt en adressant un e-mail à [e-mail]