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Constellations suisses dans le ciel de Pékin

La 1ère Biennale artistique de Pékin a réuni pendant presqu'un mois 200 artistes du monde entier, sous la direction artistique partagée du Suisse de l'étranger Marc Hungerbühler et du Chinois Zhu Qi. Une expérience transculturelle inédite en Chine.

«La Suisse est une fédération d’Etats indépendants. Je pense qu’inconsciemment, cela m’a influencé lorsque j’ai mis sur pied la Biennale de Pékin». C’est Marc Hungerbühler qui le dit, curateur en chef de la première Biennale d’art contemporain de Pékin, qui vient de fermer ses portes à l’Espace 798, énorme zone de création et d’exposition en plein centre de la capitale chinoise.

A la fois curateur et artiste multimédia, Marc Hungerbühler s’est chargé d’organiser le volet international de la Biennale, qui a réuni près de 80 artistes originaires d’une vingtaine de pays, tandis qu’environ 120 créateurs chinois étaient impliqués dans la partie nationale de l’événement.

New York–Pékin retour

De père suisse allemand et de mère coréenne, Marc Hungerbühler est un de ces Suisses de l’étranger qui – sans renier ses origines – a décidé de considérer la planète entière comme sa patrie.

Installé depuis 26 ans aux Etats-Unis, il vient de passer un an et demi à Pékin, mais c’est depuis son domicile à New York qu’il répond aux questions de swissinfo.ch, de retour chez lui avant même la clôture de la Biennale, avec le sentiment du devoir accompli.

«C’est un grand succès, nous avions démarré la planification il y a un an sans la moindre ressource. La crise économique est venue troubler nos démarches, nous avons tout de même réussi à mobiliser de très larges soutiens.»

Constellations

Sur le thème des «Constellations», la Biennale de Pékin a concentré dans une quinzaine de galeries, centres d’art, espaces de création une myriade d’œuvres dans les domaines les plus variés de l’art contemporain: vidéo, photographie, performances, installations, audio, happenings, peinture, sculpture …

«Constellations est un ensemble de projets indépendants, très éloignés les uns des autres, et qui pourtant sont reliés entre eux», explique Marc Hungerbühler. Et le parallèle avec l’organisation politique de la Suisse est trouvé. «L’objectif de la Biennale était de créer des réseaux entre les curateurs et les artistes, et de créer une convergence d’idées entre tous les acteurs.»

Nikosykatiushka sont deux artistes chiliens mandatés par Marc Hungerbühler comme curateurs de l’exposition latino-américaine, l’une des parties constituantes de la Biennale, qui réunit 31 artistes d’Amérique latine.

Nikolas: «Le création latino-américaine était très peu représentée en Chine, qui se trouve aux antipodes du Chili. Grâce à la Biennale, plusieurs artistes ont été mandatés par des galeries, plusieurs contrats ont été signés, plusieurs projets finalisés. C’est un succès époustouflant. Nous avons bénéficié d’un large soutien du gouvernement chilien, et aussi de compagnies privées. Je suis persuadé que c’était de l’argent bien placé, en matière de promotion de la culture latino-américaine en Chine».

Une Suisse très suisse

La Suisse, par l’intermédiaire de Pro Helvetia, a aussi contribué au succès de la Biennale. «Très modestement», souligne Marc Hungerbühler. «Certains ont obtenu d’énormes soutiens. Le Chili, l’Allemagne, la Corée ont largement financé les projets. Beaucoup de privés également, des compagnies aériennes, des grandes chaînes hôtelières. Concernant Pro Helvetia, j’ai le sentiment qu’il y a tellement de restrictions, d’exigences limitatives… Et puis il y a ma personne: c’est qui ce Marc? Est-ce qu’il est vraiment Suisse? Il est parti il y a si longtemps.»

Si le projet n’a pas mobilisé les donateurs suisses, c’est peut-être aussi en raison de son caractère légèrement hermétique. «Une Biennale est un événement plus académique qu’un festival, par définition moins festif», explique le curateur suisse.

Mais à en croire certains visiteurs, et notamment des Suisses, la qualité des oeuvres exposées était très inégale, et les messages difficiles d’accès. La toile verdâtre, strictement monochrome, sans le moindre motif, qu’exposait l’une de galeries en a évidemment laissé plus d’un sans voix.

Nouvelle génération

Mais pour Jennifer Conrad, responsable communication de la Biennale, le grand succès de l’événement, c’est d’avoir présenté toute une nouvelle génération de jeunes artistes chinois attachés à des sujets sociaux.

«Leurs oeuvres abordent le tremblement de terre du Sichuan, le barrage des Trois gorges, les déplacements de population, les églises clandestines, l’emprisonnement de dissidents … autant de thématiques que l’art contemporain se doit d’oser soulever.» Les autorités, du reste, ne s’y sont pas trompées: la censure a sévi, plusieurs oeuvres ont été retirées de la Biennale, une performance a été interdite.

Marc Hungerbühler regrette que les médias internationaux se soient focalisés sur ces aspects sociétaux et polémiques, au détriment des aspects artistiques de la Biennale. «La censure a quelque peu entravé le travail des exposants chinois. Côté international, on nous a laissé pleine liberté, c’est de bon augure pour l’avenir. Car avenir il y aura.»

Alain Arnaud, Pékin, swissinfo.ch

Attraction. Zone d’art contemporain située au centre de Pékin, dans le district de Choyang, 798 est souvent citée comme la troisième attraction touristique de la capitale chinoise, après la Cité interdite et la grande muraille.

640 hectares. Ce centre d’exposition unique au monde s’étend sur 640 hectares, sur le site d’une ancienne usine est-allemande d’armement.

Branché. Il compte plusieurs centaines de galeries et lieux d’exposition, et est en passe de devenir LE quartier branché de Pékin, façon «bobo».

St. Gall. Né à St. Gall en 1963, l’artiste et curateur parcourt le monde dès l’adolescence, et décroche un masters in fine arts à New York en 1985.

Green Card. Il obtient une «green card» pour mérites professionnels exceptionnels en 1998.

Mondial. Il expose en Corée, au Japon, en Chine, aux Etats-Unis et en Europe.

Tigerhof. Il fonde en 2002 la galerie Tigerhof à St. Gall

Network. Il crée également ‘the:artist:network’, organisation indépendante basée à New York et Pékin qui se charge d’organiser des événements culturels et des séjours d’artistes à New York, en Suisse et en Chine.

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