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L’heure du bilan pour Yvette Jaggi

L'«ère Jaggi» aura été l'une des plus animées de l'histoire de Pro Helvetia. Keystone Archive

«Pro Helvetia est peut-être moins sereine, mais en très bonne forme», juge la présidente démissionnaire de la première institution suisse de promotion de la culture.

Après huit ans à la tête de la Fondation, Yvette Jaggi s’apprête à laisser son poste à Mario Annoni, actuel président du gouvernement du Canton de Berne.

C’est l’esprit serein qu’Yvette Jaggi quittera le 31 décembre la présidence de Pro Helvetia, après huit ans consacrés à la mue de l’institution. A bientôt 65 ans, elle aspire à «pouvoir plus librement s’exprimer et choisir ses occupations».

Sollicitée de toutes parts, la Vaudoise reste discrète sur ses projets. «Pour l’instant, je suis plutôt à choisir et à dire non». Elle se réjouit de travailler à d’«autres choses passionnantes. Mon rythme restera relativement intense, c’est inguérissable, mais pour d’autres causes», explique Yvette Jaggi.

La «tranche Jaggi» restera parmi les plus dynamiques et animées de l’institution, confirme la présidente sans fausse modestie. «Pro Helvetia est peut-être moins sereine, mais en très bonne forme. Le ménage a été fait à l’interne, avec un grand zèle».

L’affaire Hirschhorn

Cette dernière année a été marquée par la polémique autour de Thomas Hirschhorn. Son exposition au Centre culturel suisse de Paris a valu à Pro Helvetia de voir son budget amputé d’un million de francs par les parlementaires fédéraux.

Cette polémique n’est pas la première que traverse l’institution. «Mais aucune n’a été médiatisée à ce point et aucune n’a éclaté avec cette brusquerie, du jour au lendemain, sur la base de la presse dominicale», note la présidente.

Des sages décevants


Yvette Jaggi a été particulièrement déçue par le Conseil des Etats (Sénat), où elle a d’ailleurs siégé de 1987 à 1991. «Le manque de sérieux de la réaction de ces sages, l’émotion tenant lieu de motivation politique, m’a particulièrement surprise. J’ai mis du temps à l’accepter».

Cette affaire a aussi eu des retombées positives. «Cela a donné une consistance, une largeur et une intensité inespérées au débat sur la politique culturelle au niveau fédéral», se réjouit Yvette Jaggi.

Les projets de loi sur Pro Helvetia et sur l’encouragement à la culture ont dominé ses huit ans à la tête de la Fondation. Ebauchées dès 2002, ces lois devraient entrer en vigueur d’ici 2008 ou 2009. «Le rythme du moulin fédéral est très ‘impatientant’. En tout cas, on n’est pas essoufflé!», ironise Yvette Jaggi.

«Mon impression rétrospective est celle d’une longue lutte pour le changement. Un objectif par définition jamais définitivement atteint».

«Un faux débat»

Les détracteurs de Pro Helvetia critiquent volontiers la part des frais de fonctionnement de l’institution qui s’élève à un tiers du budget annuel. Yvette Jaggi leur répond qu’il s’agit là d’un «faux débat», dû au système comptable.

«Cela paraît cher parce que notre comptabilité est très rigoureuse», explique la présidente. «Chaque franc qui n’est pas donné à l’extérieur est imputé comme charge interne.»

Mais certaines dépenses sont engendrées par les projets eux-mêmes, comme l’examen des quelque 4000 requêtes que reçoit Pro Helvetia chaque année. Ces «frais de production» étaient auparavant mis à la charge des projets financés, comme cela se fait dans la plupart des organisations humanitaires et sociales par exemple.

«Les frais généraux proprement dits représentent largement moins de 10% du budget, ce qui est tout à fait raisonnable», estime Yvette Jaggi. Si les institutions comparables en Allemagne ou en Grande-Bretagne comptaient comme en Suisse, leurs frais de fonctionnement atteindraient la moitié de leur budget, affirme Yvette Jaggi.

swissinfo et les agences

Née en 1941, Yvette Jaggi a travaillé dans le marketing et la gestion de grands magasins après des études de lettres et de sciences politiques.
Directrice de la Fédération romande des consommatrices et enseignante à l’Université de Lausanne, elle siège ensuite successivement dans les deux Chambres du Parlement fédéral et occupe la vice-présidence du Parti socialiste suisse.
Elue à l’exécutif de Lausanne, elle a d’abord la charge des finances avant de devenir syndique (maire) de la commune, dont elle développera le renom, notamment en y attirant Maurice Béjart.
En 1997, elle est nommée présidente de Pro Helvetia, fonction qu’elle quitte à fin 2005, pour laisser la place à Mario Annoni, président du gouvernement cantonal de Berne.

– La Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia a pour tâche d’encourager les efforts culturels d’un intérêt général pour la Suisse.

– Instituée en 1939, elle est entièrement financée par la Confédération. Son budget pour l’année 2005 s’élève à 33 millions de francs suisses.

– La Fondation s’efforce d’assurer aux acteurs culturels suisses les meilleures conditions possibles pour créer et faire connaître leurs œuvres aussi bien en Suisse qu’à l’étranger.

– Pro Helvetia met également sur pied des programmes dans des domaines où elle veut mettre l’accent: compréhension à l’intérieur du pays, dialogue interculturel, culture populaire et danse.

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